Amazing Unexpected [feat. Saona Kalani]

Il y avait des jours qui commençaient comme tous les autres, mais comme chaque matins où l'on se lève, on ne sait finalement jamais ce qui nous attend quelques heures plus tard. Ainsi donc, Naminé s'était éveillée à la même heure que d'habitude – si habitudes il y a quand on ne vit à la Tortue que depuis quelques jours – et avait pris une douche rapide et s'était longuement arrêtée devant son armoire, aussi peu éveillée qu'à son réveil. Naminé regardait les vêtements qui composait son placard; comme il était étrange de se dire que tout ça datait d'il y a cinq ans! Les choses avaient sans doute énormément changé depuis leur départ de la Terre et cette perspective l'effrayait à lui en donner presque le vertige. Cinq ans sans nouvelles de Nathan, son frère disparu, cinq ans sans que la tombe de ses parents ne soit fleurie. Cinq ans qu'elle était partie de chez elle, cinq ans pendant lesquels elle n'avait pas pu finir son deuil et c'était sur Pandora, loin de ses souvenirs qu'elle devrait le faire. Naminé n'aurait jamais cru qu'une simple inspection de son armoire la plongea dans un tel désarrois; mais il était évident que les blessures du passé n'étaient toujours pas refermées.

La jeune femme soupira, déprimée. Dans quelques heures tout irait mieux. Elle prit un jean saillant, un tee-shirt à manches courtes clair et un veston foncé, enfila le tout et mit un sautoir autour de son coup ainsi qu'une montre à son poignet. Sa tenue était à la fois chic et décontractée, c'était du moins comme cela que les jeunes appelaient ce genre de look quelques années auparavant sur la planète bleue. Naminé retourna dans la salle de bain, jeta un coup de d'œil sur le cadran de sa montre et réalisa qu'avec tout ça, elle n'était guère en avance pour aller travailler. Il lui fallut encore quelques minutes pour se coiffer, se laver les dents et chausser une paire de chaussures, puis elle sortit enfin du Quartier Est, direction celui de l'Ouest, où l'infirmerie se trouvait.

Comme à chaque fois que Naminé arrivait sur les lieux, regard fit le tour de la pièce et examina les coins et recoins, pour vérifier que tout était en ordre. Elle ne savait pourquoi, mais à chaque fois qu'elle arrivait quelque chose n'était plus à sa place, et comme à chaque fois, elle remettait de l'ordre. S'en suivait une vérification informatique du stock de l'infirmerie pour être sûre qu'elle et ses collègues ne manqueraient de rien pendant la journée. Il n'y avait personne ce matin et l'infirmière qui était de service avant elle s'en alla, la laissant prendre sa garde. Naminé n'avait pas de patient à se charger à ce moment là, bien que l'infirmerie en recevait actuellement quelques uns. Ainsi donc s'installa-t-elle devant un des écrans tactiles de la pièce et entreprit de lire les dernières mise à jour de la base de données de la Tortue.

Naminé ne s'était plongée que depuis quelques minutes dans sa lecture lorsqu'elle reçut un appel via son ordinateur. Elle y répondit immédiatement et fut mise en communication vidéo avec un protecteur qui l'informa qu'il arrivait à l'infirmerie avec un Avatar qui était blessé. Son cœur se serra quand elle réalisa que son interlocuteur n'était autre que Lorenzo, un homme dont elle était particulièrement sensible au charme.
« Ok, je vous attends » dit-elle avant de couper la communication.
La jeune femme savait qu'elle devait contacter quelqu'un en particulier car elle-même n'était pas habilitée à s'occuper personnellement d'un pilote d'Avatar, eux-même ayant droit à une attention particulière.
Elle tapa donc un numéro sur l'écran tactile et attendit que son destinataire réponde. Cela ne lui faisait pas plaisir de lui parler, mais étant donné que Saona était sa responsable, il lui était impossible de l'éviter constamment. Le beau visage de la responsable de Naminé apparut à l'écran et la jeune femme mit de côté son antipathie et fit preuve de tout le professionnalisme dont elle était capable:
« Bonjour Sanoa, Naminé à l'appareil » précisa-t-elle, même si elle se doutait bien que Saona l'avait reconnu « on vient de m'annoncer qu'un Avatar blessé arrivait à l'infirmerie, j'ai besoin de vous ici. Pouvez-vous venir rapidement? »
Naminé n'eut besoin d'attendre que quelques minutes avant de voir deux « hommes » passer le seuil de l'infirmerie.

