L'empreinte des choses brisées || Melvyn ||

Pour la première fois depuis son arrivée sur Pandora, Opal se sentait réellement découragée, abattue, de mauvaise humeur, vidée. Elle n'avait aucune énergie et c'était à peine si elle avait trouvé le courage de s'habiller et d'aller s'effondrer sur son fauteuil ergonomique. Elle avait la nausée et la simple idée de manger ne faisait que la renforcer, aussi n'avait-elle pas été déjeuner, en espérant que Paulsen ne s'en apercevrait pas.

Actuellement, elle écoutait de la musique, avec posées devant ses yeux des lunettes à écran qui projetaient des formes colorées plus ou moins abstraites en fonction des rythmes. C'était l'activité la plus apaisante qu'Opal connaissait et cela lui permit de se détendre un peu en attendant de se secouer.

Tout ça à cause de la veille. Cette première sortie d'importance n'avait pas été de tout repos et si Opal en gardait des souvenirs magiques (sa première rencontre avec une Na'vi, le Lien effectué pour la première fois avec un Equidius), le reste du temps cela avait plutôt tourné au cauchemar. La Bansheba, la fuite des Pa'li et surtout le terrible Thanator, on pouvait dire que les quatre Avatars avaient franchement joué de malchance. Pour la première sortie avec une apprentie, il avait fallu qu'elles tombent sur le prédateur le plus redoutable du sol de Pandora, le ciel appartenant au Grand Léonoptéryx. Il y avait de quoi en rester traumatisé et Opal n'était pas prête d'oublier le terrible cri du fauve se lançant en chasse... après elles. Maintenant qu'elle avait regagné son corps d'humaine, le souvenir était plus diffus mais elle savait d'avance qu'elle aurait du mal à l'oublier et à le surmonter. Elles avaient eu beaucoup de chance d'avoir survécu. Sans la chasseuse Na'vi, au moins Ellaé était condamnée. Elle frissonna encore et tenta d'oublier en se concentrant sur les formes mouvantes projetées sur ses pupilles.

La musique s'arrêta brusquement, l'image de même, remplacées par une série de bip en provenance de son pad tactile. Opal rejeta les lunettes et attrapa le pad, parcourant rapidement le message qu'elle venait de recevoir. On demandait à ce qu'elle réintègre son corps hybride pour une série de tests suite à ses péripéties de la veille, voir s'il n'y avait aucun problème. De même, le pavillon scientifique allait vouloir la rencontrer, car elle était la première Avatar de l'expédition à avoir fait Tsahaylu, et ils allaient sans doute avoir une foule d'examens à lui faire passer à ce sujet. Opal soupira, elle aurait préférer rester tranquille mais après tout elle n'avait pas le choix. Elle se leva à contrecoeur et quitta sa chambre pour gagner la salle où se trouvaient les caissons de transfert.

Mal coiffée, les vêtements chiffonnés, Opal ne se serait jamais présentée ainsi si c'était son corps d'humaine qu'on examinait. Mais ce n'était pas le cas, alors elle s'en fichait. Elle salua mollement les scientifiques chargés des caissons, qui lui répondirent gentiment. La nouvelle du fait qu'elle avait fait Tsahaylu avec un Equidius allait sans doute rapidement se répandre et elle s'attendait à devoir faire face à une foule de questions. Enfin, une curiosité tout à fait naturelle, elle aurait fait du même si les rôles étaient inversés. Sans plus attendre, elle se glissa dans son caisson et ferma les yeux.

A présent habituée au transfert, elle se releva presque aussitôt et retint une exclamation de douleur. Ses muscles étaient ankylosés et courbaturés des efforts fournis la veille, notamment ceux à l'intérieur de ses jambes qu'elle avait fortement sollicité pour tenir assise sur le Pa'li. Elle soupira de nouveau et bougea avec plus de prudence. Elle avait quitté son Avatar dans les salles d'examen où on avait paré au plus urgent et s'y trouvait toujours. Des scientifiques l'accueillirent et elle s'efforça donc de bouger le moins possible, de peur d'en renverser un par inadvertance. C'était plus qu'étrange de voir ses confrères humains de si haut, ils en paraissaient minuscules si bien qu'elle avait l'impression de pouvoir les briser d'un simple geste. Elle balaya la pièce du regard, mais elle était la seule Avatar présente. La scientifique interrogée lui répondit qu'Ellaé était trop éprouvée pour être sollicitée aujourd'hui, et des trois restantes de la sortie elle était la plus urgente car la seule à avoir procéder au Lien. Soit, elle n'avait pas son mot à dire de toute façon. Elle se plia donc patiemment aux examens, prenant son mal en patience et espérant que cela finisse rapidement.

