It's gonna be great, you know ? {Leanne - Terminé}

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© silk stocking & ...

It's gonna be great, you know ?
feat. Leanne Campbell & Saona Kalani

Cinq ans. Cela faisait 5 ans qu'elles ne s'étaient pas vues. Pourtant, pour l'une comme pour l'autre, c'était comme hier. Il en était de même pour les 398 autres personnes qui habitaient désormais dans ce que l'on appelait communément la « Tortue ». Tous venaient de passer 5 longues années dans un caisson, congelés, protégés du vieillissement, et de tous les désagréments qu'un voyage tel qu'ils venaient d'en faire pouvait amener à leurs corps inhabitués à de tels paramètres.
La situation était inhabituelle et pour cause. Les 400 membres de l'expédition qui venait de les mener jusqu'à Pandora étaient, théoriquement les 400 seuls humains autorisés à retourner sur cette Lune si mystérieuse et attractive. Bien entendu, il avait fallu s'en douter, d'autres hommes avaient violé le décret qui interdisait toute visite sur Pandora jusqu'à cette expédition, et cela changeait tout. Ils avaient tout préparé, tout envisagé, sauf l'éventualité que des hommes aient rompu le contrat et aient mis en déséquilibre la tentative de négociation avec les Na'vis. La chose n'était pourtant déjà pas simple, les indigènes ayant beaucoup souffert de la première présence humaine sur leur terre, et, de manière tout à fait justifiée, ayant un très mauvais a priori sur les petits hommes blancs - ou noirs. Mais il fallait néanmoins garder espoir, et confiance en la nature des Na'vis, des êtres très intelligents qui auraient sans doute la capacité de discerner le bon du mauvais en l'homme.

Quoi qu'il en soit, ces 400 personnes ici présentes pour le bien de l'humanité et celui des Na'vis, étaient heureuses de se réveiller et de vivre enfin leur rêve. Ils étaient l'élite de la population terrienne et devaient porter fièrement ce fardeau. Cela faisait déjà quelques jours qu'ils étaient arrivés, mais cela prenait du temps, pour que tous soient sortis de leur caisson, pris en charge et remis en forme. Passer 5 ans endormis n'avait rien de très réjouissant pour un corps qui avait besoin d'exercice journalier et même si la congélation prévenait de tout dommage, il fallait être très prudent au réveil.
Saona avait retrouvé la forme, étant l'une des premières sorties de son caisson pour ensuite apporter son aide médicale aux autres, bien que les tous premiers aient été les techniciens qui avaient permis de mettre en place la Tortue. Elle s'était donc éveillée dans sa chambre personnelle, ce matin-là, et avait souri, comme chaque matin depuis son arrivée, avant de sentir une boule au ventre. Elle était heureuse d'être là, mais à la fois très stressée et inquiète de l'avenir que lui réservait cette aventure. Elle avait tant à apprendre encore. Et parfois, il lui arrivait de se demander si elle avait fait le bon choix. La photo de sa sœur, accrochée à son miroir en face de son évier, lui rappelait chaque jour qu'elle l'avait laissée seule sur cette Terre détruite. Si elle était là, c'était pour essayer de tous les sauver, ce à quoi elle avait toujours aspiré. Mais cette envie était égoïste et elle se demandait si elle n'aurait pas mieux fait de rêver de choses plus simples en prenant soin de sa petite sœur, désormais seule au monde.
Oui Saona était prise de doutes. Elle n'en avait fait part à personne, mais ne parvenait pour l'instant pas à se réjouir totalement de sa présence sur Pandora. Chaque jour, un sentiment de culpabilité et d'angoisse la saisissait et elle ne parvenait pas à s'en défaire.

Se regardant dans le miroir, la jeune femme sentit les larmes lui monter aux yeux quand tout à coup, on frappa discrètement à sa porte. Elle ravala rapidement ses larmes et tâcha de se constituer un visage. Aujourd'hui était un jour particulier. Leanne, sa meilleure amie, et elle, avaient prévu de parcourir plus avant la Tortue et de découvrir ce qu'elles n'avaient pas encore eu l'occasion de voir. Il y avait tant à parcourir et elles avaient eu besoin de temps pour se remettre, qu'aujourd'hui était comme un grand jour pour elles. Elles allaient voir leur rêve se dévoiler devant leurs yeux. Ce devait être un jour joyeux, et Saona ne voulait pas gâcher la joie de son amie.
Elle afficha un sourire qu'elle estima suffisamment convainquant et ouvrit la porte. Son amie affichait une mine excitée et réjouie. Saona savait que Lee vivait son rêve bien plus qu'elle-même et s'en réjouissait pour elle. Leanne était tellement impliquée dans tout ce qui concernait l'environnement, les cultures... Pandora était son rêve depuis longtemps, tandis que Saona n'y avait pris goût qu'il y a peu, encore. Elle ne voulait pas lui gâcher ce moment, elle n'en avait pas le droit. Et puis, elle avait voulu venir ici. Elle en était heureuse. C'est seulement que pour l'instant, elle ne parvenait pas à chasser sa culpabilité. Quand elle commencerait réellement à travailler, peut-être...

Hey ! Hello ! Alors, bien dormi ? Prête pour la grande découverte ?

Saona prit Leanne dans ses bras et l'enlaça chaleureusement. Elles étaient comme des sœurs, et sans elle, Saona aurait déjà tout fait pour repartir rejoindre sa sœur de sang. Voilà, à présent, elle culpabilisait aussi de ne pas apprécier ce qu'elle vivait à sa juste valeur, et de ne pas être franche avec sa sœur de cœur...
La jeune femme se retourna pour ne pas montrer son visage à Lee, et prépara son petit sac.

J'ai rêvé de ça toute la nuit ! lui dit-elle tout en lui tournant le dos.J'ai pas beaucoup fermé l'œil, c'est tellement dingue, j'arrive toujours pas à y croire ! Et toi, tu as pu dormir, ou tu étais trop excitée aussi ? J'ose à peine imaginer comment tu devais être en t'endormant hier soir, te connaissant ! ajouta-t-elle en finissant par faire face à Leanne et en riant.

Elle prit sa meilleure amie par le bras et elles sortirent toutes deux de la chambre de Saona, que cette dernière ferma derrière elle. Parcourant les couloirs qui les menaient vers les quartiers sud et ouest. Elles se dirigeaient vers le quartier scientifique où elles souhaitaient parcourir les serres afin d'y avoir une vue sur la forêt. Elles croisèrent d'autres membres de l'expédition qu'elles saluèrent avec politesse, avant de glousser d'excitation entre elles comme deux adolescentes parlant d'un garçon. Peu à peu, Saona se sentit mieux. Leanne l'aidait toujours inconsciemment à aller mieux dans les moments un peu plus difficiles. A présent, bien que toujours stressée, elle pouvait ressentir l'excitation la saisir également. Elle en avait rêvé, tout de même et aujourd'hui, cela devenait réel...

Il parait que des Avatars vont sortir aujourd'hui ! On m'a demandé d'être prête à travailler cet après-midi, tu devrais venir voir quand tu auras une minute ! A moins que... tu as été appelée pour une sortie avec ton corps bleu ?! réalisa-t-elle soudain, se rappelant que son amie était pilote d'Avatar, comme si une telle chose pouvait s'oublier ! Oh mon Dieu, je crois bien que je n'ai plus toute ma tête, aujourd'hui ! Il va falloir que je rétablisse ça pour cet aprem !

Sa tapotant le crâne, elle poussa Leanne du coude quand celle-ci se moqua d'elle devant son étourdissement. Tout à coup, elles se stoppèrent net, et se collèrent à la vitre qui se trouvait non loin d'elles. Une vue imprenable sur la forêt s'offrait à elles et elles furent muette d'émerveillement...

Une douce musique emplit les oreilles de Leanne. La jeune femme détestait se faire réveiller par une sonnerie stridente qui vous arrachait la tête, et avait donc opté pour cette petite chose bien sympathique qui lui laissait choisir la chanson qui lui convenait le mieux pour quitter le doux monde des rêves. C'était le seul exemple qu'elle serait bien capable de donner si on lui demandait de défendre les progrès en matière de technologie. Lee était effectivement connue pour son amour de la Nature et bien qu'elle appréciât les réveils et autres ordinateurs sophistiqués, elle savait que ces fameux progrès n'étaient malheureusement pas compatibles avec la survie des plantes et des animaux. Oh, ils pourraient l'être si les humains se montraient moins avides et destructeurs. Plus intelligents en somme. Toutefois, force est de constater que plus les machines se développaient, plus la Terre mourait. Il leur fallait de la place et de quoi fonctionner. La pollution était telle que dans les grandes villes, l'on percevait à peine les rayons du soleil au milieu de la journée. La Planète Bleue agonisait, et il était trop tard pour y changer quoi que ce soit. Tous les gens qui, comme l'anthropologue, déploraient en être arrivés là, ne pouvaient rien faire d'autre que regarder la Terre s'éteindre à petit feu. Impuissants.

Lee se morigéna, songeant que si elle démarrait sa journée sur des pensées si négatives, rien ne tournerait rond et elle serait de mauvaise humeur des heures durant. Non, hors de question de se laisser avoir de cette façon, elle n'était pas du genre à tirer la tête dès le matin, et surtout pas pour des choses sur lesquelles elle n'avait aucune incidence. Leanne était une battante, courageuse et volontaire. Elle donnait toujours son maximum pour que sa journée soit la plus productive possible. La jeune femme se demanda ce qu'elle allait bien pouvoir faire aujourd'hui dans ce but, tout en écoutant la chanson qui se diffusait toujours dans sa chambre. Elle n'avait encore pas ouvert les yeux, appréciant se donner cinq minutes plutôt que de sauter immédiatement hors du lit. Alors ? Ses objectifs ? Et bien déjà, elle pourrait prendre un bon petit-déjeuner au réfectoire pour se donner des forces. Ensuite, nul doute qu'elle rejoindrait Eileen Byrnes et ses autres collègues pilote d'Avatar pour un entraînement intensif. Ah... Ce qu'elle avait hâte d'être enfin sur Pandora...

Pandora. Pandora ! D'un geste brusque, Leanne se redressa et balaya la pièce des yeux. Elle fut perdue l'espace d'une fraction de secondes mais ses idées se remirent tout de suite en place : elle y était déjà depuis plusieurs jours ! La blondinette éclata de rire face à sa bêtise, mais ne se formalisa pas de cette erreur. On l'avait prévenue, et il n'y avait rien de plus normal. C'était un peu comme un déménagement : les premiers temps, certains avaient du mal à ne pas se sentir déstabilisés au réveil, se demandant où ils étaient. Lee venait de passer deux années entières dans un camp en Guyane pour se préparer au voyage sur Pandora. Elle avait besoin d'une courte période pour se faire à l'idée que l'entraînement était derrière elle, et qu'aujourd'hui elle se trouvait à des années lumière de la Terre.

Cette constatation lui arracha un sourire franc, et elle quitta aussitôt ses couvertures. Elle laissa la musique, comme elle le faisait toujours le temps de se préparer. Faisant tout d'abord le lit, Leanne se dirigea ensuite vers le lavabo pour se rincer le visage avant d'aller prendre une douche et de s'habiller. Elle opta pour un pantalon en jean foncé et un chemisier noir. Après une dernière vérification pour être sûre que ses cheveux soient en place, Lee quitta finalement sa chambre. Elle arpenta quelques couloirs avant de s'arrêter devant une porte et de donner quelques petits coups contre. Ce matin, sa meilleure amie et elle-même s'étaient donné rendez-vous pour visiter leur base, appelée affectueusement « la tortue » à cause de sa forme. Une visite guidée avait bien sûr été faite lors de leur arrivée, mais elles voulaient la leur, rien qu'à toutes les deux.

