Farniente {suite & fin} [CLOS]

Jóhanna secoua la tête en souriant, un bref éclat de rire perçant à travers son masque. Les remarques du Sud-Africain étaient teintées d’une délicieuse séduction qui n’échappait pas à la jolie blonde. Lorsqu’il lui proposa de le remercier à l’intérieur, elle reprit son sérieux et ancra ses iris pâles dans les siens l’espace de quelques secondes.

«

Vous ne perdez pas de vue votre objectif, n’est-ce pas ?

»

Puis, le militaire enchaîna avec la question de la pause rafraîchissement. Croisant les bras sur sa poitrine, l’Islandaise s’amusa en faisant tarder sa réponse, qu’il connaissait déjà. Ne lui avait-elle pas glissé que « boire seul » ce n’était pas divertissant et, en quelque sorte, qu’elle aurait aimé l’accompagner ? Elle le regarda s’activer pour ranger tout ce qu’il avait déployé pour faire son golf, un sourire flottant sur ses lèvres. Finalement, il se tourna vers elle, son regard s’accrochant au sien. La jeune femme fit une moue pensive, posant sur son menton son index et levant les yeux au ciel.

«

Laissez-moi réfléchir… Une bonne bière fraîche… Une compagnie agréable… Qui plus est, je suis libre comme l’air… Mmh, très franchement, ça me paraît possible mais…

»

elle s’arrêta brusquement

«

Bien sûr que je vous accompagne toujours. Vous ne m’avez pas effrayé lors de cette leçon et j’ai envie de passer un peu de bon temps. Je sais m’amuser, vous savez.

»

Elle lui proposa ensuite son aide pour transporter le matériel mais il refusa et lui indiqua simplement de prendre la tête pour se rendre aux serres. Elle branla du chef énergiquement, pivota sur ses pieds nus et s’empressa de rentrer. Outre le fait qu’elle pouvait enfin respirer sans l’assistance de ce masque, elle se sentait aussi plus à l’aise à l’intérieur. Et puis, cette fois-ci, ils n’étaient pas en train de contourner le règlement.

«

Alors comme ça… vous vous fichez des règles établies par vos supérieurs, Max ?

»

un temps

«

Je peux vous appeler Max, au fait ? Non, parce que Lieutenant Willsdorff…

»

nouvelle pause

«

Quoi que, ça me va aussi. Mais c’est un peu long. Je préfère Max ; c’est un prénom qui vous va bien en plus.

»

Jóhanna jetait de brefs regards au militaire pendant leur cheminement. Comme elle l’avait déjà remarqué lors de leurs brèves rencontres, il était tout à fait charmant. De ce charme un peu rude qu’on tous les hommes qui portent l’uniforme, certes, tout en étant très différent. Son regard intense semblait pétiller en permanence, sa bouche affichait un sourire qu’il semblait difficile d’enlever, et tout cela lui donnait un atout non négligeable selon la jeune pharmacologue. Il alliait, sans le vouloir, le côté « mauvais garçon » qu’elle appréciait, l’autorité, et disposait d’une assurance doublée d’un humour certain, qui devait lui attirer les bonnes grâces de nombreuses femmes.
Les paroles qu’ils échangeaient faillirent leur faire rater le couloir les conduisant aux serres, mais ils y parvinrent finalement. La diététicienne vint apposer l’une de ses mains sur le verre blindé, embrassant du regard la flore pandorienne qui s’offrait à elle. Dire qu’elle n’en n’avait pas étudié ne serait qu’un dixième… Son esprit et ses pensées se détachèrent un instant du présent, voguant vers son rêve - à savoir trouver l’élément permettant de garder une taille parfaite tout en mangeant ce qui plaît à tous et toutes - jusqu’à ce qu’elle finisse par se retourner brusquement vers l’homme derrière elle.

«

J’avais failli oublier !

»

s'exclama-t-elle.

D’un pas léger, elle s’avança vers lui, se hissant sur la pointe des pieds, et déposa un baiser sur sa joue rugueuse. Elle étouffa un doux rire.

«

Vous piquez.

»

remarqua-t-elle, en effleurant brièvement la barbe de quelques jours qui marbrait le visage du militaire.

