Walking on the moon | Altaïr | [ABANDONNE]

Le soleil pénétra par le hublot de la chambre d'Opal, se posant sur le visage de la jeune femme, ce qui la tira de son sommeil. Elle grogna et se retourna, cherchant à tâtons le bouton pour baisser le store, avant d'essayer de se rendormir. Réalisant qu'il devait être tout de même amplement l'heure de se lever, elle jeta un coup d'oeil à son réveil, qui lui apporta confirmation. Elle bâilla, se frotta les yeux, et rejeta sa couverture ainsi que le Na'vi en peluche que lui avait offert Kate lorsqu'elle était enfant, et gagna d'un pas traînant l'étroite salle de bains qui jouxtait sa chambre. Il n'y avait pas beaucoup de place mais c'était toujours mieux que de devoir partager sa douche avec le reste du couloir. Après s'être lavée et habillée, elle quitta sa chambre et se rendit à la cafétéria.

Une fois son rapide petit-déjeuner absorbé en solitaire, comme à son habitude, elle retourna à sa chambre voir si elle avait quelque chose à faire ou de programmé pour la matinée. Apparemment, elle avait tout son temps, aussi prit-elle la décision d'aller s'entraîner un peu dans son corps d'Avatar. Elle faisait parti des plus adaptés de l'équipe à cette situation peu commune, ce qui lui avait valu le privilège de plusieurs sorties dans la forêt environnante, mais ce n'était pas une raison pour se reposer sur ses lauriers ; elle tenait à entretenir ses acquis. Sa décision prise, elle se rendit à la salle de transfert où se trouvaient les caissons permettant la connexion de son esprit avec son corps de Na'vi.

Il y avait déjà pas mal d'activité là-bas, les scientifiques s'agitant comme toujours autour des caissons, prenant des notes et vérifiant les constantes de quelques matinaux qui avaient décidé d'imiter Opal. Celle-ci demanda l'autorisation du transfert, qui lui fut accordée, et elle se glissa dans son caisson avec des gestes rompus par l'habitude. A force, cela lui paraissait presque normal, à tel point qu'elle en oubliait le côté dérangeant du processus... Fermant les yeux, elle laissa son esprit se vider et abandonna cette enveloppe charnelle pour en gagner une autre.

Lorsque ses paupières se soulevèrent de nouveau, les iris qui se trouvaient derrière étaient considérablement plus grands et à présent d'un jaune doré intense. Elle resta allongée quelques secondes, le temps de s'adapter à son nouveau corps, puis se redressa lentement sur la couchette de l'abri où elle avait laissé son Avatar après sa dernière escapade. Autour d'elle, d'autres corps abandonnés provisoirement reposaient sagement alignés ; rares étaient encore les lits vides. Assise sur le matelas, elle remua les doigts et les orteils, vérifiant que ses extrémités répondaient bien, puis se mit debout avec facilité. Depuis le temps, elle avait pris l'habitude de se mouvoir dans ce corps bleu beaucoup plus grand et lourd que celui qu'elle venait de quitter. D'un autre côté, habituée à la gravité terrestre qui était beaucoup plus forte que sur la lune Pandora, le poids plus conséquent compensait un peu la faible attraction et l'aidait à retrouver ses marques.
A présent, elle avait bien pris le pli, et ne s'étonnait plus du tout lorsqu'une partie de son corps teinté de bleu passait sous son regard. Pour elle, c'était autant le sien que celui d'origine, et maintenant qu'elle pouvait évoluer dans la forêt pandorienne, rien ne lui paraissait plus naturel que de le faire sous la forme d'un Na'vi. Restait plus qu'à espérer qu'elle ait un jour le privilège de parler avec les vrais aliens et de pouvoir partager leur culture avec les principaux concernés.

Un mouvement à côté d'elle la fit se retourner et elle vit qu'Altaïr, qui occupait la couchette voisine, venait d'effectuer le transfert vers son Avatar. Il avait dû arriver juste après elle. Opal attendit quelques secondes qu'il ait repris ses esprits, avant de le gratifier d'un sourire.

- Bonjour, Altaïr, salua-t-elle poliment. Tu vas bien ?

Elle savait combien le jeune homme avait du mal à maîtriser son corps parfois, et combien cela l'énervait. Elle était toute disposée à l'aider s'il le souhaitait, mais elle avait peur d'atteindre sa fierté en le lui proposant. De plus, même si elle était très à l'aise, elle n'était pas non plus la personne la plus indiquée pour lui donner des conseils ; mais elle avait remarqué l'antipathie réciproque entre lui et Kaito, pourtant le plus à même de l'aider. Enfin au cas où, elle décida d'attendre un peu à ses côtés.

Adossé contre le mur de sa chambre, assit sur son lit, un calepin à la main, Altaïr, caressant ses lèvres avec un stylo, racontait son voyage jusqu’à aujourd’hui. Depuis le commencement, il avait noté toutes ses actions et impressions afin de les partager avec ses parents, mais pensait également à l’éditer pour se faire un nom sur terre. Car pour lui, il en était certain, il reviendrait sur sa planète d’origine. Durant plus d’une heure, il nota et rectifia certains de ses écrits, de son écriture soignée. Il allait bientôt finir son premier calepin et devrait alors partir à la recherche d’un autre dans les réserves de la base. Mais il n’aurait pas eu le courage de le faire sans autre raison qu’un simple allée-retour pour une futilité qui le tenait pourtant à cœur. Alors il décida naturellement de quitter sa chambre pour aller s’entrainer et revoir ses faiblesses lors du pilotage de son Avatar.