« Hey ! Et comment ! Je suppose que toi aussi tu es on ne peut plus prête ! » répondit-elle avec un sourire complice avant de l'enlacer pour la saluer.

Saona se retourna pour préparer quelques affaires, et expliqua à sa soeur de coeur combien elle était impatiente, qu'elle avait à peine fermé l'oeil de toute la nuit, ayant hâte d'errer dans tous les coins possibles et imaginables de leur base. Etrangement, quelque chose clochait pour Leanne, sans qu'elle n'arrive à mettre le doigt dessus. Elle eut comme un pressentiment, allant jusqu'à s'imaginer que Saona n'était pas aussi heureuse d'être ici qu'elle voulait le faire croire. Du moins, le petit doute qui venait d'assaillir Lee concernait la neurologue ; ce n'était peut-être qu'un détail, mais Saona n'avait pas pour habitude de lui tourner le dos pour lui faire part de son bonheur.
Néanmoins, cette infime trace de suspicion s'envola lorsque la jeune femme lui fit face en riant de bon coeur, et Lee ne put que rire avec elle, hochant la tête pour lui indiquer qu'elle avait entièrement raison. Elle n'avait réussi à s'endormir que sur le petit matin, étant bien trop excitée à l'idée de cette expédition entre amies.

Toutes deux sortirent de la chambre de Saona pour se diriger vers le quartier scientifique. Là-bas se trouvaient d'immenses serres d'où elles pourraient apercevoir la magnifique forêt de Pandora. Ou tout du moins, une minuscule partie. Sur le chemin, elles discutèrent et commentèrent parfois sur les membres de l'expédition qu'elles croisaient. Lee était toujours bien quand elle était en compagnie de Saona. Elles se connaissaient depuis leur entrée à la fac, avaient été colocataires et ne s'étaient jamais perdues de vue, même lorsque la vie active les avait séparées. Elles partageaient une complicité enviée de beaucoup de monde, une complicité qui en faisait plus des soeurs que des meilleures amies. Leanne n'imaginait pas sa vie sans Saona, ainsi, elle n'aurait pas imaginé se trouver ici sans elle non plus. Cette aventure n'était magique que parce que Lee pouvait la partager avec la personne qui comptait le plus dans son existence.

« Et oui, je serais là ! Si tu vas jusqu'à oublier que je pilote un Avatar depuis deux ans, je ne sais pas si j'ai vraiment envie que tu supervises la connexion aujourd'hui... » la taquina-t-elle, et elle reçut en retour un coup de coude qui les fit aussitôt éclater de rire.

Soudain, comme un seul homme, elles se turent. Leurs nez furent bientôt presque collés aux vitres de la première serre, et aucune des deux ne se sentit capable de prononcer un seul mot. De toute façon, aucun mot n'existait pour réellement décrire la beauté de cet endroit. Aucun. Leanne balaya du regard tout ce qu'elle pouvait mettre dans son champ de vision. Ayant étudié Pandora depuis longtemps grâce à ses études - et à un intérêt personnel avant d'être en fac - Lee reconnut les différentes plantes qui se trouvaient là. Il y en avait des centaines de sortes et pourtant, il en manquait un nombre encore plus élevé. La richesse de cet univers était incroyablement grande, et elle doutait qu'un jour, quelqu'un soit capable d'en faire le tour complet.
Et puis finalement, le visage de Leanne s'assombrit et la colère passa sur ses traits.

« Dire que certains sont ici pour tout détruire, tout asservir. Je ne laisserai jamais une telle chose arriver. »

Comme si elle pouvait défendre Pandora à elle toute seule. C'était impossible, mais elle entendait par là qu'elle se battrait bec et ongles pour que ce monde et son peuple soient protégés des autres humains. De ces monstres qui étaient venus dans le but de se battre contre les Na'Vis, quitte à les tuer jusqu'au dernier pour coloniser cette planète. Tout comme Grace Augustine, cette femme qu'elle idolâtrait littéralement, Leanne serait prête à donner sa propre vie pour que l'Histoire ne se répète pas. Et elle savait que c'était le cas de beaucoup des membres de cette expédition, ce qui réussissait à lui réchauffer un tant soit peu le coeur quand elle pensait à cette situation.

« Je suis désolée, tu me connais, quand un truc me travaille j'ai du mal à le laisser de côté. Mais on devrait plutôt s'en tenir à notre plan : visiter tous les coins de ces serres et de cette base, et s'émerveiller, se réjouir de faire partie de l'aventure. Tu te souviens de nos coups de fils quand on a appris qu'on allait venir ? J'ai du te laisser un message et quand tu m'as rappelée on a passé dix minutes à essayer de parler tellement on pleurait de joie ! » rit-elle. « Ca fait partie de mes plus beaux souvenirs, et je sais qu'on s'en construira plein d'autres ici. »

Leanne passa un bras autour des épaules de Saona et la serra doucement, ses yeux toujours posés sur la forêt qui s'étendait derrière la vitre. Certes ils avaient eu une mauvaise surprise en arrivant, mais cela ne changeait rien. Ici et maintenant, ils allaient faire la différence. Ils allaient tous se démener coprs et âme pour aider les Na'Vis, et parce qu'ils étaient déterminés, ceux de leur race qui étaient venus dans l'intention de détruire Pandora n'auraient plus qu'à rentrer bredouilles. Et tout au long de cette aventure, Saona et Leanne allait faire comme elles avaient toujours fait : traverser les bons moments comme les mauvais ensemble, en partageant leur bonheur et leurs coups de blues. Et quand tout serait terminé, elles auront gagné de magnifiques histoires à raconter à leurs futurs petits-enfants.

Oui, Lee était une battante et sa décision était prise : elle ne laisserait plus la colère et la négativité prendre le dessus. Désormais, elle avançait avec l'espoir, et... gare à celui qui tenterait de le lui retirer.

Comme il fallait s'y attendre, Leanne était surexcitée par leur visite personnelle des lieux. Après tout, effectivement elles avaient eu droit à une visite guidée en arrivant, mais parcourir les lieux par elles-mêmes, découvrir et s'attarder sur ce qu'elles souhaitaient et être libre en ces endroits magiques rendaient la chose encore plus réelle et tout à la fois inimaginable. C'était tout simplement impensable. Pourtant, c'était là, vrai, réel, tout autour d'elles. Elles étaient sur Pandora. Pandora ! Cette lune si sacrée et si mystérieuse, si mythique aussi. Rien qu'à voir son amie, Saona reprenait un léger espoir.
Leanne répondit par l'affirmative lorsque Saona lui demanda si elle était prêt. Elles s'enlacèrent et Saona faillit rester dans les bras de son amie plus longtemps que nécessaire, y trouvant un réconfort qu'elle ne pouvait trouver nulle part ailleurs. Mais elle ne voulait pas alarmer son amie.
Ensuite, elles quittèrent la chambre de Saona et parcoururent les couloirs, bavardant, commentant parfois les gens qu'elle croisait. Leanne se moqua gentiment de son amie lorsque celle-ci « oublia » que Lee ferait partie de l'aventure pour la sortie des Avatars de cet après-midi. Elles éclatèrent de rire comme deux jeunes filles et Saona se sentit mieux, même si ce sentiment de culpabilité ne voulait pas la lâcher.

Et puis elles arrivèrent aux serres et se turent, fascinées par ce qu'elles voyaient, par l'émerveillement que suscitait la nature de cette lune. Absorbées, elles fixèrent les plantes et la végétation qui s'offraient à elles en silence pendant un petit moment. Puis, la voix, en colère, de Leanne s'éleva. Elle déplora que des gens soient venus ici pour détruire tout cela. Saona savait combien cela touchait son amie, elle en était tout autant affectée, ne comprenait pas comment l'Homme pouvait encore se fourvoyer à ce point quand on voyait dans quel état Il avait mis la Terre. Elle posa une main apaisante sur l'épaule de son amie et la regarda, son soutien dans le regard.
Leanne avait promis de ne pas laisser ces gens venir détruire cette fabuleuse nature qu'offrait Pandora. Toutes deux savaient que Leanne à elle seule ne pourrait les en empêcher. Heureusement, ils étaient 400 et même si cela était peu, et qu'il serait difficile d'arrêter les Mercenaires, les membres de l'expédition habitant la Tortue ne laisserait pas ce groupe d'hommes tout gâcher.

Soudain, Lee se reprit et s'excusa auprès de son amie, disant qu'elle ne pouvait se résoudre à laisser de côté les choses qui la travaillaient. Saona eut un sourire apaisant tandis que son amie continuait, disant qu'elle devrait s'en tenir à leur plan initial.
Elle alla rechercher des souvenirs de l'époque où elles étaient encore sur la Terre, il y a de cela plus de 5 ans, le jour où elles avaient appris qu'elles feraient toutes deux parties de l'expédition. Leur coup de fil avait duré des heures et elles avaient eu du mal à se remettre de leurs émotions. Saona eut un sourire triste à cette évocation. Cela lui rappelait la Terre, et donc sa sœur, ainsi que sa tante qui ne l'avait jamais vue partir pour Pandora – bien que finalement, cela soit peut-être une bonne chose, ou elle serait à présent coupable pour deux personnes au lieu d'une. La jeune médecin soupira alors, se décidant à parler de ses sentiments à son amie. Elle avait besoin d'évacuer et qui d'autre mieux que Leanne pourrait l'aider et la soutenir ?
Saona regarda sa sœur de cœur en silence un moment, puis prit la parole, la voix légèrement tremblante.

Tu ne gâches rien du tout, je comprends ta frustration. J'aimerais te parler de quelque chose, moi aussi, au risque de gâcher l'ambiance...

Elle hésita, tandis que son amie se tournait vers elle pour la regarder.

Je suis heureuse d'être ici, mais je ne peux m'empêcher de... culpabiliser. J'ai laissé ma petite sœur seule sur terre, sans notre tante, et Dieu sait si elle est fragile. Tu le sais mieux que quiconque et... j'ai l'impression d'avoir agit égoïstement. Ça fait 5 ans qu'elle est seule et je ne sais même pas comment elle va... je ne sais pas si... s'il lui est arrivé quelque chose, si elle a replongé ou... Quelle sorte de grande sœur suis-je pour suivre mon rêve sans me soucier de ceux qui ont besoin de moi Leanne ?

Elle n'avait pu la retenir, une larme coula le long de sa joue.

Je suis déchirée entre mon bonheur d'être ici et ce sentiment de culpabilité et de peur qui me saisit à chaque réveil et qui ne me quitte plus...

Saona essuya la larme qui avait coulé et regarda Leanne d'un air désolé. Un groupe d'hommes approcha d'elle et la jeune femme y jeta un oeil. Elle y vit Lorenzo, ce jeune homme qui faisait partie de la protection et qui était aussi l'un des membres du groupe Pandora's Box, et qui également, la rendait tout à fait hors de moyens. Elle n'en avait jamais vraiment parler à Leanne même si ce n'était pas un secret, car Saona n'avait pas la moindre idée de ce que Lorenzo pouvait bien penser d'elle. Il l'appréciait, mais sans plus. D'ailleurs c'était pareil pour elle, du moins elle essayait de s'en convaincre.

Hey So, tu viens nous accompagner de ta danse, on va répéter avant le déjeuner ! lança-t-il en s'approchant un peu d'elle sans toutefois s'arrêter, et continuant son chemin, lui jetant un dernier regard par l'arrière.

Saona resta figée, ses yeux rivés sur lui, avant de regarder à nouveau Leanne. Elle passa sa main dans ses cheveux et ferma les yeux un instant en soupirant.

