Juliet s’était levée tôt ce matin. Elle avait rendez-vous avec Julian Daugherty son psychiatre, mais comptait bien faire passer cet énième entretien à la trappe. Les deux membres de l’expédition avaient déjà connus de nombreuses heures de discussions autour des problèmes de la protectrice plus ou moins féconds et aujourd’hui ce dont elle avait besoin c’était simplement s’amuser un peu. Etant donné qu’elle ne pouvait échapper à ses rendez-vous hebdomadaire, la blonde avait décidé d’emmener Julian en vadrouille. Depuis un petit moment, leur lien avait connu un vrai tournant. Ils n’étaient plus seulement patient et psychiatre. Aujourd’hui, elle le considérait comme un ami.

Le petit hublot de sa chambre offrait une vue direct sur le lac. Elle aimait cet endroit, il lui semblait à la fois mystérieux et pleins de promesses. Si elle l’avait pu, elle aurait aimé ouvrir cette minuscule fenêtre pour sentir le vent frais sur sa peau. Geste qu’elle faisait chaque matin lorsqu’elle était encore sur Terre. Mais l’atmosphère de Pandora, irrespirable pour les humaines, l’aurait tuée rapidement. L’air, l’odeur de l’Australie lui manquait. Elle n’avait jamais imaginé que ce soit un jour le cas lorsqu’elle s’était engageait dans cette aventure et pourtant… Si Juliet avait l’impression de ne jamais s’être vraiment sentie chez elle quelques part, le manque de grands espaces que lui avaient laissé son départ indiquait le contraire. Finalement, elle était attachée à son pays natal.

Juliet se frotta les yeux et se décida enfin à sortir de son lit. Elle avala d’un trait le verre d’eau posé sur sa table de chevet et se dirigea vers la minuscule pièce qui lui servait de salle de bain. Après s’être douchée et habillée rapidement, elle se rendit au réfectoire histoire d’avaler un petit déjeuner digne de ce nom. Malgré l’heure très matinale, la salle était déjà bien remplie. Juliet attrapa un croissant, un morceau de baguette, une pomme, de la confiture à la fraise et une tasse de thé. Elle s’installa avec à une table où se trouvait cinq autres protecteurs. La blonde les salua chaleureusement, le petit déjeuner fut animé et amical.

La protectrice finit par quitter ses amis et se diriger vers le quartier ou se trouver le service médical, le QG de Julian. Arrivant devant la porte de son bureau, elle prit la peine de frapper et patienta même jusqu’à qu’il lui dise d’entrer. A le voyant fasse à elle, Juliet ne put s’empêcher de lui sourire amicalement. Le jeune homme était la seule personne avec qui elle avait osé évoqué des bribes de son passé. Même si elle ne s’était jamais montrée très loquace, il en savait bien plus que tous ses amis réunis. Les nombreuses heures qu’elle avait passé avec lui, lui avait permis de l’apprécier à sa juste valeur : comme l’homme qu’il était et pas seulement comme son psychiatre. Il était assis à son bureau, une tasse dans la main. Juliet se dirigea vers lui : « Viens, j’ai prévu une sortie éducative ce matin. » Sans plus d’explication, elle lui prit la main et l’entraina hors de la pièce.

Ils marchèrent pendant quelques minutes dans le silence avant d’atteindre leur objectif : le jardin de l’expédition. Juliet n’y avait encre jamais mit les pieds et elle espérait que ce soit le cas aussi pour Julian, le surprise serait ainsi plus apprécié. Dans le sas ils enfilèrent leurs exopacks. Il ne s’était pour le moment pas montré trop réticent à sa nouvelle envie, peut être avait-il un peu trop pris l’habitude des lubies de la protectrice. Bien sur, elle n’avait demandé l’autorisation à personne de se trouver dans le jardin, mais elle ne s’en souciait guerre, elle finirait bien par trouver une explication vaseuse pour justifier leur présence.

Ils avaient une drôle d’allure équipés des exopacks, mais impossible se sortir à l’air libre sans. Elle sourit à Julian et positionna sa main sur le bouton d’ouverture de la porte en lui demandant « Prêt? ».

« Prêt? ». Pour elle, il n’y avait rien de plus grisant de faire ce qui lui plaisait au moment ou elle l’avait décidé. Entrainer un complice dans ses jeux l’amusait aussi énormément. Si lors des derniers mois écoulés elle faisait souvent appel à Lucas Miller ; aujourd’hui son partenaire préféré était Julian Daugherty. Juliet n’avait pas revu Lucas depuis plusieurs jours, depuis qu’elle avait craqué devant lui sans pouvoir retenir ses larmes. A vrai dire, elle avait tout fait pour éviter son amant. Le virage qu’avait prit leur relation l’effrayait un peu trop et elle n’était pas sur - malgré les propos qu’elle avait tenu à Lucas - qu’elle était prête à voir en lui confident. Bien sur, il était aujourd’hui à ses yeux un véritable ami. Mais, elle ne se confiait jamais à ses amis.