Mais avant cela, il débuta sa journée par sa routine habituelle. C’est lors du petit-déjeuner qu’il retrouva son ami Duncan avec qui il partageait plus que n’importe qui d’autre. Ce Duncan connaissait ses problèmes de contrôle. C’est ainsi qu’il lui demanda de s’occuper de lui durant ses pilotages afin d’éviter soigneusement de le dénoncer à ses supérieurs. Altaïr avait confiance en ce jeune médecin et c’était bien la première fois que cela arrivait. C’est lors de sa dernière bouchée que le jeune Davenport demanda à son ami s’il était libre pour un entrainement. Ce dernier acquiesça et prit son plateau pour suivre le pilote maladroit vers la sortie du réfectoire.

Assis sur son caisson, nerveux et peu sure de lui, Altaïr hésita à deux fois avant de s’allonger dans la matière molle, afin de se préparer à séparer son esprit de son corps. Duncan s’installa en face de lui. Plaçant une main sur son épaule, il le rassura en lui précisant que ca se passerait bien. Pas plus sur de lui, le pilote l’écouta cependant et se prépara pour son voyage. Aussitôt son caisson fermé, il soupira fortement et se concentra jusqu’à se sentir partir dans un tourbillon de couleur.

Avant même d’ouvrir les paupières, le géant bleu soupira comme s’il n’était pas sur de ce qu’il s’apprêtait à faire. Il sentait son cœur le torturer, provoqué par sa nervosité excessive. Ca commençait bien mal. Il ouvrit alors ses grands yeux jaunes et retrouva le décor de ce qu’il avait quitté sous cette forme lors de son dernier pilotage. Personne n’avait déplacé son corps. A vrai dire, il était rare lorsque cela se produisait. Sauf pour des examens sur cette enveloppe corporelle, l’Avatar restait tel qu’il était après leur départ.
A l’aide de ses longs bras, Altaïr se redressa afin de s’assoir sur ce qui lui servait de lit. Il secoua la tête lorsqu’il se rendit compte qu’il pensait très technique alors qu’il devait faire corps avec son esprit et non avec la science. Il pivota alors et aperçu un autre avatar en activité prêt de lui. Il n’y porta pas plus d’attention, préférant se recroqueviller pour se concentrer sur ce nouvel entrainement qu’il allait devoir effectuer. Sa seule peur du a cette autre présence était qu’elle soit peu amicale ou que se soit simplement ce Kaito qui lui rajouterait sans doute des émotions négatives pour être totalement submergé dans son corps bleuté. Mais une voix familière déchira le silence qui dominait depuis son arrivé. C’était celle d’Opal, une jeune femme qui lui avait été d’un grand secours lors de sa première adaptation avec son Avatar. Malgré la bonne nouvelle, aucun sourire ne fendit ses lèvres. Personne ne sera si c’était du à sa difficulté à contrôler son Avatar ou s’il s’agissait juste de sa frustration le paralysant de toute émotion. Quoi qu’il en soit, il ne tarda pas à lui répondre d’une voix monotone :

« Bonjour Opal. Je vais comme une personne qui se prépare à aller à l’abattoir, mais cela reste entre nous. » Lui dit-il la regardant avec une pointe de pitié.

Dans un élan de courage, il se leva espérant réussir à trouver son équilibre très facilement contrairement aux autres fois où il dut s’y reprendre à plusieurs reprises. Bien que ses jambes lui parurent très lourdes et en même temps si fragile, il ne chuta pas, ni ne trembla comme une feuille. C’était un bon départ, même s’il avait déjà été plus loin, il avait toujours eu du mal avec le commencement. C’est seulement lorsqu’il vit ses pieds bleus piétiner sans trop de difficultés, qu’il afficha un joli sourire, dévoilant ses dents blanches et ses canines légèrement pointues. Il jeta un œil à Opal et annonça dans un air de victoire :

« J’ai réussi ! J’ai réussi ! C’est…c’est la première fois que je ne fais pas de premier pas maladroit ! » Expliqua-t-il avec un rictus de joie.

C’était un peu excessif et peu commun venant d’un enfant d’une famille de la haute société. C’était surtout assez choquant lorsqu’on connaissait le caractère introverti d’Altaïr. Mais il n’avait pas pu s’empêcher de laisser éclater sa joie. A vrai dire, il se vendait plus sous cette forme qu’en tant qu’humain. Peut être pensait-il que c’était une bonne protection. Après un bref instant, il se rattrapa cependant et s’excusa de son comportement comme un gamin en faute :

« Je te prie de m’excuser. Je ne t’ai même pas demandé comment tu allais. »

Il avait repris un ton parfaitement calme et gentleman. Il s’était de nouveau installé sur son lit, se félicitant intérieurement de le faire sans accro. Se concentrant sur son interlocuteur, il cessa de penser à sa petite personne, ou plutôt a sa grande personne couleur océan.

Altaïr ne paraissait pas excessivement ravi de se trouver là. Il avait l'air morose, ne lui rendit pas son sourire et lui répondit par une phrase hautement déprimante. Opal fut quelque peu déstabilisée par aussi peu de motivation, et si elle n'avait pas eu connaissance des problèmes de contrôle du jeune homme, elle se serait posée des sérieuses questions. L'optimiste n'était pas la caractéristique principale de l'ex-garde du corps, mais Altaïr semblait quand même très proche du fond du trou. D'accord, ce n'était pas très agréable d'être aussi maladroit avec son corps de Na'vi qu'un des apprentis qu'ils avaient sous leur garde, mais Opal ne trouvait pas non plus qu'il y ait de quoi avoir cet air de condamné à mort. Après tout, ils étaient tous là pour l'aider. C'était une plaie pour lui d'avoir autant d'amour-propre, au final être pilote, qui était le rêve d'énormément de gens, se transformait pour lui en un véritable cauchemar. Elle se sentait mal de le voir aussi malheureux et décourager et son premier mouvement fut de venir l'aider, mais encore une fois la barrière de la fierté de l'Anglais resta entre eux, et elle préféra ne rien faire.