Aujourd'hui était une journée comme les autres sur la base de l'expédition. Vraiment ? Pas tout à fait. La veille, une équipe d'Avatars s'était rendue dans la forêt tropicale se trouvant non loin de la base. Cette petite expédition avait pour but de permettre aux différents pilotes de se familiariser avec la vraie nature sauvage de la lune bleue et peut-être pourquoi pas rencontrer des autochtones ? Et d'après les informations que Melvyn eut, cela avait été concluant. Enfin concluant dans le sens que nos aventurières avaient rencontré et vécu toute sorte des choses, des plus simples aux plus dangereuses. Elles avaient tout d'abord rencontré un groupe de Pa'li sauvage qui se nourrissait de nectar dans une clairière proche du site atterrissage. Les Pa'li s'apparentaient aux chevaux de la Terre, mis à part qu'ils avaient six pattes. Le scientifique aurait vraiment souhaité les voir d'aussi près. Les avatars se trouvaient proches d'eux quand un événement inattendu surgi d'un fourré. Un Thanator géant venait de bondir sur le troupeau. Cette bête était considérée comme la plus dangereuse au niveau du sol de la lune. On en réchappe très rarement. Heureusement les jeunes femmes (bleues) profitèrent de la débandale du troupeau pour fuir et échapper à la redoutable bête. Et d'après le rapport de la responsable de la section des avatars, Eileen Byrnes, - rapport que Melvyn avait entre les mains - durant l'échappée, une des pilotes avait eu l'occasion de faire le Lien avec un des Pa'li. Quelle ne fut pas sa surprise quand il lut le nom d'Opal Hendrix ! La demoiselle avait le rôle de protecteur parmi les êtres hybrides. Elle possédait aussi l'Avatar crée en partie par Melvyn. Celui-ci à la lecture du rapport sourit jusqu'aux oreilles, extrêmement fier de sa création. Alors, comme ça c'était elle qui avait fait Tsahaylu ?

Melvyn était à l'ouvrage dans le laboratoire quand on lui apporta le rapport. Il était aux anges, les scientifiques de sa section allaient pouvoir examiner les effets post-Lien. Il ne se doutait pas qu'il serait fait aussi tôt mais cela l'enchantait. Il demanda à ce qu'on demande à Opal de se rendre en salle de connexion pour un examen. De plus, l'expédition avait été éprouvante pour les Avatars, il fallait voir s'ils n'avaient rien, ni blessure ni infection. Une fois le rapport lu jusqu'au bout, Melvyn quitta son laboratoire pour se rendre en salle de connexion. La salle de transfert étant proche, il y arriva bien rapidement, il salua tous les membres se trouvant dans la salle, posa sa blouse sur une des chaises après avoir enfilé ses lunettes. Ellaé, qui était une des pilotes à avoir le plus souffert lors de la sortie était en repos. Eileen était pas mal occupée avec sa section à gérer. Opal n'allait pas tarder à arriver, Melvyn n'avait pas eu l'occasion de la voir depuis sa connexion pour la sortie. Elle devait être aussi fatiguée, ainsi Melvyn se promit de la laisser partir le plus tôt possible même si cela n'allait pas être chose aisée vu le nombre d'examen à faire sur le corps bleu et les questions à lui poser. Un apprentie de sa section arriva à se moment-là pour lui poser quelques questions sur l'expérience qu'il allait réaliser sur une unidelta, une plante de Pandora. Le responsable lui répondit tranquillement en lui donnant quelques indications supplémentaires. Occupé à s'occuper de lui, il ne vit pas arriver la demoiselle aux cheveux ombres et aux yeux bleus. Elle s'installa rapidement aussi bien que Melvyn ne vit que le couvercle de sas à transfert se refermer.