Je crois que j'ai perdu mon optimisme dans le caisson de congélation, je me sens vraiment nulle et incapable, depuis qu'on est arrivés, Leanne... j'vais avoir besoin de toi, sur ce coup, je crois ! dit-elle alors en rouvrant les yeux et en posant un regard plein d'espoir sur sa meilleure amie.

Leanne se perdait dans la contemplation de Pandora tout en évoquant le souvenir de son admission avec son amie. Ses yeux se posèrent sur une Pseudocenia Rosea, la fameuse plante calice que les Na'Vis craignaient autant que les humains. Durant la première expédition - celle de Jake Sully et Grace Augustine - elle fut responsable de la mort de plusieurs militaires lors de la guerre. Haute de cinq à six mètres, cette plante s'étend sur presque deux mètres environ et se nourrit de petits animaux qui tombent dans son tube et se noient dans le nectar qui se trouve tout au fond. A cette pensée, Lee eut un frisson. Selon le livre du Dr Augustine, le peuple Omaticaya aurait inventé un chant pour prévenir leurs enfants du danger que représente cette plante. Et elle était là, juste devant les yeux de l'anthropologue qui était aussi intrigée qu'effrayée. Elle espérait avoir un jour l'occasion de l'approcher et de l'étudier pour en savoir plus sur son fonctionnement. Ou tout simplement pour la voir à l'oeuvre de ses propres yeux, prendre quelques clichés peut-être. Leanne souhaitait prendre cette habitude de tout documenter. Outre le journal de bord que chacun devait avoir, elle souhaitait se servir de son ordinateur comme d'une banque de données complètes sur Pandora. Des données qu'elle aurait elle-même récoltées, clichés à l'appui. De retour sur Terre, elle espérait sortir un livre sur cet univers fascinant. Après tout, c'était son travail et sa passion ! Son but ? Faire découvrir Pandora à tous les humains qui n'avaient pas eu la chance de faire partie de l'expédition et qui, pourtant, l'aimaient tout autant que sa propre personne. Si elle n'avait pas pu être là, elle aurait aimé qu'un spécialiste le fasse pour elle.

Leanne sortit de ses pensées lorsqu'elle entendit la voix tremblante et peu assurée de Saona. Elle était trop plongée dans son propre monde pour l'avoir entendue soupirer, sinon nul doute qu'elle aurait réagi bien avant. Inquiète, elle se tourna vers sa soeur de coeur et l'écouta. Saona avait quelque chose d'important à lui dire, mais elle semblait hésiter. Afin de la pousser à se confier, Lee lui lança un regard encourageant. Peu importe ce que Saona avait sur le coeur, elle devait le partager. Et Lee se fichait bien de l'ambiance, ce qui lui importait le plus était le bien-être de sa meilleure amie, rien d'autre ne comptait autant. Et si elle avait besoin de parler, la jeune femme serait là pour elle.
Lee sut bien vite ce qui n'allait pas, et ne fut pas étonnée de l'entendre. Saona faisait partie de ces personnes qui mettaient en avant le bien-être de leurs proches et non le leur. Elle culpabilisait d'avoir quitté la Terre et d'être partie à des années lumières de sa soeur, alors que toutes deux avaient perdu leur tante et que Taïna était connue pour ses problèmes de drogue. Elle suivait un rêve alors que sa seule famille avait peut-être besoin de son aide pour s'en sortir.

Lee posa une main sur l'épaule de Saona lorsque celle-ci échappa une larme, et ce fut comme si un poids considérable venait de s'écraser sur ses épaules. Elle n'aimait pas quand sa meilleure amie n'était pas au top de sa forme, quand quelque chose la tracassait ou l'empêchait de se sentir bien. Elle partageait toujours ses doutes et ses peines, et aujourd'hui n'était en rien différent des autres jours. La peur de Saona à l'idée que quelque chose soit arrivé à sa soeur fut transmise à Lee. Cette dernière avait surtout peur que la meilleure neurologue qu'elle connaisse ne soit détruite si elle devait apprendre une si terrible nouvelle. Sa vie était bien assez tragique comme ça, non ? Ne pouvait-on pas lui donner un peu de répit ? Elle avait tout d'abord perdu ses parents, et avait du quitter son pays pour venir dans un endroit qu'elle ne connaissait pas et vivre avec une personne dont elle ne savait rien. Elle avait été obligée de repartir de zéro, de rester forte pour Taïna. Elle avait ensuite du supporter que sa soeur tourne mal, l'aider au mieux quitte à sacrifier des choses. Et puis sa tante qu'elle avait appris à aimer, à adorer, l'avait quittée aussi. Lee était en colère qu'une personne aussi douce et pleine de bonnes intentions puisse vivre des événements aussi tragiques. Et comme si ça ne suffisait pas, on lui avait donné un caractère tel qu'elle culpabilisait sans cesse pour des choses qu'elle ne pouvait de toute manière pas contrôler. La laisserait-on être heureuse un jour ? Comme elle le méritait cent fois ?

« Tu ne devrais pas te sentir coupable, tu... »

Lee n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Un groupe composé uniquement d'hommes - que la jeune blonde ne connaissait pas vraiment - leur passa devant et l'un d'eux s'adressa rapidement à Saona avant que tout le monde ne s'éloigne. Lui par contre, elle savait qui c'était : Lorenzo Sapienti, membre du groupe de musique de l'expédition, qui apparemment ne laissait pas miss Kalani indifférente. Mais l'heure n'était pas aux relations de ce genre. Saona lui avait parlé de quelque chose d'important et elle voulait la réconforter avant de passer à autre chose. C'était son rôle de meilleure amie, et elle n'hésitait jamais à le remplir quand cela concernait sa colocataire de fac, celle qu'elle considérait comme sa propre famille, et la seule en qui elle avait véritablement confiance.

« Tu sais bien que je serais là, » assura-t-elle avec un sourire. « Et pour reprendre, tu ne devrais pas culpabiliser. Et tu n'as aucune raison de le faire, je me trompe ? Tu as vu ta soeur avant de partir et tu as pu constater qu'elle avait fini par prendre ses responsabilités. Elle doit apprendre à grandir par elle-même, Saona. Tu ne pourras pas toujours être derrière elle pour la rattraper à chaque chute, ce ne serait une vie ni pour toi ni pour elle. T'éloigner est au contraire un bon moyen pour Taïna de se construire sa propre vie : elle réalise certainement qu'elle se retrouve sans filet pour la première fois de son existence, et à mon avis, ça la pousse plus dans le bon chemin que dans le mauvais. Auparavant, elle pouvait faire toutes les conneries qu'elle voulait : elle était consciente que tu arriverais à temps pour la sortir du pétrin. Maintenant ce n'est plus le cas. Ton départ est sans aucun doute ce qui lui a le plus fait réaliser qu'elle devait se bouger et changer son train de vie. Je ne connais pas Taïna aussi bien que toi, c'est certain. Mais je pense la connaître assez bien pour te dire qu'aujourd'hui, elle est probablement dans un appartement sympa avec un boulot. Peut-être même qu'elle va aux réunions pour les anciens accros à la drogue afin d'aider ceux qui, contrairement à elle, ne s'en sont pas encore sortis... »

Leanne ne disait pas tout cela dans l'unique but de rassurer Saona, elle le disait parce qu'elle le pensait. Elle n'avait pas énormément croisé Taïna durant les dernières années, mais elle en savait beaucoup car sa meilleure amie lui en parlait très souvent. Et à force, elle avait réussi à la cerner un minimum, confortée dans son opinion par ses brèves rencontres avec l'intéressée. Si la mort de sa tante l'avait déjà poussée à devenir plus sérieuse, le départ se sa soeur lui avait encore donné de la force et du courage. Elle n'avait pas le choix de toute façon, car si cette fois elle se mettait dans de sales draps, il n'y aurait plus personne pour la récupérer. Elle le savait parfaitement et cette pensée avait du l'effrayer, lui montrer qu'il était grand temps de mûrir, de devenir plus adulte.
La jeune femme songea au moyen de communication mis en place pour les membres de l'expédition, comme l'avait dit Raven Galloway lorsque l'un des embarqués lui avait posé la question à une réunion. Cela rassurerait sans doute Saona, aussi Leanne n'hésita-t-elle pas à le lui proposer.

« On a passé quelques jours à s'installer, mais je pense que tout sera bientôt prêt. Ils enverront certainement les messages personnels très vite. Qu'est-ce que tu dirais d'en enregistrer un ce soir pour Taïna ? Certes tu ne recevras pas de réponse dans l'immédiat, mais elle t'en renverra un dès que possible et tu seras rassurée... Qu'est-ce que tu en penses ? » demanda-t-elle avec un air complice, attendant d'être sûre qu'elle aille mieux avant de reprendre sur le même ton : « Et puis, c'est quoi cette histoire avec Lorenzo, le beau gosse aux yeux océan ? »

Elle lui fit un clin d'oeil, espérant détendre l'atmosphère avec une conversation plus légère maintenant que Saona se sentait un peu moins inquiète. Durant les deux ans d'entraînement elle les avait vus discuter de tout et de rien mais surtout de musique et de danse. Les yeux de Saona pétillaient quand elle parlait de Lorenzo - ou à Lorenzo - même si seuls ceux qui la connaissaient par coeur pouvaient réellement le deviner. Il lui plaisait, c'était clair et net, mais pourtant elle ne lui en avait pas touché un mot. Maintenant, elle voulait savoir, et vite ! Avant même que Saona ne lui donne réponse, Lee imagina un plan dans sa tête pour jouer les p'tites entremetteuses... Oh, rien de bien méchant...

Saona n'avait pas pu cacher sa peine devant sa meilleure amie. Elles allaient vivre ici un certain nombre d'années, et leur seul soutient, c'était les amis qu'ils avaient ici, tous, les gens qui les entouraient. Si elle ne se confiait pas à celle qui avait toujours tout su d'elle, elle allait porter ce fardeau bien longtemps, au risque de mal faire son travail et de faire des erreurs auprès de ceux qui comptaient sur elle. Elle ne pouvait garder indéfiniment cela, l'abcès devait être crevé et vite, avant que cela n'aille trop loin. De plus, Saona savait qu'elle pouvait compter sur Leanne pour la réconforter et surtout, pour parvenir à lui faire voir les choses d'une autre manière. C'était son point fort, c'était en partie pour ça que Saona l'aimait. Leanne avait le don de vous faire voir les choses d'une toute autre façon de telle manière que vous gardiez toujours espoir. Elle devait lui parler, elle savait que ce serait pour un bien. Aussi s'était-elle confiée et comme elle s'y était attendue, Leanne fut compréhensive et à son écoute. Elle la rassura en posant une main sur son épaule, et commença à parler, disant que Saona ne devait pas se sentir coupable. Elle fut néanmoins coupée par l'arrivée du petit groupe d'hommes qui passaient, dont Lorenzo, celui-là même qui faisait craquer la jeune neurologue. Saona s'était sentie ridicule lorsqu'elle avait réagi avec gêne devant sa meilleure amie. Elle n'avait jamais avoué à Leanne son attirance pour Lorenzo depuis presque 2 ans... 7 si l'on comptait les 5 ans dans un caisson. Non pas qu'elle n'avait pas fait confiance à Lee pour le lui confier, mais plutôt qu'elle se sentait comme une gamine lorsqu'il s'agissait de Lorenzo. Elle avait l'impression d'être une groupie qui en pinçait pour le beau gosse du groupe de musique, comme toutes les autres. Elle avait 30 ans, que diable, pourquoi ne parvenait-elle pas à passer au dessus de cela ?