Se disant que sa présence à ses côtés alors qu'il s'apprêtait à se relever devait l'ennuyer, aussi s'apprêta-t-elle à se tourner pour s'éloigner et regarder ailleurs, mais Altaïr tenta finalement de se mettre sur ses jambes, et Opal préféra rester dans les parages au cas où il ait besoin d'aide in extremis. Fierté ou pas, elle préférait le rattraper avant qu'il ne se fasse vraiment mal.

Altaïr parvint néanmoins à se lever et à marcher sans problème et sans manquer de trébucher à chaque pas. La joie qu'il manifesta devant cette réussite surprit Opal par son intensité surprenante venant du jeune homme, mais elle était communicative et elle ne put s'empêcher de sourire à son tour. Dans un sens, en plus d'être contente pour lui, elle était vraiment rassurée de ne pas avoir assisté à une scène qu'il aurait jugé humiliante et qui les aurait embarrassés tous les deux. La jeune femme réalisa encore une fois que la physionomie des Na'vi était plus expressive que celle des humains, et que sur Altaïr, même en version bleu, l'effet était des plus surprenants. Ou alors était-il plus facile pour lui de s'exprimer sous cette forme ? Difficile de le dire. Elle-même ne savait pas trop à quoi elle pouvait ressembler sous le regard des autres quand elle était dans ce corps, et dans quelle mesure on pouvait faire le rapprochement avec son corps d'humaine. Pour Altaïr, malgré les différences physionomiques et la couleur de peau, il était aisé de le reconnaître, ce qui avait un côté plutôt amusant. Tous les deux étaient bruns d'ailleurs, comme les Na'vi, cela devait faciliter la ressemblance avec leur corps d'origine. Altaïr avait quasiment la même coupe de cheveux, alors qu'Opal avait réduit les siens en un carré ébouriffé qui lui tombait sur les épaules. Presque machinalement, elle caressa la longue tresse qui en émergeait, se demandant si elle aurait un jour l'occasion de s'en servir pour communiquer avec la biosphère de Pandora.

Altaïr était retourné s'assoir sur son lit et Opal cessa là ses réflexions capillaires. L'Anglais avait retrouvé son ton calme, presque affecté, et s'excusa de ne pas avoir pris de ses nouvelles, ce qu'elle lui pardonnait bien volontiers, compte-tenu de ses préoccupations du moment. Elle inclina la tête, ayant toujours son sourire sibyllin sur le visage.

- Je vais bien, je te remercie. Ne t'en fais pas, je comprends très bien.

Elle voulut aussitôt le complimenter sur sa réussite et tenter de l'encourager, et fit un effort pour essayer de trouver les mots convenables. Avec Altaïr, elle avait toujours un peu l'impression de marcher sur des oeufs et craignait d'enfoncer par mégarde le doigt là où ça faisait mal.

- Tu commences en beauté aujourd'hui, fit-elle en bannissant soigneusement de sa voix tout ce qui aurait pu faire ressembler la remarque à un sarcasme, ce qui n'était pas du tout le but. Je vais paraître bateau, mais je suis sûre que si tu avais un peu plus confiance en toi tout irait bien, tu ais aussi doué que les autres et...

Elle hésita, faisant une pause dans cette tirade d'une longueur inhabituelle pour elle, avant de se décider à aller au bout de son idée et termina précipitamment :

- Tu ne dois pas te laisser paralyser par le bris du moniteur neuronal au début, ce n'était qu'un accident. Ca peut arriver à n'importe qui. Voilà.

Elle se mordit la lèvre et s'absorba dans la contemplation de sa couchette, persuadée d'avoir manqué de tact et qu'Altaïr allait lui en vouloir d'avoir été si directe. Mais maintenant, elle se sentait lancée, alors autant en finir. De toute façon, si elle l'avait vexé, elle ne pourrait pas aggraver la situation.

- Bon, tu es là pour faire quelque chose de précis ? Sinon tu pourrais m'aider à m'entraîner un peu, je crois que j'ai grand besoin de me dégourdir les pattes.

Altaïr verrait certainement le subterfuge dont elle avait usé en présentant les choses de cette manière, mais elle n'avait pas eu le courage de se proposer directement à l'aider. Il aurait sans doute refusé, de toute façon. Machinalement, elle étira les bras vers le plafond, déployant toute sa longue minceur de Na'vi. Elle avait hâte de se défouler, en vérité, et si elle pouvait en profiter pour aider l'Anglais, ce ne serait que mieux.

Le jeune homme, depuis sa tendre enfance, avait toujours eu cette faculté à apprendre vite, sans trop de difficulté. Ainsi, il avait acquis les bases du piano, de la peinture et de l’équitation - entre autres - avec brio. Aujourd’hui, il était confronté à la confusion la plus totale lorsqu’il s’agissait de contrôler son avatar. Impossible pour lui de savoir pourquoi rien ne voulait aller comme il l’entendait. Il espérait bien que tout se tasserait dans le temps, mais ces problèmes persistaient et il passait son temps à se remettre en question. Peu de monde connaissait ses états d’âme. Même Duncan était en l’absence totale de certaines informations sur ce qui le torturait parfois. Altaïr n’avait pas pour habitude de se confier. Ce qu’il fit dans son enveloppe corporelle bleue, il le regretta très peu de temps après ce qu’il jugea être un incident.

Il se sentait étrangement en sécurité dans ce corps. C’était comme si les autres le pouvaient pas savoir qui se cachait derrière ce géant. C’était totalement stupide aussi puisque les Avatars portaient les traits de leur pilote. Preuve en est qu’Opal l’avait salué en citant son prénom. Mais c’était un sentiment agréable que d’être dans un nouveau corps. Ce n’était pas donné à tout le monde. Alors l’illusion de se sentir protégée n’était que plus intense.