Bien. Il allait aussi se rendre dans la salle, histoire de superviser les opérations de prêt et pouvoir poser quelques questions. Il s'empara d'un masque qu'il fixa bien, vu que l'atmosphère où se trouvait les avatars était celle de la lune. IL se rendit dans la salle médicale où Opal était assise. Quelques scientifiques s'attelaient autour d'elle pour relever les constantes biologiques ou pour se renseigner sur son état. Il arriva à sa hauteur - enfin façon de parler vu la taille d'Opal même assise - leva la tête et lui fit un léger sourire. Il avait toujours le rapport de l'expédition sous le bras.

" Bonjour Opal, content de vous voir, surtout après cette balade en forêt qui s'est avérée ... Sportive ? Vous sentez vous bien ?"

Sans perdre de temps, les scientifiques commencèrent à recouvrir le corps de l'Avatar avec des électrodes. Le fait que la conscience d'Opal soit présente pour bouger facilitait grandement les opérations. La pilote se laissa faire avec docilité, si bien qu'au bout de quelques minutes elle était aussi girlandée qu'un sapin de Noël. On lui demanda de ne pas bouger, ce qui l'arrangeait fort, compte tenu de ses courbatures. Les deux scientifiques avaient les yeux rivés sur l'écran de relevés des constantes, observant des courbes qui ne signifiaient rien pour Opal, bien qu'elle supposait vaguement qu'il s'agissait de données électriques cardiaques. On lui posa quelques questions de routine auxquelles elle avait parfaitement l'habitude de répondre et donna donc un descriptif détaillé de son état.

La porte du sas s'ouvrit, émettant le chuintement caractéristique du changement entre l'atmosphère artificielle de la Tortue et l'air nocif de Pandora. Une troisième personne s'approcha, mais Opal redoutait de fausser des données en bougeant, aussi se força-t-elle à regarder devant elle. Ce n'est que lorsque l'autre prit la parole et qu'elle reconnut sa voix qu'elle ne put s'empêcher de sursauter et d'arracher maladroitement deux électrodes, ce qui arracha un grognement d'agacement à la scientifique.

« Je suis désolée, » fit Opal, confuse.

La présence de Melvyn Montgomery la mettait, comme d'habitude, mal à l'aise. Bien qu'il fasse parti des responsables, elle ne s'étonnait pas trop qu'il se soit déplacé. Il avait toujours suivi de près les progrès de l'Avatar d'Opal, utilisant les données qu'elle lui fournissait. Après tout, il avait énormément participé à sa création ; il devait être assez content que ça soit précisément elle qui ait eu l'occasion de faire Tsahaylu – même si concrètement, elle n'avait aucun mérite particulier, elle s'était trouvé dans une telle situation qu'elle n'avait pas bien eu le choix. Donc, pas de surprise sur sa présence ici, cela n'empêchait pas Opal de rougir comme une adolescente et de se conduire comme une idiote. Melvyn ne la voyait quasiment que sous sa forme géante et bleutée, et cela la dérangeait. Elle avait conscience que c'était assez idiot de lui en vouloir de cet intérêt justifié pour son corps d'Avatar, mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. Ayant déjà tendance à se dévaloriser, elle se sentait comme un objet d'étude et une réserve d'ADN sur pattes.

Elle réalisa finalement que Melvyn attendait peut-être une réponse à son salut.

« Euh, et bien, je... » balbutia-t-elle.

Sa réaction la consterna elle-même et elle se frappa mentalement.

« Bonjour professeur, » acheva-t-elle piteusement. « Je vais bien merci. »

Elle se rendit alors compte de sa stupidité, comprenant que Melvyn sollicitait sans toute une réponse moins triviale de sa part. Elle rougit de plus belle (et se demanda, comme d'habitude, si ça se voyait sous cette forme-là – il faudrait vraiment qu'elle vérifie un jour) et se hâta de se rattraper.

« Je ne pense pas que mon corps soit abimé. J'ai une ou deux écorchures suite à la fuite dans les arbres et de simples courbatures. »

Les appareils seraient certainement capables d'en dire plus. La scientifique avait remis les électrodes et tout le monde pouvait apprécier le yo-yo que faisait son rythme cardiaque suite à ses diverses émotions. Opal soupira intérieurement, il fallait vraiment qu'elle soit fatiguée pour se mettre dans des états pareils. Et il fallait aussi qu'elle arrête de se mettre martel en tête avec ces idées farfelues sur Melvyn. Après tout il était loin d'être le seul à porter un intérêt à son corps d'Avatar et non à celle qu'elle était réellement, et il n'y avait qu'avec lui qu'elle se comportait automatiquement comme une gourde. Sans doute le fait qu'il ait créé ce corps qui était presque le sien, c'était une idée assez étrange à concevoir.