Jóhanna proposa son aide au militaire pour porter le sac de sport et la glacière. Ce dernier, en bon gentleman, déclina poliment l’invitation de la jeune femme, lui indiquant simplement de passer en tête et de prendre la direction des serres, ou se poursuivrait l’après-midi. Une fois à l’intérieur , ils purent enfin enlever ces fichus masques, et pouvoir parler à l’air libre était infiniment plus confortable et plus agréable. L’Islandaise le taquina sur son insolence, par rapport au non-respect des règles établies par ses supérieurs hiérarchiques. Le sud-africain rit en retour, et pensait qu’il aurait dû lui présenter son ancien supérieur hiérarchique : le Major Koetzee. Max en était venu aux poings avec lui, ce qui lui avait probablement valu de ne pas avoir sa promotion au grade de Capitaine quelques mois plus tard ….

Je ne connais aucune règle qui m’interdit de jouer au golf sur Pandora, Mademoiselle Paulsen …

lui répondit-il du tac au tac sur un ton taquin, avant d’enchaîner :

Et puis de toute manière, vous êtes en quelque sorte ma complice désormais … vous êtes donc tenue de garder le secret !

Son sourire taquin s’élargit encore un peu plus.

Max sera parfait. Comme vous avez dû vous en rendre compte, je ne suis pas très à cheval sur le protocole. Déjà que mes hommes ne m’appellent même pas par mon grade, je ne vais pas vous le demander ! En contrepartie, me permettez-vous de vous appeler Jóhanna ou Jó’ ?

Il leur fallut quelques minutes pour atteindre les serres. Sur le chemin, Max avait même croisé un de ses supérieurs hiérarchiques, qu’il avait fait mine de ne pas apercevoir. De toute manière, il n’était pas en service, et se comportait donc comme n’importe quel civil. En chemin, nos deux comparses parlaient de tout et de rien, de choses et d’autres qui leur venaient par la tête .. une conversation très agréable, au demeurant, et Max essayait de se rappeler la dernière fois qu’il avait vécu une situation comme celle-ci. Probablement sur Terre .. en tout cas, ça remontait à un bail. Mais Max comptait bien se rattraper et ne pas perdre une seule miette de l’agréable après-midi qu’il passait avec la ravissante pharmacologue.

Jóhanna et Max arrivèrent enfin devant les serres, après s’être trompés de chemin, plongés dans leur conversation. Directement, la jeune femme se tint derrière la baie vitrée, posant sa main sur celle-ci, son regard se perdant parmi les diverses espèces végétales locales. Max resta un peu en retrait, posant ses affaires, observant à son tour la flore .. avec certainement moins d’intérêt que la jeune femme. Bien que cela devait être passionnant, lui trouvait cette végétation particulièrement dangereuse, et qui ne laisse pas le moindre faux pas aux hommes. Il avait, en effet, croisés plusieurs spécimens dangereux lors de ses reconnaissances et différentes missions à l’extérieur. Il y en avait qui relâchaient un gaz toxique lorsque l’on s’approchait trop d’elles, ou d’autres encore qui envoyaient des genres de piques lorsqu’elles se sentaient « menacées »…. Ce fut la jeune femme qui sortit le militaire de sa torpeur.

Jóhanna s’approcha de lui doucement, d’un pas léger et délicat. Max resta sans bouger, se contentant de la regarder s’approcher, se demandant de quoi elle voulait parler. Une fois proche de lui, l’Islandaise se hissa sur les pieds pour déposer un délicat baiser sur la joue du militaire. Max, lui, savourait l’instant avant d’entendre le rire cristallin de la jeune femme, qui lui donna le sourire. Comme pour vérifier ce que venait de déclarer Jó’ , le Sud-Africain se passa une main sur son visage, faisant crisser ses poils de barbe naissant. Il afficha un petit sourire gêné sur le visage.

Je savais que j’aurais dû me raser … Mais il paraît que ça possède un certain charme auprès des femmes

conclut-il avec un petit sourire amusé.

Willsdorff recula de quelques pas avant de se baisser vers ses affaires. Il fit sauter le couvercle de la glacière, et en sortit deux canettes, qui étaient à la température idéale : fraîches, mais pas trop non plus. Max revint vers Jóhanna, lui tendant une des canettes.