Pourtant, elle n'y arrivait pas. Lorenzo, c'était comme une âme sœur, pour Saona. Au sens pur du terme. Dès qu'ils avaient commencé à faire connaissance, elle avait eu un feeling très fort avec lui. Ils avaient de nombreux points communs et aimaient beaucoup de choses en commun également. Sans compter leur passion pour l'art musical. Avec lui, avant de se sentir ridicule, elle s'était sentie vivre, au sens le plus magique du terme. Jamais rien, pourtant, ne s'était passé entre eux. Ils étaient amis. Mais ils avaient déjà passé de longues soirées à discuter, rien que tous les deux, de tout et de rien, refaisant le monde, et il y avait du boulot. Saona avait trouvé en lui un complice, un ami... une âme sœur. Elle ne pouvait pas passer au dessus de cela. Et depuis qu'elle s'en était rendue compte, elle était mal à l'aise avec lui. Deux ans qu'elle en pinçait pour lui, et il ne s'était rien passé. Elle s'imaginait donc qu'il n'avait aucun sentiment pour elle, sinon amical. A vrai dire, elle avait du mal à savoir exactement comment il la percevait. Parfois, elle avait l'impression qu'il se jouait d'elle, comme aujourd'hui. Son petit regard en arrière était un regard charmeur, elle le savait. Elle était presque certaine qu'il avait compris qu'elle l'aimait beaucoup, et qu'il en jouait avec elle. Elle le savait, pourtant, elle ne faisait rien pour y remédier.

Leanne ne réagit pourtant pas à tout cela, poursuivant sur sa lancée pour réconforter son amie. Saona lui en fut reconnaissante. Lee lui assura qu'elle serait toujours là pour elle, et reprit là où elle s'était arrêtée. Elle lui affirma qu'elle ne devait pas culpabiliser, et que partir était une bonne chose, pour elle comme pour sa sœur Taïna. Cette dernière devait prendre son envol, s'assumer et prendre ses responsabilités. Elle ne pouvait pas toujours avoir sa sœur pour la couvrir et la rattraper. Saona savait que Lee avait raison, mais c'était difficile à accepter. Un peu comme une mère qui a du mal à laisser son enfant faire ses propres erreurs pour grandir. Saona avait été comme une mère pour sa sœur depuis la mort de leurs parents. Elle avait joué ce rôle protecteur depuis le début et n'avait jamais abandonné... jusqu'à son départ pour Pandora. Mais Lee lui affirmait que c'était une bonne chose pour tout le monde, que Taïna était sur la bonne voie quand elles étaient parties, et que cela allait donc continuer dans ce sens. Et elle le pensait réellement, ce qui rassura le médecin. Leanne était plus objective qu'elle et avait vu Taïna à plusieurs reprises. Elle la connaissait surtout au travers des récits de sa meilleure amie et avait donc un point de vue extérieur qu'aujourd'hui Saona appréciait plus que tout. Déjà, elle se sentait mieux, un poids en moins sur les épaules. Mais Leanne ne s'arrêta pas là. Elle lui proposa de rédiger un message pour Taïna qui serait envoyé plus ou moins tôt, et même si Saona savait qu'elle ne recevrait pas de réponse immédiatement, elle aurait au moins des nouvelles de sa sœur un jour ou l'autre. Cela la rassurerait encore plus, et la déculpabiliserait certainement.

Saona sourit à sa meilleure amie et soupira une nouvelle fois. Elle l'enlaça amicalement.

Merci Lee... heureusement que tu es là. Tu es mon rayon de soleil...

Une fois assurée que Saona allait un peu mieux, Leanne ne put alors s'empêcher de sauter sur l'occasion qui s'était présentée à elle lorsque Lorenzo les avait croisées. Elle voulait savoir ce qui se passait avec le membre du groupe de musique, Pandora's Box. Elle avait appelé « beau gosse » et cela fit tiquer la belle brune.

Oh non, ne t'y mets pas aussi !!! Je me sens horrible, tu n'imagines pas !

Mal à l'aise, elle se détourna avant de finalement regarder Lee bien en face. Après tout, les meilleures amies étaient faites pour ça. Alors, Saona se mit à rire. Lee avait vraiment le dont de lui remonter le moral...

Ok... ok ! Je... je fonds !

Saona regarda autour d'elle, et entraina Leanne un peu plus loin.

De toute façon, tu t'en doutes déjà ! Mais... il me fait complètement craquer ! Je me sens totalement ridicule, parce que tu l'as dit toi-même, c'est le beau gosse du groupe, et j'ai l'impression d'avoir 16 ans ! Je me sens comme une groupie ! C'est débile, hein ?

Elles s'arrêtèrent et Saona regarda son amie en silence un moment. Il fallait qu'elle lui dise les réels sentiments qu'elle avait à l'égard de Lorenzo.

Pourtant... c'est plus que ça. Je... Il est comme une âme sœur ! Je ne suis même pas sûre d'être amoureuse de lui, mais Lee, quand on parle, c'est juste... magique ! Il comprend tout, on est en fusion sur plein de choses, on a le même genre d'intérêts, et puis il a cette passion pour la musique et l'art que je partage entièrement... Je ne sais pas si nous serions un bon couple, mais c'est un ami super... Franchement, je ne sais même pas s'il y a autre chose, peut-être que j'ai cette impression parce que je suis si bien avec lui et que c'est un mec, je n'en sais rien... Ce que je sais, c'est que maintenant, je me sens ridicule parce que je suis mal à l'aise à chaque fois qu'il me parle ! Et puis je dois bien avouer qu'il est super craquant... finit-elle tout de même par avouer en baissant les yeux.

Elle affronta encore une fois le regard de son amie et y vit un petit pétillement qui ne lui disait rien qui vaille. Saona haussa les sourcils et s'insurgea, malgré tout amusée.

Non non non non, Lee, tu n'interviens pas ! Je t'ai pas dit tout ça pour que tu fasses quelque chose ! Ne me rends pas plus ridicule que je ne suis, s't plait ! se mit alors à lancer Saona à sa meilleure amie, qu'elle voyait amusée et beaucoup trop pensive à son goût...

Lee fut ravie de voir un sourire sur le visage de Saona ; un sourire sincère qui traduisait son soulagement. La jeune femme avait réussi à réconforter son amie et rien ne comptait plus que cela en cet instant précis. Leanne détestait la voir dans des états pareils, elle n'aimait pas la sentir triste ou préoccupée par quelque chose. Pour aller bien, Lee avait besoin que sa soeur de coeur soit souriante et heureuse ; en fait, c'était plutôt elle son rayon de soleil et non l'inverse. Tout en la serrant contre elle, Leanne se demanda ce que sa vie aurait pu être si Saona avait réellement été sa soeur. En fait c'était une question qu'elle se posait très souvent. Et si elles avaient grandi ensemble au lieu de se rencontrer à l'université ? Seraient-elles devenues aussi proches ? Auraient-elles partagé la même complicité ? L'anthropologue aimait à se dire que oui, elle en était même certaine. Son enfance n'avait rien eu de malheureuse, mais elle s'était sentie très seule parfois ; une chose que Saona ne pouvait pas comprendre car contrairement à Lee, elle avait Taïna. L'enfant unique qu'elle était n'avait jamais eu l'occasion de jouer à deux à ces jeux que tous les gosses adoraient. Elle n'avait pas partagé son petit-déjeuner, son goûter ou encore sa chambre avec une fille d'à peu près son âge - qu'elle soit plus grande ou plus petite - et rester des heures à parler une fois au lit. Jusqu'à ce que maman vienne mettre un terme à la conversation en menaçant de punir si elles ne dormaient pas immédiatement. Leanne n'avait pas non plus sauté sur la couette de ses parents le dimanche matin avec une complice pour les forcer à se lever malgré l'heure matinale. Et quand elle regardait des dessins animés le mercredi, car il n'y avait pas école, elle était toujours seule sur le sofa, son plat de pop-corn sur les genoux.

C'était probablement pour toutes ces raisons que Leanne tenait à Saona comme si elles avaient toujours vécu ensemble. Parce qu'elle avait trouvé en elle une véritable soeur de coeur, à défaut d'avoir eu une soeur de sang. Nul doute que si elle en avait eu une - avec laquelle elle se serait bien entendue, Saona et Lee ne seraient pas aussi proches aujourd'hui. Il en allait de même pour son amie : elle aimait Taïna mais elles n'avaient pas partagé tant de choses, ayant été deux adolescentes complètement différentes. En réalité, les ex-colocataires avaient su voir en l'autre la soeur parfaite, celle qui manquait à leur vie et dont elles avaient pourtant besoin. Malgré la distance après la fac, elles ne s'étaient jamais éloignées, bien au contraire. Les kilomètres les avaient presque rapprochées, elle se téléphonaient dès qu'elles le pouvaient. Leanne se souvenait très distinctement de son impatience quand elle allait en ville ; anthropologue, ses voyages se terminaient dans des coins perdus et où les peuples vivaient en harmonie avec la nature. Là-bas, il n'y avait pas de téléphone ni d'internet - aucun moyen de communication possible. Mais de temps en temps, en général une fois par semaine, elle rejoignait la ville la plus proche pour donner des nouvelles. Son premier coup de fil était pour Saona, toujours. Dès qu'elles raccrochaient, son amie lui manquait. Et à chaque fois qu'elle vivait une expérience inoubliable, elle se disait qu'elle aurait aimé que sa « soeur » soit là. Fort heureusement, sur Pandora, Leanne n'avait pas à songer à une telle chose et ressentir de la déception. Saona était là, avec elle, et pour cette raison bien précise, ce départ serait son plus beau voyage.

Saona ayant retrouvé sa pêche habituelle - Lee nota dans un coin de sa tête qu'elles enverraient ces fameux message dans la soirée, la jeune blonde s'autorisa à lui parler de Lorenzo. La neurologue avoua se sentir comme une gamine de quinze ans totalement groupie, simplement parce que le protecteur faisait partie du groupe de l'expédition - Pandora's Box. Leanne écouta chacun de ses mots, et dut bien admettre que ce Lorenzo lui faisait énormément d'effet. Ses yeux brillaient quand elle en parlait et sa voix trahissait les sentiments qu'elle ressentait à son égard. Apparemment ils avaient beaucoup discuté, et Leanne s'étonna de ne pas l'avoir remarqué - ou su. Elle comprit toutefois que Saona n'avait pas voulu lui en parler pour des raisons évidentes : elle n'aimait pas l'idée qu'on la prenne pour une ado et avait peur de se ridiculiser. Lee songeait déjà à ce qu'elle pourrait faire pour rapprocher ces deux-là. Il était évident que Saona ressentait des choses plus profondes pour Lorenzo qu'une simple amitié ; s'ils devaient être ensemble, pourquoi ne pas les aider ? Après tout, elle était une experte en la matière, jouant déjà les intermédiaires entre Seth et Mireia - et ça finirait par marcher, elle le savait ! Mais avant qu'elle n'ait pu dire quoi que ce soit, Saona l'empêcha d'aller plus loin. Nul doute que son expression venait de la trahir.