Opal posa les yeux sur ses orteils, différents de ceux des Na'vi par le fait que le pouce n'était pas opposable et par leur nombre – cinq, au lieu de quatre – et attendit les questions que le scientifique était probablement venu poser.

Melvyn était une personne à la perspicacité développée. C'est-à-dire qu'il faisait partie des gens qui comprenaient facilement les choses, que se soit les sentiments humains, leurs comportements ou même les enchaînements d'événements. Il lui suffisait d'observer un certain temps quelqu'un ou un phénomène et il pouvait comprendre le comment du pourquoi. Il aimait cette facilitée, certaines personnes pensaient que cela découlait du fait qu'il soit un surdoué. Il n'était pas vraiment de cet avis, d'après lui, cela était à la portée de tous, il suffisait juste d'être patient et de savoir observer ce qui se trouve autour de soi. Donc, notre cher Melvyn n'a jamais eu de réelles difficultés pour comprendre les gens, sauf ici. Le jeune homme avait fait la connaissance d'Opal Hendrix, la demoiselle était la pilote de l'Avatar qu'il avait crée avec d'autres scientifique. Il se préoccupe vraiment de cette création car il en est plutôt fier il doit bien l'avouer, mais il trouve le comportement d'Opal des plus étranges quand il était dans les parages. Elle semblait très mal à l'aise, elle rougissait, bafouillait s'éclipsait dès que possible et il avait même l'impression qu'elle l'évitait parfois, mais préférait penser que ce n'était que son imagination. Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi elle était comme ça et depuis qu'il s'était rendu compte de son comportement essayait d'en connaître les raisons.

Cette rencontre-ci n'échappa pas à la règle. Dès qu'il lui adressa la parole, Melvyn jeta un coup d'oeil à l'appareil qui prenait les constantes d'Opal. La ligne de constantes cardiaque faisait un sacré yo-yo et les bafouillements qui suivirent le salut du jeune scientifique confirmèrent le diagnostique. Opal n'était visiblement pas à l'aise. Sa première réaction fut une réponse positive à la question, elle allait bien ce qui répondait parfaitement à la question de Melvyn. Mais elle enchaîna ensuite sur une réponse concernant son corps. Il en fut surpris. Melvyn était quelqu'un de galant et qui se souciait des autres, sa question ne concernait que la demoiselle et non son état physique. Le scientifique lui sourit, il essayait tant bien que mal de la mettre à l'aise il enchaîna :

"Heureux alors que vous, vous alliez bien et pour votre second corps ne vous en faite pas, d'après les analyses, rien d'anormal à signaler et les écorchures seront pansées le plus vite possible."

Les différents scientifiques présent dans la salle relevèrent les différentes mesures du cardiogramme et des autres appareils, Iis les notèrent rapidement. Il retirèrent ensuite les électrode du grand corps bleu, les rangèrent dans les étuis prévus à cet effet, saluèrent Melvyn et se dirigèrent vers la sortie. Bien, rien de grâce ou même d'anormal, le corps bleu d'Opal allait bien. Le responsable attendit patiemment qu'ils aient fini avant d'engager la conversation avec la demoiselle. Ce n'était que de simples questions plus par curiosité que pour les recherches, mais grâce à ses réponses qu'il pourrait ajouter à ses recherches et à ses rapports, il sera plus facile d'expliquer aux futurs pilotes les subtilités du Lien. Ce sera aussi utile aux scientifiques qui, par ses impressions, pourront essayer de comprendre les mécanismes complexes de cette liaison. Une fois tous les deux, le scientifique s'assit sur une des chaises à roulettes présente dans la salle et fit face à la jeune hybride. Il était toujours impressionnant d'être en face de telles créatures beaucoup plus grande et ... beaucoup plus bleues. Pourtant Melvyn n'était pas déstabilisé. Il prit son calepin, son crayon et leva les yeux vers Opal :

" Alors, alors ... Je pense que vous vous doutez du pourquoi de ma venue. D'après le rapport de votre supérieur lors de votre excursion, vous avez eu l'occasion de faire le Lien avec un Equidius. Nous avons très peu d'informations chez les scientifiques concernant ce phénomène, pouvez-vous me décrire ce que vous avez ressenti au moment où les liens de votre nattes se sont mélangés avec celles de l'animal ? "

La question semblait vaste, mais ce n'était qu'un début, à partir de sa réponse, Melvyn pourrait alors poser des questions un peu plus précises sur la nature du lien. La demoiselle n'était pas une scientifique, parler avec elle un langage biologique ou chimique n'était pas la meilleure solution.