Assis sur ce lit, écoutant Opal lui répondre, il se sentait comme un homme normal. Un pilote sans défaut qui subissait la même routine que s’il avait été dans son corps humain. Après que la jeune femme lui ait partagé son humeur du jour, elle entama un monologue sur la prise en main de son géant bleu. Altaïr regarda ses dix orteils remuer grâce à sa demande. Un fin sourire marquait ses lèvres, mais plus la jeune femme avançait dans ses remarques, plus celui-ci s’effaçait. Admettre lui-même qu’il avait des soucis était une chose difficile, l’entendre de la part d’un autre pilote était plus déchirant encore. Il n’osa pas la contredire, ni même lui répondre. S’il avait s’agit d’une autre personne, il lui aurait sans doute tourné le dos, l’aurait snobé jusqu’à se que son humeur bougon soit retombé. Mais il était redevable envers elle et si une personne avait le droit de lui donner des leçons, c’était elle la mieux placée.

Même si Opal se montrait compréhensive et rassurante, le jeune pilote avait ça en lui de prendre tout trop à cœur. Pour lui, ses rêves de mettre les pieds sur Pandora se fissuraient peu à peu. Il devait se montrer fort, mais pour ça, il voulait au moins comprendre ses faiblesses. Aujourd’hui, il ne pouvait plus détruire de machine excessivement chère. Elles n’étaient plus présentes et le milieu où il se réveillait était assez vaste. Cependant, se rappelait de ce détail lui fit serrer les dents et des brides de souvenirs de ce moment lui fit tourner la tête. Des sentiments de honte et de culpabilité envahissent alors son corps, lui faisant battre son cœur si fort qu’il eut l’impression qu’on cognait dans sa poitrine. Cette sensation, il la ressentait à mainte occasion : Lorsqu’on parlait de leur premier pilotage, lorsqu’il voyait un appareil médical qui ressemblait à celui qu’il avait détruit, parfois lorsqu’il s’apprêtait à dormir, d’autre fois en regardant son reflet dans le miroir. Il n’avait pas su oublier et pensait sincèrement qu’il n’y arriverait jamais. Revenir en arrière était son vœu le plus cher et le plus inconcevable. Alors qu’il pensait parler afin de s’excuser une nouvelle fois du tort qu’il avait pu lui faire, elle coupa court en prétextant vouloir de l’aide pour son entrainement. Altaïr n’était pas dupe. Mais il n’osa rien dire, saisissant l’occasion offerte :

« Mon seul but est de tenir debout sans chuter maladroitement. Ca sera déjà une belle victoire. » Dit-il des plus sérieux. « La dernière fois, je n’ai pas pu enjamber une simple racine. Je l’avais vu pourtant ! » s’exclama-t-il.

Altaïr se leva aussitôt sa phrase terminée. Il se retourna et regarda un instant son lit. Il était des plus basiques, sans même le besoin de couverture pour le réchauffer. En même temps, lorsqu’un Avatar « dormaient » il n’y avait aucun esprit à l’intérieur pour ressentir les choses. Le jeune Avatar se dirigea alors vers la sortie du dortoir avec un pas assuré pour une fois. Il pensa même que ce fut trop simple et que quelque chose arriverait d’ici peu.

« Je ne sais pas quelle activité tu souhaites faire, mais je te propose d’aller piquer quelques fruits juteux dans les jardins en premier lieu. Ce corps a une faim de loup. Et ensuite on passera aux choses sérieuses. »

Il se dirigea alors vers le jardin, sans même attendre de réponse. De toute façon, il ne pourrait être au top de son corps si ce ventre criait famine. Il continua cependant en affirmant :

« Tu sais, oublier l’incident de ma première expérience s’avère assez compliqué. J’y pense, repense et je n’en suis pas fière. Merci encore de m’avoir couvert. Mais, sans indiscrétion, bien que cela me concerne un peu, pourquoi l’as-tu fais ? » Demanda-t-il curieux.

Depuis tout ce temps, il s’était posé la question. Cependant, il ne trouva jamais le bon moment pour là lui poser, ni même le courage. Alors dans un élan de celui-ci et sous cette forme bien plus forte qu’il ne l’était humainement, il tenta afin de savoir enfin pourquoi un tel mystère.

Opal fut peinée de voir Altaïr cesser de sourire et détourner la tête. Frustrée, elle regarda aussi ailleurs, se maudissant de ne pas avoir su se taire. Elle qui d'habitude, parlait si peu, elle en avait trop dit pour une fois. Et pourtant elle avait senti qu'elle faisait une gaffe en abordant le sujet aussi directement. Mais elle ne savait pas comment faire autrement. La pilote savait parfaitement que ce qu'elle disait était vrai – sans doute y avait-il d'ailleurs une partie du problème. En attendant Opal était fortement gênée et se reprochait de ne pas s'être tue. Ne sachant pas comment se rattraper, elle jugea prudent de la fermer tant qu'elle n'aurait pas une bonne raison de parler.

Citation :: « Mon seul but est de tenir debout sans chuter maladroitement. Ca sera déjà une belle victoire. La dernière fois, je n’ai pas pu enjamber une simple racine. Je l’avais vu pourtant ! »

Opal imagina la scène avec acuité et dut faire un énorme effort pour ne pas rire en l'imaginant. Là, Altaïr aurait eu de bonnes raisons de se vexer. Mais sa façon de raconter était si comique, il parlait avec un tel sérieux... Opal espéra que ses difficultés allaient modérer un peu son égo et lui permettrait de s'améliorer un peu. Non pas qu'elle ait des critiques ou des reproches à lui faire, après tout ce n'était pas de sa faute, mais c'était dommage de faire une telle montagne d'une telle chose. C'était surtout ça qui le bloquait, en fait. S'il ne faisait pas une fixette sur cette première chute, elle était à peu près sûre qu'il s'en sortirait de manière honorable. Encore fallait-il qu'il arrive à surmonter cet échec.

En attendant, elle garda un visage on ne peut plus sérieux, nonobstant un sourire encourageant.