Je suis désolé, je n’ai que ça. Si j’avais su, je vous aurais préparé des p’tits cocktails avec ombrelles et compagnie ..

rajouta-t-il d’un ton amusé.

C’est vrai que si quelqu’un venait à passer près d’eux, il pourrait se demander ce qu’ils pouvaient bien faire. La scène pouvait paraître décalée. Boire une bière devant les serres, ça pouvait faire jaser. Max leva sa canette vers la jeune femme, un sourire aux lèvres, avant d’en boire une courte gorgée et de se tourner vers la baie vitrée …

C’est magnifique …

«

Appelez-moi comme vous voulez, du moment que vous ne m’affublez pas d’un sobriquet ridicule. Auquel cas je serais obligée de vous en donner un.

»

le prévint-elle, un sourire malicieux inscrit sur son visage.

Arrivés près de serre, l’Islandaise se posta à l’opposé du militaire de façon à libérer le couloir où ils se trouvaient tout en ayant la possibilité de continuer à le regarder. Elle opta pour un hochement de tête affirmatif lorsqu’il déclara que les barbes naissantes plaisaient aux femmes. Autant ne pas approuver clairement et le laisser un peu dans le flou. Quoi qu’il semblait assez sûr de ses atouts, après tout. Elle attrapa la canette qu’il lui tendait, savourant le contact frais du fer contre ses mains.

«

Oooh, les « ombrelles et compagnie » ? Parce qu’en plus vous savez faire des cocktails ? Non, parce que si c’est le cas je vais vraiment finir par vous suivre, histoire d’en avoir gratuitement.

»

lâcha-t-elle avec humour.

Suivant l’exemple du lieutenant, elle ouvrit sa boisson, la leva face à lui et en prit une gorgée. Ne le quittant pas du regard, elle le vit se tourner vers la baie vitrée la plus proche. Et Dieu seul savait à quel point il avait raison… Pandora était une planète riche, qui promettait ses trésors à ceux qui sauraient la respecter. Sa faune, dangereuse, superbe, vive, et sa flore, captivante, mystérieuse, intrigante… Rien que d’être ici, à contempler les spécimens ramenés par les quelques expéditions, lui suffisait pour l’instant. Ses mirettes semblaient briller tant elle était absorbée par ce spectacle. La jeune femme secoua doucement la tête en prenant une nouvelle gorgée de bière.

«

C’est bien vrai… Seulement, certaines de ses plantes sont trop dangereuses pour qu’on les approche sans protection. Ou sont simplement trop peureuses pour qu’on puisse les toucher. Comme… Tenez !

»

Elle se rapprocha de lui, pointant à travers la vitre une grande plante orangée en forme de spirale.

«

L’Helicoradian peut s’enterrer dans le sol dès qu’on l’effleure. Ce qui n’est vraiment pas pratique pour l’étudier.

»

Jóhanna s’abîma un court moment dans la contemplation du spécimen, puis eut un sourire gêné.

«

Enfin, je ne veux pas vous ennuyer avec tout ça…

»

La pharmacologue se tourna, appuyant son dos contre la baie vitrée et posa son regard bleuté sur le militaire désormais face à elle.

«

Dites… vous viendrez, demain soir ? On a une autre représentation et j’aimerais savoir si je vais perdre ou non mon temps à vous chercher dans le public…

»

Ses iris rivés aux siens, elle ne cherchait pas à masquer son intérêt pour la réponse qu’il allait lui donner. D’ailleurs, n’avait-il pas comprit qu’il lui plaisait ? Elle s’imagina un instant que c’était le cas et se demanda comment est-ce qu’elle pourrait s’y prendre pour qu’il le devine… Non, mis à part lui sauter au cou, elle ne voyait pas de moyen plus clair. La jolie blonde porta sa canette à ses lèvres, en prit une brève gorgée avant de finalement se redresser et quitter Max des yeux. Elle ouvrit la bouche, s’apprêtant à dire quelque chose, quand deux jeunes soldats passèrent dans le couloir. Ils portaient des sacs sur leurs épaules et riaient tellement fort qu’elle aurait dû les entendre venir de loin. L’un d’eux ralenti en la voyant. Il fit un bref salut vers le Sud-Africain, un grand sourire au visage.