« Moi ? Tu me connais mal, So'... C'est pas du tout mon genre, voyons ! » dit-elle en faisant mine de prendre la mouche, avant d'éclater de rire. « Bon bon d'accord. Je ne ferais rien, puisque tu insistes. » Elle se garda bien de le promettre, ayant déjà un plan qui se formait petit à petit dans sa tête et comptant bien le mettre en route. Elle se dépêcha donc de reprendre la conversation avant que Saona ne la fasse jurer. « En tout cas, je ne vois pas en quoi tu es une ado de quinze ans. Enfin si. Mais c'est ça, l'amour, ma grande. Quand il te tombe dessus, tu as l'impression de revenir au moment où, plus jeune, tu découvrais ce que ça faisait d'être folle de quelqu'un. Si tu n'avait pas ressenti ça, alors je t'aurais dit que tu ne l'aimais pas réellement. Toi qui te demandes si tu n'es pas en train d'imaginer des trucs parce que vous vous entendez bien et que c'est un homme, tu as ta réponse : non, tu n'imagines rien. Si tu as l'impression d'être de retour au collège, alors c'est que tu es amoureuse de lui. » Elle fit une pause, laissant Saona réfléchir à cela avant de donner son propre exemple pour finir de la convaincre. « Je m'entends très bien avec Hakim. Je pourrais passer des heures à discuter avec lui, et quand c'est le cas j'ai l'impression d'avoir rencontré mon double masculin tellement on s'accorde sur tout. Et il est mignon, » sourit-elle, reprenant avec plus de sérieux. « Mais je ne suis pas amoureuse de lui, je le sais. Et je n'imagine pas non plus être avec lui autrement que comme ça. C'est juste un ami, un ami proches certes, mais un ami. Et je n'en ai jamais douté. Toi et Lorenzo en revanche... Si tu commences à te poser la question c'est qu'il y a anguille sous roche. Et au stade où tu en es, t'es totalement accro, oui ! » conclut-elle en pouffant de rire, se moquant gentiment de sa meilleure amie. « Mais mine de rien, moi, je le connais pas. Dis-m'en plus à son sujet, je veux tout savoir ! Hors de question que je te laisse sortir avec quelqu'un qui ne te mériterait pas. »

Ca paraissait un peu prétentieux, mais Leanne était comme ça. Protectrice comme pas deux, elle vérifiait toujours que ceux qui entouraient ses proches ne puissent jamais leur faire du mal. Elle avait donc l'intention de passer un moment avec Wulan Abbey par exemple, une membre de l'expédition avec qui Garance s'entendait bien. Et elle s'imaginait déjà un moyen de rencontrer Lorenzo sans sa clique, histoire de l'avoir en tête à tête et de lui poser toutes les questions utiles. Elle le cuisinerait comme un père cuisine le nouveau petit-ami de sa fille chérie. Avec plus de discrétion toutefois. Et si un jour il devait briser le coeur de Saona, elle saurait le lui faire regretter...

Il était vrai que l'amitié de Saona et Leanne était unique en son genre et plutôt rare. Peu de personnes pouvaient effectivement se vanter d'avoir une telle amitié, si durable et si forte. On ne trouvait pas facilement, dans la vie, une sorte d'âme sœur amicale comme les deux jeunes femmes l'avaient trouvée. Elles s'étaient trouvées et s'étaient immédiatement reconnues. Si pour Leanne il s'agissait de la sœur qu'elle n'avait jamais eue et qui comblait cette solitude qui avait teinté son enfance et son adolescence, cela était quelque peu différent pour Saona, cependant. En effet, cette dernière avait déjà une sœur, la jeune Taïna, et bien que leur relation soit peu complices, Taïna était toute la vie de Saona. Particulièrement depuis que leurs parents les avaient quittées. Le médecin ressentait un besoin de protection et de parent envers sa petite sœur et l'adorait plus que tout. Elle était la seule famille qu'il lui restait et même sans cela, elle ne supporterait pas qu'il arrive quelque chose à la jeune femme. Taïna, malgré le mauvais chemin qu'elle avait pris, était talentueuse et plein de potentiel, comme sa sœur le croyait sincèrement. Mais elle avait besoin d'être poussée, tirée, secouée. Elle avait besoin qu'on lui montre la voie. La relation entres les deux sœurs avait toujours été ainsi. Saona était le guide et Taïna suivait, comptait outrageusement sur son aînée. Cela n'avait jamais gêné cette dernière, cependant, qui aimait sa sœur et se savait également aimée en retour.

Pourtant, l'amitié que lui portait Leanne, cette fraternité de cœur, était toute aussi importante. Leanne et Taïna étaient sur le même pied d'égalité aux yeux de la jeune Dominicaine. Leanne faisait partie de sa famille au même titre que sa sœur de sang. Elle n'était pas la sœur que Saona n'avait jamais eue, elle n'était pas quelqu'un qui comblait un manque. Elle était un ajout dans sa vie. Et cela ne la rendait que plus précieuse. Elle était le luxe de la vie de Saona. Son petit extra, comme elle aimait l'appeler dans son esprit. Leanne, c'était un autre cadeau du ciel, cette personne qui la comprenait parfaitement, la soutenait dans tout ce qu'elle entreprenait, la poussait à se dépasser, la faisait se sentir en vie... Leanne et Saona avaient des caractères différents, mais elles se complétaient parfaitement, l'une poussant l'autre à se dépasser, tandis qu'à l'inverse, l'autre tempérait le caractère impétueux de la première.
Si elles avaient des oppositions, c'était pour mieux s'entraider. Les plus de Saona se combinaient parfaitement aux moins de Leanne. Et pour cela, la jeune blonde était autant nécessaire dans la vie de la jeune brune que sa propre sœur. Saona avait deux sœurs, et ni l'une ni l'autre ne prendrait jamais la place de sa collègue. Chacune avait une place bien définie, qui lui était propre, et qui était tout autant nécessaire et vitale que l'autre.

Il fut donc naturel pour Saona de parler de ce qui la tracassait à sa meilleure amie. Elle ne l'avait pas fait auparavant par peur du ridicule, par lutte aussi. La jeune femme ne voulait pas s'avouer ces sentiments, et les dire à Leanne les rendait réels. Mais elle s'y était résolue, aujourd'hui, parce que Lee méritait sa confiance. Et elle avait besoin d'elle.
A ses avertissements concernant une probable action de la part de la pilote d'Avatar, Saona répondit immédiatement en lui interdisant toute tentative. Ce à quoi Leanne répondit sur un ton presque outragé que ce n'était pas du tout son genre. Mais ce joli mensonge se termina en fou rire tant la phrase était absurde. Enfin, Leanne lui accorda qu'elle ne ferait rien, mais enchaina rapidement sur la suite, trop rapidement pour que Saona ne soit dupe. Peut-être voulait-elle l'être, néanmoins, car elle n'interrompit pas son amie lorsque cette dernière lui affirma qu'avoir 15 ou 16 ans, c'était l'amour. L'anthropologue lui expliqua que ressentir ce genre de sentiment n'était qu'une manifestation des sentiments plus profonds qu'elle ressentait à l'égard de Lorenzo, ce qui effrayait Saona plus qu'autre chose, cependant. Elle poursuivit, donnant un exemple concret et démontrant par A + B que Saona était totalement amoureuse et qu'au point où cela en était, c'était irrévocable. Saona soupira devant ce constat désolant à ses yeux tandis que son amie lui souriait et se moquait gentiment d'elle. Elle enchaina une nouvelle fois rapidement, disant qu'elle ne connaissait pas ce jeune homme et qu'elle voulait tout savoir sur lui afin de constater s'il la méritait ou non. Parfois, Saona avait l'impression d'être la petite sœur, dans l'histoire...
Elle sourit, amusée, et regarda son amie.

Tu en parles comme si nous sortions ensemble, arrête ! Il n'y a rien, je ne sais même pas s'il est intéressé. Et puis tu sais, je ne suis pas la seule à craquer sur lui... dit-elle en pensant à son apprentie, la jeune Naminé, qui elle aussi avait des vues sur le bel Italien. C'est exactement pour ça que je n'aime pas Naminé Gordon, cette fille que tu apprécies ! Elle en pince pour lui et j'ai parfois l'impression qu'elle ferait tout pour l'avoir ! Elle m'agace ! lança-t-elle avec un ton dur.

Elle regarda Leanne un instant et réfléchit à ce que son amie lui avait demandé. Ce qu'elle pouvait dire sur Lorenzo ? Tout ! Et rien à la fois. Elle le connaissait depuis deux ans maintenant, et même si au début ils n'avaient pas vraiment fait connaissance, les choses avaient changé et Saona avait l'impression d'avoir une relation privilégiée avec lui, à présent. Ils adoraient parler de tout et de rien et tout devenait beaucoup plus simple, en sa présence. Du moins, jusqu'à ce qu'elle s'aperçoive qu'elle aimait beaucoup cela et que ça ne la mette mal à l'aise en sa présence. Elle en était au point où elle l'évitait presque et savait qu'elle ruinait ses propres chances, de cette façon. Sans doute était-ce là une façon de se protéger. Saona n'avait jamais vraiment aimé s'attacher à des personnes. Lorsqu'elle l'avait fait par le passé, elle les avait perdues. Comme ses parents, ou encore sa tante. Elle craignait plus que tout que sa sœur ne suive. Sa seule consolation était d'avoir Leanne à ses côtés, qu'elle préférait mille fois savoir sur Pandora en sa présence, que dans un pays d'Afrique très dangereux où tout pouvait lui arriver. Non que Pandora soit très accueillante niveau sécurité, mais au moins Saona était là.

La jeune femme se mit à réfléchir un instant avant de s'adresser à Leanne pour lui donner ce qu'elle souhaitait. Mais par où commencer ?

Il est... réservé. Au début, il ne disait rien sur lui, il n'avait pas envie d'en parler. Il est un peu macho sur les bords, parfois et sa réserve n'a d'égal que sa façon d'être protecteur envers ceux qui comptent pour lui. En tout cas, c'est comme ça que je le perçois. Il est parfois difficile à cerner, tu sais, il est impulsif et peut se montrer adorable et se changer en monstre deux minutes après ! Des fois je me demande ce qui se passe dans sa tête.

Elle sourit affectueusement à la pensée des mimiques et des réactions du jeune homme. Autant ses qualités que ses défauts la faisaient totalement craquer.

C'est quelqu'un de très énergique aussi, et de casse-cou ! Il n'en rate pas une, mais j'adore ça, moi qui suis superactive ! ajouta-t-elle en riant. Oh et quel râleur aussi ! C'est dingue, des fois il a vraiment un caractère de cochon ! Son orgueil n'en parlons pas, mais... il peut vraiment être très attentif et attentionné, aussi... Ce qui me fait craquer, c'est quand il essaye de me protéger de certaines personnes qu'il n'aime pas en faisant passer cela pour de la virilité ! finit-elle en éclatant de rire. Voilà, je crois que tu as toutes les cartes en main pour cerner le personnage... Il est difficile à résumer, c'est un cas à lui tout seul. Tout ce que je sais, c'est que je me sens vraiment bien, en sa présence... Mais assez parlé de moi après tout ! Je te vois venir, avec tes grands sabots ! Qu'en est-il de TA vie amoureuse ? Hmmm ? dit-elle alors en poussant son amie de l'épaule, le regard coquin et amusé.

« Il n'y a rien, je ne sais même pas s'il est intéressé. » Ben voyons ! Comme si Leanne allait croire en un mensonge pareil. Bien sûr, elle n'en voulait pas à sa meilleure amie de lui sortir de telles énormités ; après tout elle était la première à le faire quand leurs conversations tournaient autour de Shane Hawkes. A l'exception près que ce dernier était forcément intéressé par Leanne, preuve en était que dès le début il avait tenté de la mettre dans son lit. Comme il avait fini par comprendre que ce genre de choses n'attirait en rien la blondinette, il avait fini par adopter un comportement plus amical. Plus décent, dirons-nous. La situation restait similaire dans le sens où Lee ressentait quelque chose de fort pour Shane, et ça, ce n'était pas forcément réciproque. Elle se fichait bien qu'il veuille partager sa couette avec elle, ce que l'anthropologue voulait c'était une relation sérieuse. Elle avait envie qu'il l'aime vraiment, mais doutait qu'il en arrive là un jour... Il était bien trop coureur. Quoi qu'il en soit, le couple sous les feux de la rampe pour le moment n'était pas Lee et Shane, mais Saona et Lorenzo. La neurologue plaisait sans aucun doute au musicien, du moins Leanne avait-elle cru le déceler lorsqu'il lui avait adressé la parole quelques secondes plus tôt. Il avait utilisé une voix enjouée et ses yeux pétillaient. Il semblait avoir vraiment envie que So' les rejoigne, et n'oublions pas le regard charmeur qu'il lui avait lancé en s'éloignant. Non, décidément, Saona ne lui ferait pas croire qu'il n'y avait strictement rien entre eux !