- Voilà un but qui me paraît parfaitement atteignable. Même si tu n'as pas l'air d'y croire, je suis sûre que tu peux y arriver. Regarde, ajouta-t-elle alors qu'il se levait avec aisance, qu'est-ce que je disais ?

Elle réalisa qu'elle se montrait peut-être un peu trop fervente et qu'il allait finir par trouver ça louche – après tout ils se connaissaient peu, et il pouvait devenir méfiant de la voir prendre ses problèmes à lui trop à coeur. Mais il s'était montré attentionné avec elle, cela lui avait plu et elle essayait de faire de même, sauf que pour l'instant elle s'y prenait un peu comme un manche. Elle savait qu'il était gentil avec elle parce qu'elle lui avait sauvé la mise ce fameux jour, mais c'était un genre de cercle vicieux plaisant, sans doute le seul de son espèce.

Après ce qu'elle avait dit, elle s'était dit qu'il allait repousser son offre et préférer partir dans son coin, aussi fut-elle très contente de l'entendre accepter. Sa proposition de commencer par manger était censée, bien qu'elle n'ait pas très faim ; son corps peut-être, mais pour son esprit elle venait de déjeuner et il n'avait pas encore rattraper le décalage. De toute façon, elle ne voulait pas manquer une telle occasion. C'était un plaisir qui dépassait le simple bonheur de s'alimenter ; mordre dans ces fruits, des vrais fruits de Pandora, tout en marchant dans un air naturel et non filtré par la Tortue, tout cela était pour elle un véritable extase. Bien qu'elle ait toujours vécu en privilégiée et donc eu accès à des fruits autant qu'elle le voulait, ils étaient loin d'avoir le goût de ceux qu'on trouvait ici. Sur Terre, tout était fade, artificiel et pollué, voir irradié. Elle accepta donc avec enthousiasme.

- Bonne idée.

Avec enthousiasme venant d'Opal, précisons-nous à toutes fins utiles.

Altaïr s'était mis en route, et sa collègue le rattrapa en quelques enjambées pour se mettre à son côté. Pour l'instant, le jeune homme semblait se mouvoir avec aisance, ce qui fit plaisir à Opal, préférant ne pas avoir à commencer leur collaboration par une catastrophe. Elle descendit les quelques marches menant à l'extérieur, et s'arrêta lorsque Altaïr reprit la parole. Comme elle le pensait, il restait bloqué sur l'incident de son premier pilotage. La suite lui plu moins ; elle ne s'attendait pas à ce qu'il lui pose une telle question. Embarrassée, elle se détourna, avant d'avoir un doute quant à savoir s'il lui était possible de rougir avec une telle couleur de peau. Dans le doute, elle s'absorba dans la contemplation d'une fougère. Que répondre ? Elle l'avait fait presque instinctivement, sans vraiment y réfléchir sur le coup, étant juste certaine d'avoir bien fait, et elle n'en avait eu que la confirmation après. Elle était un peu réticente à en parler, sans vraiment savoir pourquoi, aussi glissa-t-elle à côté de la question.

- Je suis contente si cela a pu t'aider. Tu n'as qu'à te persuader que je t'ai vraiment bousculé, cela pourra peut-être te permettre d'avoir plus confiance en toi. Moi, je croirais très volontiers à cette version.

Elle souriait toujours avec légèreté, le laissant décider s'il voulait prendre la chose sérieusement ou comme une plaisanterie.

Le jardin était une petite merveille, encore peu développé du fait de la récente arrivée sur Pandora, mais regorgeant de plantes autochtones et d'espaces aménagés taille Na'vi pour permettre l'entrainement des Avatars. Essayant d'esquiver une éventuelle insistance d'Altaïr, Opal s'avança en direction du bosquet fruitier, appréciant le plaisir du soleil sur sa peau sans avoir en arrière pensée qu'elle se couvrirait de plaques rouges dans quelques secondes. Elle se sentait pleine d'énergie, et avait très envie de bouger.

Lorsque la jeune femme répondit au but qu’il s’était fixé, elle releva le manque de confiance qu’Altaïr laissait paraitre. Elle avait raison. Il manquait cruellement de confiance alors qu’il en avait tant avant sa mésaventure. Mais le contrôle de son Avatar le plongeait dans une euphorie qu’il n’arrivait pas à canaliser. Il comparait son géant bleu en la matérialisation de son rêve le plus chère. En même temps, il partageait ce vœu avec un autre homme : Son père. Il ne voulait pas le décevoir et à trop vouloir bien faire, il ne rentrait pas entièrement dans son enveloppe corporelle bleuté. Il n’arrivait pas à faire la part des choses. Les conseils, de certains, n’avaient aucun impact sur le pilote puisque lui-même ne savait pas ce qui clochait après s’être posé des tonnes et des tonnes de questions. Aujourd’hui, cela semblait aller. Était-ce la présence d’Opal ? Il n’en savait rien.

Piloter un Avatar était un peu comme conduire une voiture. A trop se concentrer sur des choses, on en oublie les autres et on risque la faute. Altaïr eut du mal à passer son permis de conduire. Le problème était qu’il faisait trop attention autour de lui, alors que le cerveau était capable d’équilibrer tout cela pour apporter des informations utiles et en nombre. Lui, bloquait son cerveau sur un malheureux détail et oubliait les autres… . Un jour, il comprit le problème après une heure de conduite passé sans faille. En effet, il avait discuté de choses totalement différentes durant le cours et avait permis son cerveau de relever les informations essentielles. Aujourd’hui, avec son Avatar, il se sentait dans la même situation. Peut-être était-ce son problème ? Il le serait lors de cet entrainement. En attendant, il s’était levé avec grâce, sans s’en rendre compte. Il l’avait voulu, mais c’était machinalement que ses fesses avaient quitté son lit. Opal le félicita en quelque sorte. Un sourire aux lèvres, il ne répondit cependant pas à ses encouragements.