«

B’jour, Lieutenant Willsdorff. Hey, Jóh, c’est quand la prochaine répèt’ ?

»

«

On répète ce soir, mais demain on fait un petit concert.

»

«

J’peux passer ?

»

«

Non, je crois que cette fois Loren’ et Kaito préfèreront avoir un peu de calme.

»

«

Ah… Tant pis ! Faites attention, mon Lieutenant, connaissant Jóh, vous n’allez pas tarder à tomber dans ses filets !

»

fit-il en éclatant de rire.

«

Fiche-moi le camp, Sam, au lieu de débiter des âneries.

»

Ce dernier leva les mains en signe de paix puis détalla au petit trot rejoindre son ami qui l’attendait au bout du couloir. Il n’avait que dix-neuf ans, et même si l’Islandaise l’aimait bien, elle devait avouer que parfois il n’avait pas sa langue dans sa poche. Éventer ainsi son plan, quel sombre imbécile. Bon, ce n’était pas comme si elle tenait à ce que ses intentions restent secrètes, mais tout de même… Sa bière dans une main, elle se passa l’autre dans les cheveux en se retournant vers le militaire et eut un léger rire.

«

Ne faites pas attention : il fait ça pour attirer l’attention, c’est de son âge.

»

lâcha-t-elle avec un ton faussement condescendant, comme si elle parlait d’un garçon tout juste entré dans l’adolescence.

Il vous suffit de me demander pour avoir droit à l’un de mes cocktails. Mais si vous voulez quand même me suivre, je n’y verrais aucun inconvénient …

lui lâcha-t-il sur un ton taquin, affublé d’un petit clin d’œil.

Buvant par courtes gorgées sa bière, Max s’était perdu dans la magie et la fantasmagorie qu’offraient la flore pandorienne. Il y avait de quoi devenir accro’ à cette planète, et à ne plus vouloir en repartir. Si leur expédition se révélerait être un succès, il fallait espérer que la race humaine ne commette pas deux fois les mêmes erreurs, en détruisant à son tour ce monde ci. Indubitablement, cette jungle florissante lui rappelait le bush de son Afrique du Sud natale. Non pas pour ses couleurs ou sa végétation. Non, le bush ressemblait à tout autre chose. Beaucoup plus sec, plus aride, de la savane. La jungle pandorienne lui rappelait le bush pour ses dangers. Pour sa faune sur le qui-vive. Un environnement dangereux lorsque l’on ne le maîtrisait pas. C’était la même chose ici.

Jóhanna partit ensuite dans un court exposé sur la flore pandorienne. Max but une gorgée de bière, avant de fixer son regard sur elle. L’Islandaise semblait absorbée et paraissait fascinée par le spectacle qui s’offrait devant eux. La jeune femme avait l’air d’être complètement passionnée par le sujet, et cela ne le surprit pas. Inconsciemment, il se surprit à sourire devant tant de connaissances. Au fil de son exposé, la pharmacologue s’était rapproché du militaire pour lui désigner un helicoradian. Elle resta un court instant songeuse, pensant probablement au défi qu’elle devait affronter. Chaque membre de l’expédition avait sa tâche et celle de la jeune femme devait probablement en être une spécifique à son rôle de diététicienne. Jó’ sembla penser qu’elle ennuyait le militaire avec toutes ses explications.

Du tout. J’ai déjà croisé ces « hélicoradians » sur le terrain. Et entre du nous, ils m’ont particulièrement amusés. Surprenants au début, mais amusants.

Tombant sur un petit regroupement de ces plantes, Max s’était particulièrement amusé à les embêter un petit peu. En dépit de toute conscience scientifique. Le Sud-Africain pencha légèrement la tête sur le côté, de manière à presque chuchoter à l’oreille de l’islandaise, murmurant sur le ton de la confidence.

Du reste, je vous trouve particulièrement ravissante lorsque vous partez dans vos exposés, vous sembliez passionnée par votre sujet …

La pharmacologue se tourna ensuite, dos contre la baie vitrée, posant son regard sur Willsdorff. Elle lui demanda s’il viendrait demain soir à la prochaine représentation des Pandora’s Box. Son regard croisa celui du militaire, qui afficha un sourire charmeur, mais qui se voulait également rassurant.