Il s'agissait en effet d'un matin comme tous les autres, sur la Tortue. Les habitudes s'étaient installées, le quotidien également, et chacun avait pris ses marques sans trop de difficultés. Pourtant, pour Saona, chaque réveil était un émerveillement. Son sentiment de culpabilité l'avait enfin quitté, grâce à sa meilleure amie qui l'avait soutenue et aidée à passer le cap de l'arrivée loin de tout, et elle profitait désormais pleinement de sa place, chère, ici, sur Pandora, cette lune qui avait été interdite pendant de nombreuses années – bien que cette interdiction n'ait pas été respectée.
Saona ouvrit un oeil, et jeta un regard à son réveil. Dix minutes avant la sonnerie. Elle le referma, mais impossible de se rendormir. Elle était trop excitée, trop pensive, tout se bousculait dans sa tête. Elle afficha un sourire amusé et décida de se lever. Avec ces dix minutes d'avance, elle pourrait prendre son temps. Assise sur le rebord de son lit, elle s'étira longuement, baillant, puis observa vaguement ce qui trainait sur le sol de sa chambre. Ses habits de la veille, un jean et un petit débardeur, trainaient, étalés négligemment. Elle se pencha pour les ramasser et les lança dans son panier de linge sale. Elle se frotta légèrement la tête, et mit de la musique pour se donner un peu plus d'énergie. Elle se mit à remuer légèrement sur son matelas, puis se leva définitivement et se mit à danser. Après quelques minutes de déhanchements endiablés, elle fila dans sa petite salle de bain, ôta sa nuisette et ses sous-vêtements, puis entra dans la douche. L'eau glacée du début la réveilla pour de bon, puis fut remplacée par l'eau chaude. Saona ferma les yeux et profita quelques secondes de cette sensation chaleureuse sur son corps. Elle songea qu'elle n'avait plus eu l'occasion de sentir ce genre de caresse depuis bien longtemps et soupira en pensant à Lorenzo.
Se reprenant, elle prit une noisette de shampoing et l'appliqua dans ses cheveux, puis se leva entièrement. Une fois rincée, elle attrapa sa serviette de bain, sortit de la douche une fois cette dernière enroulée autour d'elle, et se brossa les cheveux. Elle les lissa, puis s'habilla rapidement en voyant l'heure déjà bien avancée. Une fois prête, elle se dirigea vers les réfectoires communs et prit un petit déjeuner équilibré. Une longue journée de travail l'attendait aujourd'hui, une sortie d'Avatars était prévue et elle allait devoir être concentrée. Aussi prit-elle soin de bien se nourrir pour pouvoir donner le meilleur d'elle-même.
Quand enfin elle fut fin prête à partir travailler, elle se leva et se dirigea vers la salle des connexions des Avatars. Enfin, sa journée commençait, et elle allait pratiquer cet art qu'elle aimait par dessus tout, pour le simple plaisir de venir en aide aux autres et leur apporter son savoir. Se rendre utile était primordial pour Saona, qui depuis le tremblement de terre qui l'avait privée de ses parents, ne supportait pas de voir le monde en souffrance. Voilà pourquoi elle était ici. C'était sa façon à elle de venir en aide à l'humanité entière.

En arrivant dans la salle qui accueillait les pilotes d'Avatars en mission, elle fut surprise de voir Killian, le chef des médecins. Habituellement, il ne restait pas spécialement ici, préférant rester à l'infirmerie. Saona le salua poliment. Elle le respectait et l'admirait, et était toujours heureuse de le voir. Elle en profita pour lui poser deux ou trois questions, toujours attentive au fait de ne pas commettre d'erreur et de se perfectionner au maximum. La conversation terminée, Saona se dirigea vers sa collègue, dont elle allait prendre la relève.

Rien à signaler, Julia ?

La jeune femme blonde était un membre de l'expédition, comme Saona, et neurologue, tout comme elle également. Elles s'entendaient particulièrement bien et la Française était une personne qui comptait beaucoup pour la jeune femme d'origine dominicaine. Julia lui rapporta les dernières informations sur les connexions des Avatars qui étaient déjà en place depuis un petit moment, puis partit de la salle des connexions, laissant Saona seule. Quand il n'y avait pas d'urgence, généralement, les neurologues étaient seuls pour s'occuper des différentes connexions, quelques assistants étant là pour les aider.
Saona songea à sa propre apprentie, Naminé, qu'elle n'avait vue qu'une seule fois depuis leur arrivée sur Pandora. Pour quelqu'un qui voulait se spécialiser dans la neurologie, elle n'était guère présente. Evidemment, Saona n'était pas objective. Naminé, tout comme elle, avait un faible pour Lorenzo et bien que Saona déteste se l'avouer, cela la rendait terriblement jalouse. Naminé était une jeune femme blonde, très jolie et plutôt attirante. Aucun doute que Lorenzo appréciait la regarder.
La jeune femme détestait profondément ressentir un tel sentiment à l'égard de son apprentie, d'autant plus qu'elle trouvait cela ridicule. Néanmoins, elle savait combien l'attirance de la blonde était forte pour le jeune Italien, et craignait bien de perdre la partie. Elle s'en voulait et tâchait toujours de faire bonne figure, de laisser sa rancœur de côté en présence de Naminé, mais son ton ne parvenait pas à être sympathique. De toute façon, c'était réciproque.