Avec Julian, c’était différent. Il avait été son psy avant qu’elle le considère comme un ami. Si elle n’avait jamais rien confié au psy, elle était parvenu une ou deux fois à raconter ce qui lui trottait dans la tête à son ami. Il n’avait pas l’air très enthousiaste pour leur nouvelle aventure, mais tant pis, elle l’était suffisamment pour deux. Et puis, Juliet était persuadé qu’une fois dehors, il ne regretterait pas de s’être laissé encore embarqué dans une de ses idées loufoques.

Elle appuya sur le bouton actionnant l’ouverture de la porte. C’était encore plus merveilleux qu’elle n’avait pu l’imaginer : des rangés de plantes bourrées de chlorophylle - du vert à perte de vue. Juliet n’avait rien vu d’aussi plus beau depuis des jours. Une incroyable sensation de liberté l’envahit. Le vent soufflait dans les branches des arbustes, un bruit qu’elle identifiait à tant de souvenir de la Terre. La protectrice - souvent décriée pour son cœur de pierre - ne put s’empêcher de sourire. Elle mourrait d’envie de courir d’un bout à l’autre du jardin jusqu’à en perdre son souffle, jusqu’au moment ou elle s’évanouirait sur le sol meuble - une odeur de terre fraiche envahissant ses narines. Jusqu’au moment ou sa tête lui tournerait, lui rappelant alors qu’elle est réelle, vivante, existante ; qu’elle avait comme chaque être à vivant sa place dans ce grand univers.

La voix posée de Julian l’a ramena brusquement dans la réalité. Elle aimait le son que produisait la vibration de ses cordes vocales, c’était quelque chose à la fois de doux, de droit et de rassurant. Pourtant, elle sentait chez lui qu’il avait perdu de sa ferveur, il n’était plus qu’une partie de l’homme qu’il avait été autrefois. Et elle avait envie de tout faire pour lui rendre gout à la vie. Juliet voulait simplement, que comme elle en était capable, il profite de chaque petit instant que la vie lui offrait, de chaque occasion qui se présentait à lui. Elle voulait qu’il n’ai peur de rien, qu’il est envie de tout essayer, de tout affronter. Lorsqu’il prononça son nom elle se retourna.

« Juliet? Je crois que la question est inutile mais, sais tu-où nous sommes actuellement? » Elle lui sourit malicieusement et répondit : « Bien sur, dans le jardin des avatars. Pourquoi ils devraient être les seuls à profiter de ce petite coin de paradis? On mérite tout autant qu’eux de s’y trouver. Surtout toi, ça ne doit pas être facile d‘écouter des gens se plaindre de leurs petits problème à longueur de journée, moi j’ai au mois la chance de pouvoir me défouler. » Elle rit.

« Encore une fois, tu as réussis ton coup. » Juliet appréciait de manipuler les autres, elle essayait le plus souvent possible de s’entrainer à ce petit jeu histoire de se perfectionner. Pourtant, avec Julian elle n’avait jamais essayé. Enfin si, mais seulement lors de leurs premières rencontres, alors pour elle ça ne comptait pas vraiment. La blonde avait tenté de le séduire et de faire de lui sa marionnette, mais ça n’avait jamais marché. Elle avait fini par arrêter, impressionnée par sa capacité à lui tenir tête. C’était une des choses qu’elle appréciait chez lui. Il agissait comme si elle l’avait trainé de force ici, mais Juliet était persuadée qu’en réalité il aimait autant qu’elle leurs petites escapades.

« C’est pas comme si tu ne pouvais pas te défendre contre une pauvre femme. » Elle leva la tête pour croiser son regard, il mesurait une bonne vingtaine de centimètres de plus qu’elle. Pour n’importe qu’elle spectateur extérieur, il était facile d’imaginer que Julian aurait eu le dessus, cependant c’était sans compter l’entrainement intensif et l’expérience du combat que la blonde portait dans ses bagages. Mais jamais elle n’aurait pu utiliser la violence contre lui. Elle réservait ça aux personnes qui le méritaient réellement. La violence avait fait partie de son enfance, aujourd’hui c’était son quotidien, elle essayait simplement de continuer à vivre comme elle le voulait et d’oublier un passé qu’elle n’avait jamais désiré.

Doucement, elle posa sa main sur le poignet de Julian, elle mourrait d’envie de l’entrainer encore plus loin. Pas seulement dans le Jardin, mais dans leur relation. Juliet avait besoin de se sentir vivre, ses incartades avec le médecin le lui permettait. Pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait proche de quelqu’un - presque autant qu’elle pouvait l’être de Dominic, son meilleur ami. Leur lien était ambigu, mais elle aimait ça, elle aimait ne pas se sentir auprès de lui comme une simple patiente. Elle avait besoin de plus.