Je serais bien venu mais .. je suis de faction demain soir. Je dois monter la garde.

La jeune femme semblait déçue. Max l’était également. Il avait ses obligations mais il avait sa petite idée derrière la tête. Le regard de Jóh l’ayant quitté à sa réponse, le sud-africain se permit de relever le menton de la jeune femme délicatement, à l’aide de ses doigts.

Mais je trouverais bien quelque chose pour passer à la fin du concert et assister à vos derniers morceaux. Une telle représentation mérite d’être surveillée …

lui confia-t-il avec un petit sourire amusé, tel le gosse qui préparait sa prochaine bêtise.

Il était évident qu’il plaisait à la jeune femme comme il était évident du contraire. Jóhanna plaisait beaucoup au militaire. Il l’avait remarqué une première fois en Guyane, lors d’un exercice d’escorte de scientifique à travers la jungle. Puis il ne l’avait plus revu, jusqu’à assister à l’un des concerts du petit groupe pandorien ou il s’était rappelé de son minois fort délicieux. Max et l’Islandaise furent surpris par un binôme de soldat, dont un salua son supérieur avant d’entamer une courte discussion avec la jeune femme. Willsdorff le salua en retour, se souciant peu de l’image qu’il donnait, avant d’écouter la conversation d’un air amusé.

Ce soldat, un dénommé Sam, Max s’en rappelait. C’était une des recrues dont il avait la charge de son instruction . Un peu chien fou sur les bords, du fait de son jeune âge, mais il suivait les ordres et c’était ce qui primait pour un soldat. Ecoutant d’une oreille distraite leur conversation, Max fut toute fois interpellé par la dernière réponse, quisembla déconcerter la jeune femme. A tel point que l’Islandaise crut bon de devoir s’excuser à sa place, comme si le soldat avait mis ses défenses à nu. Max répondit d’un sourire amusé à la tentative de diversion de Jóhanna.

Alors comme ça je suis en train de tomber dans vos filets ?

lui lâcha-t-il d’un air taquin, légèrement moqueur …. Puisque ce semblait être le cas, et que la jeune femme plaisait également au militaire, il décida de jouer un peu avec elle ….

Ces murmures, ces doigts qui effleuraient son menton, ce regard posé sur elle, et ces sourires désarmants. Jóhanna Paulsen avait trouvé un adversaire à sa taille en la présence du militaire Sud-Africain, il n’y avait aucun doute. Si lors de la séance de golf, elle avait failli penser qu’elle ne l’intéressait pas plus que ça, ce n’était plus le cas à présent qu’il glissait des compliments et des sous-entendus à chaque phrase qu’il prononçait. Mais elle n’était pas une jeune femme inoffensive qui se retrouvait désarmée devant un peu de séduction ; à vrai dire, c’était même l’une de ses habitudes dont elle n’arrivait pas à se débarrasser : jouer au chat et à la souris. Si l’Islandaise n’avait aucun vice – elle n’aime pas les cigarettes, ne boit que lorsqu’elle est à une fête et avec modération, ne prend aucune drogue, sans oublier qu’elle mange sainement – elle se rattrapait volontiers en profitant de la vie. Et de tous les plaisirs qu’elle pouvait offrir.

«

Je ne sais pas… C’est le cas ?

»

lâcha-t-elle enfin, d’un ton désintéressé.

Elle porta sa bière à ses lèvres, dardant sur le lieutenant son regard bleuté sans se soucier de ce que l’on pourrait penser en les voyant. Déjà que les deux soldats avaient dû se demander ce qui se tramait… Qu’importait les commérages ; ils étaient tous majeurs, vaccinés et pouvaient prendre leurs décisions seuls. Du moment que cela ne concernait pas la base tout entière et que ça ne mettait personne en danger, ils pouvaient garder une part de liberté dans leur vie privée. Encore heureux, selon la pharmacologue. Sinon, ils auraient tous fini par devenir fous à force. Déjà qu’ils vivaient cloîtrés dans la Tortue et qu’ils ne pouvaient pas sortir sans masque…

«

Mais, dites-moi…

»

elle se rapprocha légèrement

«

Si vous venez, demain soir, ce n’est pas plutôt pour me surveiller moi, plutôt que la représentation ?