Il lui proposa d’aller manger un morceau dans le jardin. Altaïr s’était déjà nourri, mais son ventre criait famine et il ne le contredirait pas. Croquer dans des fruits autant naturels qu’ils étaient délicieux fut devenu le passe temps préféré du géant maladroit. Il n’avait pas encore eu de mal à mâcher et à se régaler. Alors d’un pas décidé, il avait commencé à avancer afin de quitter le lieu clos. Sa bouche se remplissait de saveur dont il se souvenait et sa gourmandise gonfla les gémissements de son ventre pourtant inaudible. Il chercha à penser à autre chose et discuta à nouveau de l’incident en serrant peu à peu les dents face aux flashes qui se bousculaient dans sa tête. Il prit le courage de poser la question qu’il souhaitait poser depuis longtemps à Opal et celle-ci ne répondit pas vraiment. Une pointe de déception pouvait se lire sur le visage du jeune homme, pendant que la jeune femme détournait le regard. Encore un mystère qui perdurait. La réponse qu’elle donna aurait du l’aider mais il secoua la tête avec dénégation. Il lui répondit en citant son père :

« Le coupable n’aura le pardon que s’il se sent coupable. » Dit-il baissant la tête, un soupir de désespoir. « Je m’en veux déjà que tu es portée le chapeau à ma place. Je ne t’en remercierais jamais assez. Mais le fait que les autres pensent que tu es la fautive, ca me met mal à l’aire. Je sais bien qu’on en parle plus aujourd’hui, mais … »

Altaïr s’arrêta un instant et réfléchit à ce qu’il venait de dire. Un détail, dont il ignorait la réponse le chagrina. En levant un sourcil interrogateur, un air à la fois coupable et désolé, il lui demanda :

« Plus personne ne t’en parle aujourd’hui, dis moi ? »

Même si c’était le cas, que pouvait-il y changer ? Il ne pouvait revenir en arrière. S’il annonçait la vérité, il ne serait plus le seul à avoir des problèmes. Opal en prendrait pour son grade. Il n’y tenait pas.
Marchant aisément jusqu’au jardin de fruit, Altaïr se demanda si ses difficultés ne s’était pas dissipées. Il sentait la chaleur caresser sa peau et lorsqu’il regardait ses mains bouger devant lui, parfaitement contrôlé, un nouveau sourire s’installa sur son visage. A chaque réussite, c’était pour lui comme une première fois dans le corps de son Avatar. Il décida alors de prendre un fruit à quelques mètres de lui, mais lorsqu’il le saisit de ses longs doigts, sa main se serra et le jus du fruit, sans doute, savoureux dégoulina. Altaïr porta sa main à son front légèrement baissé et ferma les yeux de déception. Il avait empoigné le fruit trop fort, sans s’en rendre compte, négligeant sa force. C’était moins pire que de se casser la figure devant tout le monde, mais il pensait s’en être sortie. Il marmonna alors plus pour lui-même qui pour Opal :

« Tu peux me dire à qui cela arrive ce genre de chose ? »

Il déploya ensuite sa main, humidifié par ce qu’il restait du fruit. De son autre main, il prit un morceau qu’il amena à sa bouche. Le goût n’était plus le même, mais cela restait appétissant pour son estomac. Altair détestait le gâchis depuis ses voyage en Afrique…Trop de gens mourrait de faim pour laisser un fruit pressé maladroitement pour un nouveau plus juteux.

Altaïr n'avait pas l'air pleinement convaincu par ses paroles d'encouragement, et Opal finit par décider de laisser tomber le sujet, consciente qu'elle n'en tirerait rien de bon pour l'instant. L'autre Avatar semblait décidé à rester campé sur ses positions et à se fustiger continuellement de l'incident. Opal retint un soupir et s'apprêta à continuer lorsqu'il posa une question qui manqua de lui faire perdre son flegme habituel. Un peu embarrassée, elle attendit quelques secondes avant de répondre, histoire d'être sûre de pouvoir parler avec un ton naturel est détachée.

Personne n'avait fait allusion à l'incident, du moins pas parmi les autres Avatars qui devaient être trop préoccupés par leurs propres problèmes pour s'occuper de ceux d'Altaïr, enfin d'Opal en l'occurrence. Pour Eileen, c'était une autre paire de manches. Sa supérieur ne lui avait jamais reparlé directement du sujet, mais elle sentait bien, comme par exemple lors d'accès de mauvaise humeur incontrôlée, que la chef de section n'était pas dupe et qu'elle se doutait qu'Opal lui avait plus ou moins menti à propos de l'incident. Leurs relations n'en souffraient pas vraiment, mais la pilote n'était pas ravie d'avoir à maintenir ce mensonge d'autant plus que c'était cela qui avait l'air de déranger Eileen, plus que le fait qu'Altaïr ait cassé le moniteur neuronal. Elle continuait pourtant d'être sûre d'avoir eu la bonne réaction. Eileen semblait juste avec une idée... disons... erronée sur la question... et... Enfin, c'était embarrassant, elles ne l'avaient jamais évoqué directement mais Opal avait toutes les raisons de croire que Eileen nourrissait des soupçons infondés entre Altaïr et elle. C'était très gênant, d'autant plus qu'elle ne pouvait pas se justifier sans briser la couverture du jeune homme, ce qu'elle ne voulait absolument pas. Bref, elle sentait que cette maladresse n'avait pas fini de leur causer des ennuis et des quiproquo à rallonge. Raison de plus pour changer de sujet le plus vite possible.

- Oh non, personne, répondit-elle enfin, je crois que tout le monde a oublié.

Encore un genre de mensonge, mais elle ne tenait pas non plus à encourager Altaïr à se morfondre.