Leanne leva les yeux au ciel lorsque sa soeur de coeur évoqua sa mésentente avec Naminé. L'infirmière était une amie de longue date de Lee, ou plutôt une connaissance retrouvée en Guyane, devenue amie au fil de l'entraînement. Elles s'étaient connues à un vernissage, dans la grande ville de Los Angeles. Naminé faisait de la peinture et la jeune anthropologue lui en avait acheté une, discutant avec elle au passage. Le courant était tout de suite passé, mais leurs vies respectives les avaient éloignées l'une de l'autre... pour qu'elles se retrouvent finalement deux ans plus tôt, choisies afin de rejoindre Pandora. Depuis, Naminé et Leanne avaient passé pas mal de temps ensemble, et leurs conversations tournaient souvent autour des arts en général, de la peinture et de la photographie en particulier. Elles partageaient une passion, ce qui les rapprochait forcément. En somme, Lee appréciait réellement Naminé, mais il n'en était pas de même pour Saona. Selon cette dernière, Nam faisait son maximum pour atteindre Lorenzo, comme s'il lui appartenait déjà. Lee, les bras croisés, haussa un sourcil et essaya de tempérer le point de vue de son amie.

« Tu trouves pas ça normal ? Quand on en pince vraiment pour un homme qui nous plaît, on doit mettre toutes les chances de notre côté, peu importe la concurrence. Et justement, encore plus quand il y en a ! » assura-t-elle, avant de reprendre, histoire de bien pousser Saona. « Au moins, elle, elle n'attend pas qu'il lui passe sous le nez. »

Lee n'avait pas dit cela sur un ton de reproches, après tout So' était bien assez grande pour savoir comment gérer son existence et sa vie personnelle. Mais elle avaient envie de la secouer, de lui faire comprendre que si elle ne faisait rien pour que sa relation avec Lorenzo évolue, alors un beau jour elle se réveillerait et prendrait une claque dans la figure en réalisant qu'il était trop tard. Lorenzo aurait une autre femme au bras, par conséquent elle l'aurait définitivement perdu et regretterait de ne pas s'être battue pour lui. Leanne ne savait que trop bien dans quelle situation Saona se trouvait, pour être dans la même. Mais vraiment. A un détail près : Shane semblait encore plus charmeur que le musicien, et celle qui lui courait sans cesse après ne ressemblait en rien à la douce et gentille Naminé. Au contraire, c'était une vraie garce qui ne reculerait devant rien, quitte à manipuler les gens - dont Shane - au passage. A ce niveau-là, Lee avait plus de souci à se faire que Saona... Pour autant, elle ne se bougeait pas les fesses afin de se rapprocher du protecteur. Elle donnait des conseils qu'elle ne suivait pas elle-même, mais si So' se lançait... alors peut-être en ferait-elle autant. Un jour. Revenant sur Naminé, Lee poussa un petit soupir et régla cette histoire en un clin d'oeil.

« De toute façon si tu veux mon avis, Naminé ne l'intéresse pas. Ca fait deux ans qu'on se côtoie tous, je ne sais rien sur Lorenzo mais tu me connais, je suis très observatrice et je sais lire les gens comme personne. Je l'ai vu agir devant Nam et devant toi - ça n'a rien à voir. Tu n'as rien à craindre d'elle. » Puis, Lee ajouta, sarcastique. « C'est plutôt d'Ellaé dont tu devrais te méfier. Une vraie tigresse, celle-là ! »

Elle pesta encore un peu pour la forme et ne souhaitant pas s'étendre sur le sujet, demanda à Saona de lui en dire plus sur son chevalier servant. Elle expliqua qu'il s'agissait de quelqu'un de réservé, un peu macho mais protecteur, impulsif et lunatique. Rien de bien alarmant mais Lee devrait toutefois vérifier certains points lors d'une future conversation en tête à tête. Personnellement, les machos ne la branchaient pas du tout et elle leur mettrait bien son poing dans la figure, parfois. Donc sortir avec l'un d'eux ? Jamais ! Lee était une féministe pure et ne supportait pas que l'on dise des femmes qu'elles étaient le sexe faible. Mais bon... Tout ce qu'elle demandait à Lorenzo ? Rendre sa meilleure amie heureuse. Au-delà de ça, sa personnalité ne serait pas un problème. S'il était trop macho, elle saurait le recadrer sans qu'ils ne se tapent dessus. Car si relation amoureuse il devait y avoir, Saona serait triste que Lorenzo et Lee ne s'entendent pas ; voilà pourquoi s'il ne lui plaisait pas tant que ça, elle serait prête à faire des efforts. Toutefois, ils n'en étaient pas encore là...

Ainsi l'anthropologue laissa-t-elle Saona compléter sa description sans trop y penser. Elle verrait bien par elle-même ! De toute façon Lee ne l'écoutait plus que d'une oreille, bien trop amusée de la voir parler aussi vite, avec des yeux aussi brillants et des gestes aussi marqués. Nul doute, elle était vraiment perdue en ce qui concernait Lorenzo : les sentiments étaient bien là, elle ne pouvait plus faire marche arrière. Lee n'avait plus qu'à prier Eywa pour que cet homme soit à la hauteur, car dans le cas contraire, la neurologue serait sûrement à ramasser à la petite cuiller, et Lee ne le supporterait pas. D'ailleurs, si cela devait arriver, le musicien aussi serait à ramasser à la petite cuiller, mais pas dans le même sens...
Le sourire amusé qu'affichait Leanne se transforma en grimace quand So' la questionna sur sa propre vie amoureuse. Evidemment, elle était au courant de ce que l'anthropologue ressentait pour Shane - elles n'avaient aucun secret l'une pour l'autre.

« Rien de nouveau, » dit-elle platement en haussant les épaules. « J'attends de voir. » Elle allait s'arrêter là mais vit Saona hausser un sourcil, elle devait se demander ce que sa soeur de coeur pouvait bien attendre. Soupirant, elle continua : « J'essaie... par certains regards... de lui faire comprendre... Je sais pas s'il a remarqué. Quoi qu'il en soit, je ne ferais rien pour le moment. J'ai envie d'être sûre qu'il ne cèdera pas aux avances de plus en plus insistantes d'Ellaé. S'il craque, alors c'est qu'il ne m'aimait pas ou qu'il n'est pas fidèle, et l'un comme l'autre ne me conviennent pas. S'il finit par l'envoyer paître, alors j'envisagerai de tout lui dire. » Leanne tourna de nouveau son regard vers la vitre et proposa finalement, plus enjouée : « Bon, si on allait un peu dans les serres ? C'est bien beau d'observer depuis là, mais ce serait pas mieux de voir les magnifiques plantes de Pandora de plus près ? »

Elle agrémenta sa question d'un large sourire et se dirigea vers le SAS. Pour entrer dans le côté Pandorien des serres, il fallait passer par cet endroit où l'on mettait les masques ; cette construction toute faite de verre - comme ses soeurs regroupant des produits terriens d'ailleurs - recréait l'atmosphère de Pandora pour que la faune se développe correctement. Bien sûr, l'expédition venant tout juste d'arriver, ce lieu en particulier était quasiment vide d'occupants, mais quelques plantes avaient d'ores et déjà été récupérées. Ce serait toujours ça en attendant de pouvoir fouler le vrai territoire de cette magnifique lune...

Le sujet délicat de Naminé, l'apprentie de Saona, arriva sur la table. Elle l'avait elle-même amené, parce que cette petite blonde l'agaçait profondément. Mais quelle ne fut pas sa surprise lorsque Leanne prit sa défense. Saona, vexée, se renferma sur elle-même, appréciant peu de la part de son amie qu'elle prenne le parti de la blonde sous prétexte que elle agissait. Comme c'était facile de dire cela alors que Lee elle-même n'était pas capable de faire un pas vers Shane ! La jeune médecin regarda au dehors sans rien dire tandis que son amie terminait en disant qu'au moins, Naminé n'attendait pas qu'il lui passe sous le nez. Elle se sentit humiliée d'être soudain traitée comme une chiffe molle. Elle n'allait pas non plus s'engager dans une compétition telle une adolescente de 14 ans ! C'était ridicule. Lorenzo était bien assez grand pour savoir laquelle des deux il souhaitait et elle n'allait certainement pas se ridiculiser devant lui pour essayer de le « gagner », comme s'il était le premier prix d'une tombola ! Soupirant, elle préféra ne même pas relever, se taisant de manière inhabituelle ce qui assurément mettrait la puce à l'oreille de son amie. Mais qu'importe, Saona n'était pas d'accord et était légèrement vexée. Bien entendu, elle n'en voulait pas à Leanne, mais cela lui faisait mal au cœur que cette dernière pense qu'elle n'était pas la meilleure dans la compétition qui s'engageait avec Naminé. Cela lui faisait mal au cœur que Naminé ait les faveurs de sa meilleure amie. Devant le silence, Leanne poussa un petit soupir avant de poursuivre. D'après elle, Lorenzo n'était pas attiré par Naminé. Elle affirma que pour avoir vu le jeune homme en présence des deux femmes, son comportement n'avait rien de comparable, et qu'il ne semblait pas intéressé par la blonde mais par Saona elle-même. Cette dernière regarda son amie, peu convaincue, souriant malgré elle quand Lee jeta son venin à l'encontre d'Ellaé, cette jeune femme qui avait une sacrée réputation de prédatrice au niveau des hommes. Comme quoi, elle n'était pas la seule à être stupidement jalouse.

Très bien, si je fais quelque chose, je veux que tu en fasses autant ! conclut Saona en fixant Leanne, cette fois. Car c'était trop facile de conseiller sans même appliquer ses propres conseils. Et puis c'était sa petite vengeance pour avoir défendu Naminé.
Aussi, après avoir parlé de Lorenzo pendant quelques minutes, elle enchaina sur sa meilleure amie, lui demandant où elle en était. Leanne grimaça. Elle n'aimait pas en parler, tout comme Saona, ou du moins, cela l'embêtait parce qu'elle n'agissait pas plus, malgré ses grands conseils ! Saona rit de voir le visage de son amie grimaçant.
Elle affirma qu'il n'y avait rien de nouveau et qu'elle attendait sagement de voir, haussant les épaules, comme si elle s'en fichait, alors qu'il n'y avait rien de plus faux ! La jeune blonde fit mine de s'arrêter et Saona haussa un sourcil, signifiant clairement qu'elle en voulait un peu plus que cela. Leanne continua alors, affirmant qu'elle essayait de lancer certains regards pour lui faire comprendre, mais ne sachant pas si cela fonctionnait. Son excuse ? Elle attendait de voir sa réaction face à cette Ellaé. S'il craquait, elle ne perdait rien, s'il l'envoyait balader, alors elle lui dirait tout. Saona rit.

Alors disons que je fais pareil avec Naminé, puisque d'après toi il n'est intéressé que par moi et que Naminé lui a pourtant mis le grappin dessus !