Alors qu'elle venait de vérifier toutes les connexions de chacun des Avatars en mission, les constantes de l'un des pilotes se mirent à s'affoler de manière alarmante. Saona se précipita pour vérifier ce qui se passait et comprit que l'Avatar du pilote avait été blessé. Il s'agissait toujours d'une situation particulièrement délicate. Saona appela un des assistants en renfort, lorsqu'un appel se fit entendre. Quand on parle du loup, Naminé se présenta sur l'écran de communication, saluant Saona avec trop de politesse pour que cela soit sincère. Elle voulait que Saona vienne à l'infirmerie, non loin de là et où habituellement seuls les cas légers ou ne concernant pas les Avatars étaient envoyés. Naminé lui expliqua qu'un Avatar était blessé et la jeune femme dut prendre sur elle pour ne pas lever les yeux au ciel. Passant les politesses hypocrites, elle appuya sur le bouton pour répondre.

J'ai vu, merci... j'arrive dans deux minutes, je dois m'occuper du pilote en premier lieu.

Son ton avait été froid, mais correct. Elle restait professionnelle malgré tout l'antipathie qu'elle pouvait ressentir à l'égard de Naminé. Elle coupa la communication et se précipita vers le pilote en difficulté. A l'aide de l'assistant, elle tâcha de rétablir les constantes, mais savait aussi que tant que l'Avatar lui-même ne serait pas soigné correctement, le pilote aurait des problèmes. Elle pouvait très bien couper la connexion, mais il était préférable d'attendre que l'Avatar soit arrivé à l'infirmerie.
Elle rappela Naminé, lui demandant de lui signaler lorsqu'ils seraient arrivés, mais n'eut pas besoin d'attendre, puisqu'elle vit à l'arrière le grand corps bleu de l'Avatar entrer, accompagné d'un protecteur également blessé. Pour couronner le tout, il ne s'agissait de personne d'autre que Lorenzo. L'estomac de Saona se contracta, mais elle mit cela de côté.

Faites-le se coucher immédiatement, il faut que je coupe la connexion ! ordonna-t-elle à Naminé. Elle l'observa faire et dès que l'Avatar fut couché, elle se dirigea pour couper la connexion. Une fois cela fait, elle prit soin du pilote, et lorsqu'elle eut terminé, elle courut vers l'infirmerie. Elle arriva en trombe et se dirigea immédiatement vers l'Avatar tandis que Naminé avait commencé à prendre soin de Lorenzo.
L'Avatar n'avait pas de blessures trop importantes, mais Saona ne tarda pas à soigner tout cela. Elle jeta un regard en soin vers Naminé et Lorenzo, et si cette dernière lui tournait le dos, Lorenzo, lui, la regardait. Il avait un petit sourire en coin et s'amusait beaucoup de la situation, probablement conscient que les deux jeunes femmes en pinçaient pour lui.

Tu apprendrais un peu plus si tu venais m'assister sur l'Avatar, Naminé. Lorenzo va bien, du moins il n'a pas besoin d'une neurologue, encore moins apprentie ! lança-t-elle sur un ton plat, sans aucune agressivité, mais sachant pertinemment ce qu'elle venait de dire.

Lorsque Sanoa s'adressa à elle, Naminé se demanda comment Leanne et elle pouvaient être meilleures amies. Les blondes s'entendaient à merveille et étaient même de très bonnes amies, mais malgré son antipathie pour sa patronne, Naminé imaginait que celle-ci avait des qualités... dommage qu'elle les cachait avec son apprentie. La réponse de Saona ne lui plut pas. « J'ai vu, merci »? Devrait-elle se passer du protocole minimum la prochaine fois? Toujours préciser les informations, même que les autres étaient censés savoir pour éviter les malentendus. La blonde ne dit rien mais n'en pensait pas moins – son interlocutrice pareillement sans doute.
Saona coupa la communication et Naminé put enfin plisser le nez – un signe de mécontentement chez elle. Mais elle avait mieux à faire, elle amena rapidement près de sa zone de travail un lit qui pourrait recevoir un de ces êtres bleus. Beaucoup plus grand que les humains, l'infirmerie n'était pas spécifiquement adaptée pour les recevoir, même si cela était possible en cas d'urgence. Naminé se demanda pourquoi le protecteur et l'avatar étaient venus à l'infirmerie alors que le Quatier Sud, celui des avatars, était fait pour eux. Sans doute le Quartier Est était-il plus près.