»

S’il voulait jouer avec le feu, il allait être servit. Certes, il l’avait prise au dépourvu de nombreuses fois, et la dernière en date remontait au fait qu’il ait relevé ce que Sam avait clamé. Elle aurait pensé qu’il n’aurait pas prêté attention au babillage incessant de ce dernier, mais ce ne fut pas le cas. De plus, il semblait avoir parfaitement comprit où elle voulait en venir. C’était amusant à voir… et après tout, pour une fois qu’elle pouvait se permettre d’être aguichante sans être en soirée… Et puis, Max était un peu spécial. Au départ, il lui avait peut-être plu physiquement, mais elle avait préféré ne pas s’y intéresser de peur de se retrouver confrontée à l’habituel « Je ne mélange pas mon devoir avec le reste. » Non pas qu’un défi de ce type ne lui déplaise, au contraire, néanmoins ce n’était pas sa tasse de thé, les militaires renfrognés et limite condescendants. Non, parce que les scientifiques prenaient parfois de haut le reste de l’expédition, mais on ne pouvait nier que certains hauts gradés faisaient de même.
Mais le lieutenant Willsdorff n’était pas de ceux-là. Il lui avait montré qu’il cultivait une part plus humaine qu’on ne pourrait le croire. Il faisait fi des us et coutumes que l’on réservait à ceux qui faisaient partie des protecteurs, n’hésitait pas à braver deux ou trois règles pour prendre un peu de bon temps et, surtout, il avait un charme fou. Jóhanna éclata d’un rire bref, levant ses mains au niveau de son visage comme en signe de paix. Autant jouer cartes sur table… De toute façon elle ne pourrait pas aller bien loin face à un tel adversaire si elle n’était pas franche. Cela lui permettrait par la suite d’opter pour une attitude moins mystérieuse mais plus distante.

«

Bien, je cède : vous me plaisez, Max. Mais n’espérez pas que je me jette à votre cou comme l’une de ces minettes effarouchées qui ne peuvent plus se tenir dès qu’elles aperçoivent un homme en uniforme.

»

déclara-t-elle en prenant une gorgée d’alcool.

L’idéal, à cet instant, serait de trouver une excuse parfaite pour filer à l’anglaise. Parce qu’après que la vérité soit dévoilée, généralement, les choses accéléraient – il arrivait que l’on n’attende même pas d’être sûr que le sentiment soit partagé pour que tout dérape, d’ailleurs – et disons qu’elle aurait aimé faire durer le plaisir qu’elle ressentait à séduire et être séduite par le Sud-Africain. Seulement, elle avait beau attendre qu’une idée lumineuse fasse son apparition, rien ne venait. Elle ne parvenait qu’à rester immobile, ses iris clairs rivés à ceux du protecteur, sentant presque l’air crépiter sous la tension naissante. Elle se mordilla doucement la lèvre inférieure, cherchant par tous les moyens à se détourner de lui sans que cela ne marche. Ah, attirance magnétique, quand tu nous tiens…

Willsdorff était loin d’être un séducteur né. Pourtant, quand une femme lui plaisait, il savait généralement le lui faire comprendre. Tout comme il venait de le faire avec Jóhanna. Max était loin d’être timide, ou d’être un solitaire. Et à vrai dire, l’Islandaise semblait montrer une nouvelle facette de sa personnalité. Une Jóhanna séductrice, une Jóhanna tentatrice …. Le Sud-Africain n’aurait jamais pensé que la jeune femme se révélerait sous ce jour. Certes, il ne l’imaginait pas non plus emmurée dans son laboratoire toute la journée à étudier la flore et ou rapports scientifiques, mais il ne l’imaginait pas aussi .. lâchée. Ce qui lui donnait un charme fou d’ailleurs, comme à toutes les femmes qui savent ce qu’elles veulent.