Ce dernier avançait le long d'un sentier du jardin, avec une aisance surprenante venant de lui. Opal apprécia en silence sans se risquer à faire un commentaire. Le laissant au plaisir de « piloter » sans heurt, elle profita dans son coin de la souplesse de son corps hybride, de loin supérieure à celle de celui qu'elle venait de quitter. Continuant de s'étirer de tout son long, sentant l'agilité de ce corps fin, elle prit un rapide élan et effectua une roue sur le chemin, trébuchant à la réception et se relevant in extremis. Bon, à vouloir faire la maligne elle avait manqué de se prendre une belle gamelle, mais elle n'y prêta absolument pas attention et se contenta d'afficher un sourire amusé. Elle avait vraiment hâte de se défouler, et le jardin lui parut d'un coup beaucoup trop petit. Elle aurait voulu pouvoir sortir hors de la Tortue et grimper aux immenses arbres à loisir. Mais ce plaisir lui était refusé pour le moment, et elle devait se contenter de ce parc, certes charmant, mais trop étriqué à son goût.

Altaïr venait de repérer un arbre fruitier et s'était approché résolument pour saisir un fruit, qu'il écrasa un peu entre ses doigts trop puissants. Encore une fois, Opal dut se retenir pour ne pas s'amuser de son air déconfit, et la pensée qu'il en souffrait réellement suffit à chasser toute moquerie. Elle l'entendit marmonner, et se demanda si cela valait la peine de prodiguer une parole d'encouragement, puisque toutes celles qu'elle avait pu sortir jusque là avaient fait chou blanc. Dans le doute, elle persista.

- Ce n'est qu'une petite bourde. Tu es venu ici sans problème, c'est déjà bien non ?

Tout en parlant elle avait rejoint l'arbre, duquel elle attrapa une branche qu'elle plia doucement jusqu'à elle, afin d'en cueillir un fruit. Elle mordit dedans avec plaisir, goûtant sa saveur vive et sucrée, incomparable à tout ce qu'elle avait pu manger avant de venir sur Pandora. Cela réveilla son appétit, et elle dévora tout ce qui était mangeable, ne laissant que le noyau. Elle prit un deuxième fruit à qui elle fit subir le même sort. C'était toujours meilleur quand on les ramassait soit-même. Si on oubliait leurs vêtements on ne peut plus terriens, ils avaient presque l'air de deux natifs venant se nourrir à la source.

Opal lécha ses doigts enduits de jus sucré, décidant qu'elle en avait assez pour se caler provisoirement. Vue sa taille, elle devrait prendre un repas correct ou demander une nutrition intraveineuse, ce n'était certes pas deux fruits qui allaient la nourrir. Mais au moins, elle ne risquait pas de tomber d'hypoglycémie. Elle se tourna vers Altaïr, attendant qu'il ait fini lui aussi avant de s'enquérir de la suite des évènements.

- Prêt ? Tu as une envie particulière ?

Rassuré d’entendre que plus personne ne parlait de cet incident, Altaïr retrouva un mi-sourire. Dans son esprit, tout le monde avait du colporter derrière leur dos. Pour lui, cet accident avait fait parler, mais chacun n’ose aborder le sujet en sa compagnie. C’était mieux ainsi. Il ne se voyait pas renchérir le mensonge d’Opal, se sentant entièrement coupable et a raison. Il n’était pas envisageable pour lui que personne n’est fait référence une fois depuis leur arrivé de cette machine broyé sous son poids. Quand serait-il s’il avait avoué être le coupable ? Aurait-il pu supporter les regards moqueurs ou de pitié ? Il remerciait intérieurement la jeune femme d’être allée à son secours.

Du coin de l’œil, il l’aperçut profiter de son aisance à piloter son Avatar. Faire la roue était pour lui un risque considérable pour son géant corps. Il s’imaginait déjà faire une jolie et douloureuse chute. Secouant légèrement la tête comme pour chasser ses pensées, il observa un fruit avant de le maltraiter involontairement. Marmonnant quelque mots, Opal vint le rassurer. Il était vrai qu’il n’avait pas fait d’erreur dans son parcours et que sa démarche avait été plutôt gracieuse pour une fois. Ses mains, légèrement collantes à présent, ne semblaient pas trop mal se comporter après cette petite défaillance. Il avait saisi un autre fruit, un peu plus haut cette fois-ci, et n’avait eu aucun problème pour le savourer enfin de tout son arôme. Content de lui, un grand sourire se traça lorsqu’il croqua une deuxième fois dedans. Essuyant sa bouche du revers de sa main, il releva cependant :

« Je ne comprends pas pourquoi je n’arrive pas à contrôler mon avatar comme les autres. »

La jeune femme se régalait, de son côté, des fruits qu’elle pouvait cueillir. Elle s’en sortait sans dommage et il était vexant de voir à quel point ce fut simple pour elle. Le jeune pilote se contenta, cependant, de manger son fruit sans trop se morfondre sur sa précédente maladresse.

Opal lui proposa de commencer l’entrainement. Le cœur d’Altaïr accéléra soudainement. Le stress lui faisait perdre tout optimisme. La peur, d’abimer son corps, se ressentit rien que par la grimace qu’il fit involontairement. Il réfléchit alors à une activité qui lui demanderait peu en effort physique et mental. Malheureusement, elles étaient peu nombreuses. Il s’élança alors vers le bitume et saisit alors un ballon trainant sur le sol. Rond, orange et assez pesant, il s’agissait d’un ballon de basket. Il le fit rebondir quatre ou cinq fois et le stoppa dans ses mains. Apparemment, tout fonctionnait à merveille. Mais pour combien de temps ? Il chassa cette pensée de son esprit et observa Opal :

« Je te propose quelques paniers. Ca nous permettra d’améliorer notre précision sans que je me casse quoi que ce soit. » Finit-il avec un petit rictus.