Le téléphone sonna de nouveau, Naminé se pressa de se rendre en face puis décrocha en effleurant l'écran. Le visage de Saona réapparut à l'écran, lui demandant de la prévenir lorsque les « patients » seraient arrivés. C'est alors qu'ils passèrent le seuil de l'infirmerie. Naminé leur fit un geste pour leur signifier que c'était elle qui les prenait en charge et tous deux vinrent dans sa direction. En entendant la voix de sa responsable, Naminé tourna la tête vers l'écran:
« Faites-le se coucher immédiatement, il faut que je coupe la connexion ! »
« Aussitôt dit, aussitôt fait! » répondit Naminé, en se faisant quelques pas vers les nouveaux venus, un sourire aux lèvres.
« Hep! » dit-elle en faisant un signe à l'avatar dont elle ne connaissait pas le nom « vous devez vous allonger pour que votre connexion puisse être interrompue » dit-elle en s'approchant de son interlocuteur.
La taille des avatars l'impressionnait toujours; ce qu'ils pouvaient être grand! D'un signe de main, elle l'invita à prendre place sur un des rares lits adapté aux avatars. Naminé se pencha au-dessus de ce dernier une fois qu'il fut allongé:
« Je ne peux pas vous soigner moi-même, mais Saona va arriver » dit-elle avec un sourire « tenez-vous tranquille d'ici là! »
Elle vit du coin de l'œil le corps de l'avatar se détendre; il ne devait plus qu'être une coquille vide à présent.

Sans attendre, Naminé mit le matériel nécessaire sur la table près de l'avatar. Elle vérifia une seconde fois: désinfectant, compresses, de quoi faire des points et des bandages si c'était nécessaire... Puis elle se tourna vers Lorenzo. C'est vrai qu'il était charmant, son sourire l'avait fait craqué la première fois qu'elle l'avait vu. La jeune femme reprit un peu son sérieux et lui indiqua de s'asseoir sur l'un des lits. Elle entamait à peine les soins sur le jeune homme quand Saona entra en trombe dans la pièce.
Chacune se préoccupa consciencieusement de son patient. Naminé désinfecta la blessure sur la tête avant de soigner les égratignures sur les bras de Lorenzo. Une fois le saignement du crâne estompé, Naminé vit que la blessure était sans grande importance mais méritée encore quelques soins.

Une fois leur travail en grande partie achevé, Saona lança à la blonde:
« Tu apprendrais un peu plus si tu venais m'assister sur l'Avatar, Naminé. Lorenzo va bien, du moins il n'a pas besoin d'une neurologue, encore moins apprentie ! »
Naminé ne se retourna d'abord pas, cherchant à savoir si le ton neutre de sa responsable caché une quelconque remarque sous-jacentes. Même si une joute verbale aurait pu être drôle en d'autres circonstances et surtout avec une autre personne, Naminé admettait la justesse de ce qu'elle venait d'entendre.
« Je vous ai appelé pour soigner l'avatar, et non Lorenzo. Je suis assez qualifiée pour m'occuper d'un corps humain. » répondit-elle tout d'abord, puis elle se retourna « Mais, vous avez totalement raison » poursuivit-elle avec une évidente bonne foi « c'est vrai que je n'ai pas encore eu le temps et l'occasion de venir travailler au Quartier Sud. Il faut que je vois avec qui de droit pour remanier mon emploi du temps et pouvoir venir travailler avec vous. »
Ça lui avait coûté de l'avouer, mais Naminé avait préféré s'occuper de l'infirmerie en premier – infirmière étant son travail premier, avant même d'être étudiante en neurologie – et avait préféré passé les premiers jours de l'expédition ici pour se familiariser avec la vie à bord de la Tortue avant de se lancer dans ses « grands » projets.

Alors que Naminé songé à peine à la suite des évènements que le téléphone retentit de nouveau. Elle décrocha. On l'informait membre de l'expédition était blessé, on ne put lui dire en quelle mesure, et qu'il se trouvait peu loin de la Tortue, mais dans une partie de la forêt qui requérait la présence d'un protecteur. Naminé ne pouvait y aller sans un médecin puisqu'elle ne savait pas dans quel état était le blessé et en tant qu'infirmière, elle ne pouvait décider de la marche à suivre si il était dans un état grave. Elle se tourna vers Saona, se remettant à son jugement.