La jeune femme lui posa la question d’un air désintéressée, comme si elle voulait paraître le contraire de ce qu’elle ressentait, ce qui amusa le militaire. Son sourire s’étira légèrement, amusé de la situation. Max aimait ce genre de marivaudage – du moins pendant un temps, après il fallait passer aux choses sérieuses – et il comptait bien s’amuser un peu avec la pharmacologue. Comme elle avait de le faire avec lui.

Il se pourrait bien …

lui avoua-t-il avec un petit sourire au coin de ses lèvres.

Jóhanna porta sa bière à ses lèvres, tout en ne quittant pas du regard le Lieutenant sud-africain. Max en fit de même et ils restèrent un temps à se jauger ainsi, plutôt à se dévisager, comme si de part et d’autre , ils voulaient tous les deux savoir de quoi ils étaient capables. Ce fut la jeune femme qui rompit le silence la première, interrogeant Max à raison. Il était évident que si le militaire venait à la représentation de Pandora’s Box, c’était bel et bien pour Jóhanna. Il n’était pas amoureux – l’avait-il été un jour ?- mais il ressentait pour cette femme plus que de l’attirance. Certes, elle était charmante, séduisante et extrêmement ravissante, mais l’attirance qu’il éprouvait envers elle était plus qu’une attirance « banale » que l’on pouvait avoir pour une jolie femme que l’on croise au détour d’un couloir. C’était plus que ça .. mais il ne parvenait pas à se l’expliquer lui-même.

Max, à son tour, se rapprocha un peu plus vers Jóhanna .

Pourquoi ? Ca vous plairait si je venais vous surveiller ?

avait-il lancé sur un ton mi-accusateur, mi-taquin.

Maintenant que la mécanique était lancée, ils ne pouvaient décemment pas s’arrêter. Bien sûr qu’il viendrait pour elle. Pas pour la fliquer non plus, mais pour la voir. Jóhanna sur scène était un spectacle à elle seule. C’est peut-être ça ce qui a plu au militaire. Sur scène, l’Islandaise dégageait un tel charisme, une telle assurance qu’elle en devenait envoûtante. Le chant des sirènes ….Cette visite au concert lui permettrait également de se changer les idées, et de profiter du moment tout en ne travaillant pas. Ou du moins en faisant semblant de. Ca passerait à la perfection.

Entre temps, ils s’étaient dangereusement rapprochés. Jóhanna finit par éclater de rire, levant ses mains au ciel, en signe de reddition. Ou de paix. Alors comme ça, il lui plaisait ? Cette vérité lui arracha un sourire de satisfaction. Et ce qu’elle lui disait lui avait tout avait l’air d’être un défi. Ainsi, pour l’avoir, il devait la mériter. Pas de problèmes. Le sud-africain ferait ce qu’il faut. Mais il y a jouterait également son petit grain de sel, histoire de rendre les choses un peu plus intéressantes.Néanmoins, Willsdorff ne put s’empêcher de lâcher un petit rire, concernant la remarque de la jeune femme sur les minettes qui appréciait les uniformes.

Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas l’uniforme que je porte aujourd’hui qui a dû vous attirer, Jóhanna …

dit-il sur un ton amusé, par rapport à la tenue qu’il portait.

Max , quant à lui, ne se sentait pas obligé de lui répondre en retour qu’elle lui plaisait. Non, il voulait jouer encore un peu. Cette sensation de chasse, de jeu du chat et de la souris l’amusait au plus haut point. Bien sûr, il aurait pu tenter quelque chose là, tout de suite, maintenant, mais il ne s’en sentait pas l’humeur.

Au lieu de ça, le militaire, qui faisait face à l’Islandaise, s’approcha d’elle doucement, pas à pas. Max lui prit finalement la main avant de se trouver vraiment proche de la jeune femme. Approchant son visage du sien, on aurait pu croire qu’il allait l’embrasser. Mais ce ne fut pas le cas, au moment fatidique, Max dévia ses lèvres pour poser un délicat baiser sur la joue de Jóhanna. Ils étaient quittes.

A bientôt …

lui avait-il simplement chuchoté à l’oreille.

Le Sud-Africain profita une dernière fois du parfum de l’Islandaise, avant de se retirer, un sourire sur ses lèvres. Sans dire un mot, il se dirigea vers son sac, le mit sur le dos avant de prendre la glacière et de partir, sans se retourner.