Le basket n’avait jamais été son sport favori. Pourtant, sous cette forme, ce sport lui permettait de se dépenser et de se concentrer sans trop risquer de maladresse. En fait, c’était l’un des meilleurs sports pour les cacher. Pendant que certains pensaient qu’il était nul à ce jeu, lui savait que cela venait de son pilotage. Parce que si Altaïr n’aimait pas tant que ça ce sport, c’était bien parce que, en tant qu’humain, il n’avait aucune peine à entrer le ballon dans le panier. Il espérait que la jeune femme n’y verrait pas d’objection. Cependant, il suivrait son choix si elle en avait un autre par pure galanterie. Elle avait déjà fait beaucoup pour lui. Il lança cependant le ballon vers elle pour qu’elle le rattrape. Ce fut un succès étonnement :

« Ca te tente ? » Demanda-t-il, grand sourire aux lèvres.

La confiance qu’il avait eue en lançant le ballon lui fit comprendre qu’il était, sans doute, capable de faire encore mieux. De toute façon, il ne pouvait qu’évoluer et ne baisserait pas les bras. Son père comptait trop sur lui. Altaïr avait une question en tête mais n'osait pas entraîner Opal dans sa paranoïa. Mais cela lui rongeait trop le crane pour qu'il garde tout ceci pour lui. Et la meilleure personnes pour l'éclairer était forcément Opal. Oser-t-il N n'osera-t-il pas ? Il préférait d'abord se concentrer sur son jeu au basket si tel était le choix de la jeune femme.

Opal ne savait pas vraiment quoi dire à Altaïr, pas plus qu'elle ne savait comment agir avec lui. Elle voulait l'aider, c'était certain, parce qu'elle l'aimait bien et qu'il était gentil avec elle, mais ne savait pas du tout comment s'y prendre. Tout ce qu'elle pouvait faire, c'était distribuer quelques encouragements, mais depuis le début de leur conversation, ils ne semblaient pas avoir eu l'effet escompté. Altaïr semblait se renfrogner encore plus dès qu'elle faisait une remarque sur son habileté à faire telle ou telle chose, comme si cela mettait en relief ses échecs. Décidément, elle avait du mal à le cerner, était-ce un problème de fierté, ou quelque chose de plus profond ? Elle avait aussi un peu l'impression qu'il jalousait légèrement son habileté à se mouvoir, mais encore une fois, que pouvait-elle y faire ? Elle ne voulait pas qu'il se sente inférieur à elle, et avait la sensation d'échouer lamentablement. Frustrée, elle détourna les yeux alors qu'il posait une question dont elle ne possédait malheureusement pas la réponse.

Lorsqu'elle lui proposa de passer à l'entraînement, le stress d'Altaïr fut visible. Opal ne se sentit pas d'insister encore comme quoi il ne devait pas avoir peur de faire des erreurs devant elle. C'était tellement évident pourtant, depuis qu'elle avait menti pour lui, ne comprenait-il pas qu'elle ne tiendrait pas rigueur de ses maladresses et qu'elle ne les répèterait pas ? Elle se sentait soudainement découragée, comme si le pessimiste de son compatriote était contagieux. Elle ne put que répondre un sourire encourageant à sa grimace involontaire, bien qu'elle doutât qu'il soit d'une quelconque efficacité. Elle laissa Altaïr décider de ce qu'il voulait faire, et l'observa s'élancer vers un ballon de basket, qu'il manipula avec aisance. Elle ne se risqua à aucune remarque ou commentaire sur cette habileté, ayant compris que cela tournait au désastreux chaque fois qu'elle s'y essayait. Elle se contenta de hocher la tête, et rattrapa sans difficulté le ballon qu'il lui lança.

- C'est une bonne idée, d'ailleurs tu te rendras vite compte que c'est un domaine dans lequel tu n'auras aucun mal à me surpasser, dit-elle en accompagnant sa remarque d'une petite moue amusée.

Opal n'avait jamais fait de sport à proprement parler. Toutes les activités de ce genre auxquelles elle s'était livrée se résumaient au combat et à un entretient personnel de son corps – natation, course à pied, yoga – certainement pas en un sport collectif. C'était à peine si elle savait que le but était de passer le ballon dans les paniers. Elle se dirigea sans conviction vers un de ces derniers, placés à hauteur de Na'vi, faisant rebondir la balle devant elle. Au bout de quelques secondes, elle commença à prendre de l'assurance et de la vitesse, et une fois qu'elle fut assez près, fit une tentative pour marquer un but. Le ballon heurta le cercle de métal et fut repoussé, allant rebondir nonchalamment dans l'herbe.

- Qu'est-ce que je disais, se lamenta-t-elle faussement. Voilà de quoi ruiner ma crédibilité de tireuse, pourtant je t'assure que je vise mieux avec des balles qu'avec ça.

Elle ponctua sa phrase d'un petit rire, et se dépêcha de courir récupérer le ballon. Son long corps se déplaçait avec aisance, sa queue en équilibrant les mouvements. Il lui était vite apparu que cet organe supplémentaire était essentiel, et ne lui servait pas qu'à chasser les mouches. Il lui permettait de compenser la longueur exagérée de son torse, beaucoup plus importante que celle de son corps d'humain, sans parler de ses membres. Elle revint ensuite vers le terrain, et lorsqu'elle fut suffisamment près d'Altaïr, elle lui lança le ballon, le faisant le mieux possible pour lui faciliter la tâche. Elle le laissa ensuite s'essayer aux joies du marquage de paniers, pendant qu'elle-même continuait à courir et à bouger pour échauffer ses muscles.

Elle récupéra le ballon qu'il lui lançait, manquant de le louper, puis se mit à le faire rebondir avec force sur l'asphalte. Une nouvelle idée lui était venue, qu'elle accompagna d'un petit sourire entendu.

- Bon, je n'ai pas envie de te le rendre, si tu veux l'avoir tu vas devoir venir le chercher, dit-elle avec innocence.

Il fallait bien un peu de difficulté, sinon elle allait finir par s'ennuyer. Et de toute façon, Altaïr était parfaitement capable de lui tenir tête, quoi qu'il en pense.

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