Melvyn lui sourit, sourire qu'elle ne parvint pas à décrypter jusqu'à ce qu'il affirme qu'il cherchait à savoir comment elle allait et non son état d'Avatar. Un peu lasse d'avoir été percée à jour, Opal se contenta de hocher la tête en guise de remerciement. Elle était un peu désarçonnée par cette attitude, se demandant si Melvyn était sincère ou non. Apparemment oui, mais comme toujours, aucun moyen d'en être sûr, alors par mesure de prudence elle resta sur ses gardes.

Elle était néanmoins soulagée d'apprendre que son corps d'hybride était en bon état. Outre le fait qu'elle s'en serait énormément voulu si elle l'avait abîmée, elle aurait dû renoncer aux sorties pour quelques temps, ce qui aurait été pénible au possible. Rester dans le laboratoire à subir des analyses n'avait rien d'extrêmement palpitant.

Le silence s'installa alors que les scientifiques continuaient leur travail. Après avoir noté diverses données qu'Opal ne comprenait pas, ils retirèrent les électrodes de son corps, à son grand soulagement, avant de sortir de la pièce et de la laisser seule avec Melvyn, à sa grande angoisse. Être en tête à tête avec le scientifique, même si celui-ci était aimable au possible, n'était pas pour la rassurer. Elle se prépara mentalement à l'entretient, espérant qu'il se termine le plus rapidement possible. La présence du responsable la mettait déjà mal à l'aise en temps normal, mais en plus si son attention était entièrement centrée sur elle et que le sujet était son corps d'hybride, c'était un peu le bouquet final. Opal s'y résigna, et pendant que Melvyn cherchait une chaise pour s'installer plus confortablement, elle en profita pour se positionner un peu mieux, en tailleur sur la table d'examen et décoinça sa queue qu'elle avait bloqué sous une de ses cuisses pour éviter de casser quelque chose par mégarde ou de blesser un des scientifiques. Elle avait l'impression d'écraser l'homme avec sa haute taille, mais apparemment celui-ci n'avait pas l'air intimidé ; de toute façon elle ne distinguait pas très bien son visage à cause du masque à oxygène. Retenant un énième soupir, elle se prépara aux questions, consciente qu'elle devait y répondre le plus précisément possible.

Melvyn lui demanda de décrire les sentiments et sensations qu'elle avait éprouvé en faisant le Lien. Vaste question. Opal se permit une minute de réflexion, hésitant et cherchant ses mots. Il était évident que tout le monde voudrait savoir « ce que cela faisait », mais s'il y avait quelque chose de difficile à décrire et à expliquer concrètement, c'était bien cela. Elle prit une inspiration et se lança.

- Sur le coup, ce n'était pas très agréable, se souvint-elle. Une conscience étrangère, même si ce n'était que celle d'un animal, s'est brutalement imposée dans mon cerveau. Ca a été un grand choc, presque physique. Dans les premières secondes, j'ai eu du mal à démêler ma conscience de la sienne et à retrouver une faculté de penser normalement.

Elle soupira et secoua la tête.

- Désolée, cela ne doit pas beaucoup vous aider. C'est difficile à décrire avec des mots, et il n'y a rien de comparable à ça sur Terre. Et je suppose que c'est encore éloigné de ce que peuvent ressentir les vrais Na'vis, vu que mon esprit reste celui d'une humaine et n'est pas préparé à ça.

Elle s'interrompit, n'ayant pas l'habitude de faire de longs discours. Ses pensées revinrent au moment qu'elle avait tenté de décrire, lui faisant revivre les sensations inédites qu'elle avait pu éprouver la veille. Être dans ce corps l'aidait à être plus précise, les souvenirs se faisant plus concrets. Elle comprit alors pourquoi Melvyn était venu lui poser les questions alors qu'elle était encore en pilotage.

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