« Viens. » murmura-t-elle en l’entrainant un peu plus loin sans le lâcher. Juliet avait la manie de toucher les personnes à proximité, surement un moyen de s’assurer qu’elles ne l’abandonneraient pas. Elle ignorait tout de l’espace vital qu’il convenait de conserver entre deux personnes et d’ailleurs s’en fichait royalement. Au détour d’une rangée de plantes gigantesques, elle entendit des bruits de pas, puis des voix s’élevèrent. Apparemment le duo n’étaient plus seuls. S’ils se faisaient prendre, ils se étaient dans la m… La dernière fois, Julian lui avait déjà sauvé la mise, il reproduirait difficilement le même exploit. Ils se placèrent entre deux feuilles géantes histoire de se cacher un peu aux yeux des intrus.

« C’était prévisible. » : Julian lui murmura ces quelques mots et elle ne put s’empêcher de sourire. Elle savait que si elle se faisait prendre elle risquait gros, mais étrangement elle se sentait invincible. Etait-ce la présence de Julian qui la rassurait? Juliet savait pourtant qu’il ne pourrait pas lui être d’un grand secours si on les attrapait – pas une fois de plus. Pourtant la présence du médecin l’apaisait. Si elle c’était trouvé seule, elle n’aurait eu aucun mal à s’échapper sans se faire prendre, à deux c’était plus difficile mais plus grisant en particulier en compagnie de Julian.

Ils étaient si proche l’un de l’autre que la protectrice pouvait sentir l’odeur de sa peau – elle lui rappelait celle de la terre, à la fois forte et envoûtante. La blonde aurait pu avancer d’un petit pas l’air de rien pour se perdre dans cette sensation de sécurité, mais elle ne le fit pas craignant sa réaction. Doucement il modifia leur position – libérant son poigné et attrapant à la place la main de Juliet. Elle lui fit face, il paraissait calme et amusé.

Un simple geste qui lui permettant de montrer qu’il était maître de la situation? Après tout, ils étaient censés jouer au rôle du psy et de la patiente pendant leurs entrevues. Un jeu dont la blonde c’était rapidement lassée. Elle n’avait pas la moindre envie qu’il l’analyse, elle avait bien trop peur de ce qu’il pourrait découvrir en elle. Lui comme tout les autres d’ailleurs. Juliet s’était appliquée pendant toutes ces années à forger autour d’elle des barrières qu’elle voulait infranchissables – personne ne devait savoir ce qui la rongeait. Elle préféré faire semblant que tout allait bien, jouer le rôle de la parfaite jeune femme sur d’elle.

Les visiteurs paraissaient s’être éloignés dans la direction opposée. Ils ne devaient pas se trouver très loin d’eux, Juliet distinguait encore le son de leur voix et pouvait facilement imaginer qu’elle était leur conversation avec les mots qu’elle percevait. Ils étaient trois : deux hommes et une femme, ils avaient leurs formes d’avatar. Au moins, il ne s’agissait pas d’un groupe de sentinelle avec lesquels il était impossible de raisonner. S’ils revenaient prêt d’eux, ils leurs seraient plus aisé d’expliquer la situation. Mais bon, pour le moment le duo était sauf.

Julian brisa le silence qui s’était installé entre eux pendant ces quelques minutes d’attente : « Que fais-t-on chère partenaire? » La protectrice leva imperceptiblement la tête, elle le dévisagea une seconde puis posa discrètement ses yeux sur la main qui la retenait. Juliet avait beau aimer mener la danse dans ses relations, face à Julian elle se sentait parfois perdue. Ils n’en avaient jamais vraiment discuté et elle ignorait ce qu’il pensait de tout ça. Se laisser t-il embarquer à chaque fois, pour ne pas briser le lien médecin/patient ou simplement parce qu’il éprouvait un réel plaisir à se trouver en sa compagnie?

Décidée à ne pas se prendre la tête, elle opta pour la seconde option. Julian aurait dû avoir une sacrée conscience professionnelle pour aller aussi loin dans le suivi d’une de ses patientes. Ensemble, ils s’amusaient simplement. Il s’était toujours montré très correct envers elle, n’avait jamais eut un mot ou un geste déplacé. Il était temps selon Juliet qu’il se laisse un peu plus aller. Mi-agacée par la question, mi-provocatrice, elle répondit : « Eh bien, c’est toi le psy, à toi de me le dire ! » La protectrice avait envie qu’il fasse ce qui lui plaisait pour une fois et non qu’il se contente de la suivre. Il fallait qu’il se montre acteur de sa vie.

La blonde jeta un coup d’œil hors de leur « bosquet de couverture », la voie paraissait libre. Elle murmura : « Je t’ai traîné jusqu’ici, maintenant à toi de voir ce qui te ferait plaisir. Fais travailler ton imagination, cet endroit a d’énormes possibilités pour s’amuser. » Elle lui fit un sourire provocateur. « Du moment que tu ne nous laisse pas prendre par ces géants bleus… » Juliet avait envie d’inverser les rôles, il serait son patient et elle le guérisseur. Julian se laisserait-il prendre aux jeux? Ou préférait-il garder une relation somme toute commune. Elle espérait qu’il soit aussi spécial qu’elle l’avait imaginé. La blonde resserra ses doigts autour de ceux qui l’agrippaient, elle refusait qu’il la lâche.