Elle poussa son amie gentiment et rit avec elle. Puis elles se tournèrent vers la vitre et Leanne proposa à son amie d'aller voir les plantes dans les serres. Celle-ci accepta immédiatement, impatiente, et elles entrèrent dans le sas protecteur où elles devaient se munir de masques. En effet, l'air dans les serres était identique à celui extérieur, sur Pandora. C'était logique, car les plantes de cette partie de la serre étaient celles, toutes petites encore, qui garnissaient le sol de la lune. Il leur fallait donc les mêmes conditions pour grandir et pouvoir être étudiées.
Une fois le masque enfilé, les deux jeunes amies entrèrent dans cet espace immense et encore assez nu. Ils n'étaient là que depuis très peu de temps et les quelques plantes déjà sur place n'avaient pas encore eu le temps de grandir. Le soleil pénétra au travers des vitres immenses et réchauffa l'ambiance, venant chatouiller la peau foncée de Saona. Elle s'émerveilla de l'endroit avec Leanne et elles passèrent d'une plante à l'autre, n'osant pas les toucher mais en mourant d'envie, bien qu'elles n'allaient pas céder. La variété immense de la flore pandorienne était aussi merveilleuse que dangereuse. Il était encore difficile pour Saona de savoir quelle plante était à ne toucher sous aucun prétexte et quelle autre était tout à fait inoffensive. Elle avait bien eu quelques cours là-dessus, mais ce n'était pas sa spécialité.

Elles s'avancèrent dans les profondeurs de la serre, allant et venant entre les allées immenses, prêtes à accueillir les plus grosses plantes de la flore pandorienne. Saona s'émerveilla de voir les toutes petites pousses jaillir de terre et se demanda si elle aurait fait une bonne carrière scientifique. Elle se mit à rire soudainement, s'imaginant scientifique, sa maison regorgeant de plantes en tout genre. Elle eut cette vision de sa sœur qui, dans sa folle période d'essai de fumettes en tout genre, aurait été ravie d'essayer plusieurs des plantes qu'elle aurait cultivées. C'était stupide et Saona ne pouvait en rire que parce que sa sœur semblait enfin avoir pris le bon chemin, mais cela la détendait de pouvoir plaisanter de cela, enfin, l'esprit un peu plus léger grâce à sa meilleure amie.

Hey Lee, tu imagines Taïna ici ? Elle aurait envie de tout essayer dans ses petits rouleaux de papier ! Je serais curieuse de voir l'effet que ça a ! dit-elle en pouffant de rire, s'imaginant, une « cigarette » à la main, avec des effets plus idiots les uns que les autres. Ça doit être ce masque qui me rend idiote ! dit-elle en riant avec son amie.

Avoir un masque sur son visage déplaisait fortement à Leanne. Ce machin lui permettait certes de respirer, cependant elle avait l'impression de ne pas pouvoir profiter pleinement des espèces présentes sous la serre. Elle ne les voyait pas vraiment de ses propres yeux, mais les observait à travers du plastique épais qui - en plus - ne semblait pas correctement nettoyé. Au coin de son oeil gauche apparaissait une magnifique trace de doigt qui la dérangeait davantage. Maugréant entre ses dents, la blondinette tenta de nettoyer ce qui la gênait tant avec la manche de son pull. Seulement cela semblait provenir de l'intérieur et non de l'extérieur. Tant pis, elle devrait faire avec le temps de la balade. Contrairement à toute attente, l'anthropologue oublia bien vite ses déboires avec le masque lorsque son regard se posa sur les plantes qui l'entouraient. Faisant abstraction de son espèce de « vitre » collée devant son visage, elle ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes et s'extasia du contenu de cette serre spécialement conçue pour accueillir la flore de Pandora. Certes les spécimens étaient encore petits pour la plupart, puisque l'expédition était arrivée quelques jours plus tôt seulement. Il avait déjà fallu prendre du temps pour construire ce coin de Paradis sur un lac - sans compter les autres, puisque la Tortue comprenait aussi un jardin situé dans le quartier des Avatars par exemple. Une réplique parfaite de celui qu'ils avaient en Guyane, mais en mieux. Normal, puisque désormais, ils se trouvaient sur la Terre Promise.

Lee marchait en compagnie de Saona, ravie - encore une fois - de partager cette magnifique expérience avec sa meilleure amie. Les choses auraient été tellement moins... spéciales, si la neurologue n'avait pas été acceptée ! Ceci dit, lors de l'attente interminable entre les entretiens et la réponse par mail, Lee avait plus craint pour elle que pour sa soeur de coeur. Saona était un médecin accompli, et elle maîtrisait sa spécialité à la perfection. Elle était obligée de venir sur Pandora. Leanne quant à elle n'en savait que trop rien. De nombreux anthropologues avaient postulé pour obtenir une place sur le Fortuna, dont l'un de ses professeurs à l'université ! Pourtant, elle était là et ce dernier se trouvait toujours sur Terre. Dommage pour lui, elle l'aimait beaucoup, mais tant mieux pour elle. Aussi généreuse soit-elle, la jeune femme n'aurait échangé sa place pour rien au monde. Mais vraiment rien. Ici, elle se sentait d'ores et déjà chez elle ; et sa plus grande hâte était de fouler enfin la forêt de Pandora dans son grand corps d'Avatar. En attendant, elle pouvait avoir un aperçu ici-même et souhaitait profiter de cette occasion pour se familiariser avec les plantes de cet endroit. Certes elle les connaissait déjà, mais uniquement grâce à des livres et aux enseignements prodigués les deux dernières années. Cette fois, elle pouvait les voir et s'en extasier, en compagnie d'une Saona aussi impatiente qu'elle. Et ça valait tout l'or du monde.

La jeune brune tourna son regard vers elle, éclatant de rire à l'idée que sa petite soeur cherche à se rouler des joints avec les plantes de Pandora. Et surtout, se demandant quels effets cela pourrait bien avoir. Lee fut contente de voir Saona plaisanter à ce sujet. Les problèmes de drogue de sa soeur avaient toujours été un sujet délicat - rien de plus normal, et cette réflexion était une preuve flagrante qu'elle la pensait réellement dans le droit chemin désormais. Sinon, elle ne se serait pas permise. Le fait que son amie soit rassurée réchauffa le coeur de Leanne et tout comme elle, la pilote se mit à rire de bon coeur. Lorsque So' supposa que le masque la rendait idiote, Lee la regarda d'un air appuyé en haussant un sourcil. Evidemment, Saona comprendrait tout de suite ce qu'elle sous-entendait par là ; d'ailleurs elle ne se priva pas de prendre un air offusqué et de la pousser du coude. Aussitôt, pour lui prouver qu'elle la taquinait - bien que sa soeur de coeur l'ait parfaitement compris - Lee lui rendit son coup avant sourire d'un air narquois. Elle fut coupée dans son élan par ce qu'elle venait d'apercevoir dans le coin de la serre. Son rictus s'effaça et ses lèvres formèrent un O de surprise. Sans attendre, elle se mit à trottiner vers la plante en question, rapidement suivie par Saona.

« Regarde ! Ce sont des pousses de Magellum Deltoïdes ! » s'extasia-t-elle, observant un arbre qui faisait déjà un mètre de haut et qui arborait une dizaine de feuilles. « Les Na'Vis utilisent leur bois pour faire des tambours ou des canots. Tu sais qu'ils peuvent aller jusqu'à neuf mètres !? »

Elle leva la tête, comme pour s'assurer que le haut de la serre leur laisse assez de place pour se développer entièrement. Un geste totalement stupide et inutile, mais elle était terriblement impressionnée par la grandeur qu'atteindraient bientôt ces petits trucs qui, pour le moment, étaient loin de la dépasser. Lorsque ses yeux se posèrent à nouveau sur l'unidelta, ils brillaient d'impatience. Elle avait envie de les étudier, de les voir sous toutes les coutures. Tendant une main, elle la posa sur l'une des feuilles pour la caresser brièvement. Aussitôt, elle la retira en poussant un cri : sa main la brûlait. En réalité, elle était devenue toute rouge et elle la piquait tellement que Lee avait énormément de mal à retenir ses larmes. Elle se tourna vers Saona, paniquée.

« Je me suis trompée ! J'aurais du faire plus attention, mais ce n'est pas un unidelta, c'est un delta ! La différence c'est que celui-là a des feuilles qui sont toxiques ; mais ils se ressemblent tellement... je... So', qu'est-ce que je dois faire ? Ca fait mal... » gémit-elle en se tenant le poignet, observant sa main rougie et qui ne cessait de la faire souffrir, se maudissant d'avoir été si peu prudente.

Le problème était qu'elle avait beau se triturer les méninges, elle ne savait pas quel médicament soignait la toxine que libérait l'arbre delta. Ni même s'il y en avait un. Elle se concentra sur ce qu'elle savait de ces spécimens en particulier : on l'avait prévenue qu'ils étaient presque similaires, ce qui les rendait difficiles à identifier. Que l'un avait des racines toxiques et que chez l'autre, il s'agissait des feuilles. Mais comme les formateurs espéraient que personne n'ait à être soigné d'un tel mal, elle n'avait jamais été au courant des soins à prodiguer, s'ils existaient ! Saona le savait-elle ? Cela faisait-il partie de sa formation ? Après tout, elle gérait les connexions mais elle restait médecin avant tout... et devait s'occuper des Avatars, qui eux, voués à déambuler dans la forêt, pouvaient très bien tomber sur un delta par hasard.
Levant le visage sur sa meilleure amie, Lee pria Eywa pour qu'elle sache exactement quoi faire afin de la sortir de ce pétrin.

Le masque enfilé, les deux jeunes femmes s'avancèrent dans la serre, et s'émerveillèrent très vite du spectacle qui s'offrait à elles. Malgré la présence de cette chose dérangeante sur leurs têtes, elles pouvaient admirer, et de près, la flore de Pandora. C'était une expérience extraordinaire qui n'était pas donnée à tout le monde. Elles en avaient parfaitement conscience et se réjouissaient de partager cela ensemble. Comme Leanne, Saona pensait que tout cela aurait été bien différent sans la présence de sa meilleure amie. Un bonheur non partagé n'est pas un bonheur complet, et Saona comptait bien profiter pleinement de cette chance qui leur avait été donnée à toutes les deux. Quel luxe c'était d'être ici avec la personne la plus importante de votre entourage, ou tout du moins à égalité avec votre propre sœur ! Nombre de membres de l'expédition n'avait pas cette chance et devaient se débrouiller tous seuls. Bien sûr, des liens s'étaient noués, en deux ans, et chacun s'était fait des amis. Mais ce n'était pas tout à fait pareil. Leanne et Saona se connaissaient depuis des années maintenant, elles avaient vécu ensemble, et avaient tout partagé, ou presque. Les amis faits au cours de l'expédition et de la formation étaient encore des vagues connaissances, car l'amitié prenait du temps, et la confiance encore plus. Il n'était pas chose aisée de trouver des alter ego comme Leanne et Saona pouvaient l'être et cela devait manquer à certains. Saona était ravie de ne pas être dans ce cas et bénissait le ciel que sa sœur de cœur ait été prise, elle aussi.

Si cette dernière avait été convaincue que Saona serait prise à cause de son expérience et ses connaissances dans son domaine, il n'en avait pas été de même pour la jeune médecin elle-même. Elle ne doutait pas vraiment de ses capacités, mais savait que nombre de neurologues s'étaient présentés. Rien d'étonnant là-dedans, car la place de neurologue était une place de choix. Saona avait un accès direct à tout ce qui concernait la connexion des Avatars. Elle prenait soin d'eux et était responsable de leur bien-être physique et mental. Elle était en contact direct avec eux constamment et c'était plutôt appréciable, compte tenu du but précis de l'expédition qui consistait à envoyer des Avatars faire ami-ami avec les Na'vis. Aussi, cette place qu'elle avait fini par décrocher malgré tout avait été prisée et la concurrence avait été rude, Saona en était consciente. C'est pourquoi elle culpabilisait d'avoir laissé sa sœur sur Terre, mais également de culpabiliser d'être ici. Un vrai paradoxe.
Quoi qu'il en soit, elle était conscience de sa chance et était heureuse que son amie Leanne ait été choisie, elle aussi. Elle n'avait jamais douté de ses capacités à elle non plus mais savait que pour elle également, le nombre de candidats serait élevés et qu'il ne serait pas évident de se démarquer.
Finalement, elles y étaient parvenues toutes les deux et en étaient aussi heureuses l'une que l'autre.