Allait-elle le suivre ? Allaient-ils s’arrêter ainsi ?

Quel goujat. Quel sale petit… Comment espérait-il s’en sortir à si bon compte ? Il tenait à jouer, puis finalement il ne tentait rien. Certes, elle ne pouvait lui enlever le fait qu’il avait des méthodes efficaces vu qu’elle sentait son sang battre à ses oreilles comme un tambour, mais elle n’acceptait pas le fait qu’il s’en tire avec un si beau rôle. C’était elle, la séductrice dans l’histoire. Elle qui aurait dû le clouer là avec l’envie de revenir la voir le plus vite possible. Pas lui. Jóhanna se mordilla nerveusement les lèvres en suivant la silhouette du militaire de ses yeux pâles. Elle tapota des doigts sur le fer de sa canette vide, l’esprit en ébullition. Si elle partait sans rien dire, il ne se passerait rien de plus : le jeu commencerait et Max aurait eut le dernier mot. Par contre, si elle revenait vers lui, cela contredirait ce qu’elle avait clamé au tout début : elle lui aurait couru après. Momentanément, mais elle l’aurait fait.
Cela pourrait sembler futile de se torturer les méninges avec de telles réflexions lorsque l’on se trouvait sur une planète comme Pandora, que l’on avait des tonnes de choses à étudier et que l’on était dans un environnement dangereux pour l’Homme. Mais ce qu’il ne fallait pas oublier, c’est qu’ils restaient tous humains. Avec des sentiments, des besoins, des préoccupations parfois bénignes. Et qu’il n’y avait rien de mal à mettre le sérieux de côté pour se pencher un peu plus du côté de l’humour ou de la séduction. S’ils ne prenaient pas ce temps, ils risquaient par devenir fous ou de perdre leur sensibilité pour passer leurs journées à se consacrer à leur travail. Métro, boulot, dodo, un véritable leitmotiv. Or, l’Islandaise abhorrait la routine.

«

Max, attendez !

»

lança-t-elle brusquement.

Il s’immobilisa, ce qui lui permit de le rejoindre assez rapidement. En chemin, elle jeta sa canette dans l’une des poubelles qui peuplaient les couloirs de la Tortue et se présenta à lui les mains croisées derrière son dos, un air mutin sur son visage.

«

Alors c’est tout ? Vous partez comme ça ?

»

Elle n’attendait pas de réponse particulière à ses questions. Qu’aurait-il pu dire, d’ailleurs ? La jeune femme fit un pas, se rapprochant assez de lui pour, en se haussant sur la pointe des pieds, mettre leur visage face à face, séparés par quelques centimètres. Elle commença à sourire, avant de se jeter finalement à l’eau. Ses lèvres effleurèrent les siennes, avec une tendresse toute particulière. Les mains serrées, elle s’évertuait à ne pas se laisser aller à ce baiser, donnant juste à ce dernier assez de saveur pour qu’il donne envie d’un second. Qu’elle se retint à grand-peine de donner. Elle se sépara de lui lentement, les paupières encore closes, avant de les ouvrir en même temps qu’un sourire illuminait son visage.

«

Un petit souvenir.

»

Jóhanna préféra ne pas s’attarder. Déjà qu’elle avait eu du mal à clore cet écart et qu’elle commençait à se laisser de nouveau envoûter par son regard. Non, il fallait qu’elle bouge. Elle fit un pas en arrière.

«

Bien, je vais vous laisser alors. Faites attention à vous, lieutenant Willsdorff. Ca m’ennuierait de vous croiser à l’infirmerie plutôt qu’au concert.

»

Elle joignit son index et son majeur, fit un bref signe militaire et tourna des talons. Sans se retourner, bien qu’elle en mourrait d’envie. Ne serait-ce que pour voir s’il la suivait des yeux ou pas. Si son regard était aussi fiévreux que le baiser qu’ils avaient échangés l’avait promit.

Give me the sweetest goodbye
That I ever did receive

Pushing forward and arching back
Bring me closer to heart attack
Say goodbye and just fly away
When you come back,
I have somethings to say

© Maroon 5 - Sweetest Goodbye

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