Leanne rit avec son amie lorsque cette dernière plaisanta sur sa sœur. C'est vrai, c'est parce qu'elle se sentait plus confiante qu'elle se permettait aujourd'hui d'en rire. Jamais elle n'aurait osé une telle chose si sa petite sœur était encore en danger à ce niveau-là. Bien entendu, Saona ne pouvait dire où en était Taïna aujourd'hui, puisque cinq longues années étaient passées pendant qu'elle voyageait en direction de la lune, mais elle espérait que les choses n'aient changé qu'en bien. Et sa meilleure amie venait de la rassurer, alors elle voulait évacuer le stress concernant sa sœur.
Elles riaient toutes les deux des plaisanteries de la neurologue quand le sourire de Leanne s'effaça et qu'elle se dirigea rapidement vers un coin de la serre. Intriguée, Saona la suivit de près, se demandant ce qu'elle avait bien pu voir et qui la mettait dans cet état.
Leanne était déjà en train de s'extasier devant une pousse qui faisait déjà un mètre de haut. Saona l'observa attentivement, tandis que son amie, qui en connaissait bien plus qu'elle sur la flore pandorienne, lui décrivait de quoi il s'agissait. Bien sûr, Saona en avait entendu parler. Elle avait eu beaucoup de cours sur la flore et la faune pandorienne, mais pas d'un point de vue botanique. Si Saona ne pouvait pas vraiment reconnaitre une plante, ou tout du moins pas aussi vite et efficacement que son amie, elle en connaissait très bien les noms. Elle savait comment soigner les plaies qui pouvaient parfois en résulter et était implacable là-dessus. Cela avait été une très grosse partie de sa formation complémentaire en médecine. Curieusement, ce que lui montrait son amie lui évoquait quelque chose, mais ne correspondait pas au nom qu'elle avait entendu. De toute façon, elle faisait bien plus confiance à Leanne qu'à sa propre mémoire pour cela.
Cette dernière s'émerveilla d'autant plus que les Na'vis semblaient utiliser ce bois pour fabriquer des choses. Elle leva les yeux, comme pour être certaine que tout avait été prévu pour leur développement, ce qui arracha un sourire amusé à Saona. Cette Leanne ne changerait jamais. Elle avait levé les yeux, elle aussi, par curiosité, et quand elle rabaissa son regard, elle vit son amie tendre la main vers la plante. Affolée, elle cria.

Lee, ne t... !

Trop tard, Leanne venait de poser la main sur la feuille de la plante. Elle poussa un cri à son tour, et retira vivement sa main qui brûlait et était rouge vif. Saona n'aurait pu prédire cela, mais en levant les yeux, elle s'était souvenue que le nom qu'avait donné Leanne était très ressemblant à un autre nom. Et pour cause, il s'agissait de deux plantes très semblables, qui différaient seulement par leur technique de « défense ». L'une avait les feuilles venimeuses, l'autre les racines, et Saona ne sachant plus laquelle était laquelle, elle avait voulu avertir son amie de ne rien toucher du tout. Mais elle n'avait pas été assez rapide.
Leanne s'en voulait, s'accusant de s'être trompée et d'avoir confondu les deux plantes à cause de leur très forte ressemblance. Elle s'adressa à son amie, les yeux humides, se plaignant de la douleur que Saona savait très vive.

Réfléchissant rapidement, elle laissa le médecin en elle surgir et emmena Leanne en dehors de la serre rapidement. Elle ôta les masques une fois à l'air normal.

Ok, ne panique pas, ce n'est rien de grave. Je sais que c'est douloureux, mais ça va aller, ne t'inquiète pas. Pour l'instant, il faut qu'on aille à l'infirmerie, et vite. Plus le venin aura le temps de parcourir tes veines, et plus vite tu vas tourner de l'œil.

Saona soutint son amie et elles coururent en direction de l'infirmerie. Le venin de la plante avait un effet exponentiel. Plus on attendait pour soigner, plus l'effet était important. Les effets du venin n'avaient rien d'alarmant cependant, ils étaient plus ennuyeux qu'autre chose : somnolence, parfois aiguë si l'on tardait trop, hallucinations, nausées, vomissements... Rien de très réjouissant, mais ça ne tuait pas. Sans compter, évidemment, l'irritation qui allait se répandre dans le bras, puis dans tout le corps, au fur et à mesure que le venin se répandait.

Arrivées à l'infirmerie, Saona fit asseoir son amie. Elle saisit sa main et l'aspergea d'un désinfectant, pour nettoyer l'endroit où elle avait été touchée, puis prépara une seringue.

Je vais devoir aspirer un maximum, pour essayer de diminuer la répartition du venin dans ton corps. Ne t'étonne pas si tu sens l'irritation se répandre, c'est le venin qui passe dans ton sang.

Saona n'attendit pas de réponse et piqua la seringue dans la main de son amie. Elle savait que cela était douloureux mais elle n'avait pas le choix. Elle prit le maximum de sang à l'endroit du contact, puis prépara un médicament qui aiderait son amie à ne pas se sentir trop mal.

Bien, seul le temps nous dira si nous avons été assez rapide. Il va falloir te reposer au moins jusqu'à demain. Tu risques d'avoir des nausées, des vomissements, des étourdissements voire des pertes de conscience. Il se peut que tu aies des hallucinations aussi, mais ne t'inquiète pas, tout rentrera dans l'ordre, d'accord ? Je veux que tu dormes jusqu'à demain et que tu attendes un jour ou deux avant de prendre les commandes de ton Avatar, compris ? Je vais t'aider à aller jusqu'à ta chambre.

Soutenant à nouveau la blonde, elle la conduisit vers le quartier des chambres et aida son amie à s'installer confortablement dans son lit. Elle lui mit un seau à disposition, juste au cas où, et lui fournit un beeper pour l'appeler en cas de souci. Lorsqu'elle fut certaine que Leanne avait tout pour être à l'aise, elle la laissa après l'avoir rassurée une dernière fois et la laissant se reposer.

Leanne sentait la douleur envahir son poignet et remonter le long de son bras. Au fur et à mesure que le venin se répandait dans ses veines, sa peau prenait une couleur rouge assez soutenue et des démangaisons survenaient un peu partout, suivant le chemin de ce poison. Saona l'entraîna le plus rapidement possible hors de la serre et lui retira son masque une fois dans le sas, la jeune blonde étant trop occupée à gratter sa main en essayant de ne pas crier de douleur. La neurologue lui intima de ne pas paniquer alors que Lee se demandait ce qu'il adviendrait de sa personne : après tout, elle ne se souvenait toujours pas de ce que cette plante pouvait faire aux êtres humains s'ils avaient le malheur de la toucher. Selon sa soeur de coeur, il ne s'agissait de rien de bien grave. Ca faisait mal mais ça ne semblait pas trop difficile à soigner. Pour autant, lorsque les mots « tourner de l'oeil » arrivèrent jusqu'à ses oreilles, Lee observa So' avec des yeux ronds comme des soucoupes. S'évanouir ? Ca pouvait aller jusque-là ? Certes c'était toujours mieux que de tomber dans un coma profond et de ne pas se réveiller, mais quand même ! Ignorant la douleur fulgurante qui touchait déjà son épaule, Leanne pressa le pas, ne faisant aucunement attention aux gens que les deux amies croisaient. Ces derniers se retournaient sur leur passage, se demandant ce qui était arrivé. Dans une autre situation, Lee se serait sentie mal et incompétente. Là, elle s'en fichait bien et ne souhaitait qu'une seule chose : être soignée. Vite. Ah, et ne pas tomber dans les pommes, si possible.

Une fois à l'infirmerie, Saona la fit asseoir sur une chaise et sortit une seringue après avoir désinfecté sa main. Lee tenta de ne pas paniquer. Elle n'avait pas spécialement peur des aiguilles mais en avoir une plantée dans la paume, c'était autre chose qu'une prise de sang. Ca faisait mal, très mal, et elle en avait parfaitement conscience. Ecoutant à moitié les explications de Saona, la pilote ferma les yeux et serra les dents. Elle poussa un petit cri lorsque le métal s'enfonça dans sa chair mais ne hurla pas à gorge déployée, c'était déjà ça. Au moins, elle n'alarmerait pas les autres médecins et infirmiers alentours et ne ferait pas peur aux éventuels patients. La dernière chose que Lee voulait, c'était une foule massée autour d'elle pour voir la première victime de la flore de Pandora. Lorsque la neurologue eut terminé d'aspirer le sang, elle prit un coton et demanda à Lee de le tenir. Pendant ce temps, elle sortit un gobelet en plastique, y versa de l'eau et un médicament en poudre. Le genre de trucs sûrement pas très bon, mais la jeune femme avait confiance en So' et savait que le goût importait peu : ça lui permettrait sans aucun doute de se sentir mieux. Déjà, son envie de se gratter s'estompait mais elle sentait encore le venin en elle. Saona était un excellent médecin mais ne faisait pas des miracles non plus : elle n'avait pas pu retirer tout le poison et comme elle l'expliqua par la suite, seul le temps leur dirait si elle avait été assez rapide. Lee se retint de lui demander ce qui se passerait si ça n'avait pas été le cas et but son médicament, gardant le silence.

Saona la raccompagna jusqu'à sa chambre et l'aida à s'installer dans son lit. Elle lui laissa un seau au cas où elle serait effectivement prise de nausées, et lui donna un beeper en indiquant que si elle avait besoin de quoi que ce soit, elle n'aurait qu'à s'en servir. Lee repensa à tout ce qui pourrait survenir alors qu'elle se remettrait de sa mésaventure : vomissements, étourdissements voire inconscience... et surtout, des hallucinations ! Esquissant un sourire un peu faiblard mais néanmoins amusé à Saona, elle ouvrit enfin la bouche pour lui donner son ressentiment - elle s'était tue jusque-là, se remettant de la panique qui s'était emparée d'elle dans la serre et en attendant les soins de sa soeur de coeur.

« Merci, So'. Je sais pas ce que je ferais sans toi. Et promis, je prendrais pas peur si jamais je me mets à voir un éléphant rose dans ma chambre. Ou un Pa'li jaune poussin. Ou quoi que ce soit d'autre qui sorte de l'ordinaire. » Elle lâcha un rire avant d'ajouter. « Désolée que notre expédition ait été écourtée à cause de mes bêtises. Je te promets que je saurais me faire pardonner. Et que je serais plus prudente à l'avenir. »

Elle avait conclu avant même que Saona ne dise quoi que ce soit, sachant très bien que pour son amie, c'était ça le plus important : que désormais, elle y réfléchisse à deux fois avant de toucher aux plantes de la serre - ou de la forêt si elle était avec son Avatar. Saona la rassura une nouvelle fois et la quitta, la laissant se reposer, mais pas avant de lui avoir promis qu'elle reviendrait la voir dans deux ou trois petites heures.
Leanne était désormais seule dans sa chambre. Elle déposa le beeper sur la table de nuit et s'enfonça un peu plus dans son matelas pour se caler. Elle ne se sentait pas très bien, mais elle était sûre que le venin n'était pas le seul et unique responsable. Elle s'en voulait surtout de s'être montrée si peu professionnelle, de s'être laissée emporter par l'excitation de la découverte. L'anthropologue n'était ici que depuis deux jours et déjà, elle était clouée au lit avec l'interdiction de toucher à son grand corps bleu pendant au moins quarante-huit heures. Qu'en penserait Eileen ?
Ce fut sur cette pensée, et une larme de déception roulant le long de sa joue, qu'elle s'endormit finalement.

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