La jeune infirmière qu'était Naminé avait cela de chouette qu'elle était très professionnelle. Peut-être bien même, que c'était là ce qui agaçait le plus le médecin. Comment pouvait-elle se décharger sur elle, si celle-ci ne faisait rien qui puisse être sujet à reproche ? Cela agaçait Saona qui n'avait qu'une envie, lui passer un savon bien mérité. Jamais elle ne pourrait remettre en cause les capacités de la jeune blonde qui, il fallait le reconnaître, avait beaucoup de talent et était prometteuse, et jamais elle ne pourrait le réprimander de manière injustifiée. Non, cela ne ressemblait pas au caractère de la jeune Dominicaine. Pourtant ce n'était pas l'envie qui manquait, mais jamais encore l'occasion de la remettre à sa place ne s'était présentée. Il faut dire qu'en dehors des deux années d'entrainement, les deux jeunes femmes ne s'étaient que très peu fréquentées depuis leur arrivée sur Pandora.
Rien que de repenser à la conversation qu'elle avait eue avec sa meilleure amie peu après leur arrivée, où Lee avait délibérément pris la défense de l'infirmière, Saona en avait une boule à l'estomac. Et aujourd'hui, il fallait qu'elle soit confrontée à ses plus sombres pensées : Lorenzo et Naminé, tous deux dans une même pièce, à ses côtés. La situation n'aurait pas pu être pire, pour la jeune femme à la peau mate. Toutefois, elle dut reconnaitre que Naminé faisait son possible pour ne pas mettre en avant leurs différents et pour cela, Saona lui en était reconnaissante.

Ainsi, Saona s'occupa de la déconnexion de l'Avatar dès qu'il fut en place sur le lit que Naminé avait soigneusement préparé à son attention. Elle vérifia que le pilote était en parfaite santé, et lui imposa du repos jusqu'à la fin de la semaine, ce qui mit ce dernier en rogne. Mais ce ne fut rien comparé à la colère qu'il éprouvé – et manifesta – lorsqu'elle lui interdit de venir voir dans quel état était son Avatar. Une fois certaine que le pilote était en dehors de ses pattes, la jeune médecin se précipita vers l'infirmerie où l'Avatar attendait des soins particuliers. Elle arriva en trombe et s'occupa immédiatement du corps sans vie gisant sur la table. Elle avait à peine jeté un oeil à Lorenzo pour ne pas se distraire, mais n'avait pas manqué ce sourire ravageur qu'il affichait avec fierté. Naminé était occupée à soigner ses plaies, et au bout d'un moment, agacée, Saona prit la liberté de faire remarquer à son apprentie que son désir d'apprendre n'était que peu évident. Elle savait qu'elle n'y avait pas été par quatre chemins, mais elle avait au moins tâché de rester correcte dans son ton et ses propos. L'intéressée ne réagit cependant pas de suite. Un silence régna dans la pièce légèrement éclairée, toute la lumière concentrée sur les deux victimes.
L'infirmière finit par rétorquer qu'elle n'avait pas besoin de l'avis de Saona en ce qui concernait l'état de Lorenzo et le médecin lui lança un regard froid. Elle n'avait pas du tout songé cela en lui disant ce qu'elle avait dit, et la remarque de Naminé lui sembla très déplacée. Mais elle préféra ne pas relever, surtout en entendant la suite. Naminé reconnut qu'elle devrait passer plus de temps dans le quartier des Avatars et qu'elle demanderait à qui de droit pour que son emploi du temps soit changé. Saona soupira avant de se remettre à la tâche, tandis qu'elle terminait.

Eh bien viens un peu plus près, tu ne verras et n'apprendras rien de là ! C'est l'occasion !

Les deux jeunes femmes terminèrent le travail sur l'Avatar ensemble, puis Saona se dirigea vers Lorenzo afin de vérifier son état de santé. Il avait reçu un coup sur la tête et il était préférable de faire quelques vérifications. Elle prit une petite lumière qu'elle lança dans chacun de ses yeux afin de constater la dilatation ou la contraction de ses pupilles, puis lui posa différentes questions : maux de tête, nausées, vomissements... Lorenzo, visiblement amusé, lui demanda d'être un peu moins sérieuse, ce à quoi elle répondit par un ton sans équivoque en lui rappelant qu'elle était le médecin et lui le patient et qu'elle faisait son travail.

C'est ce moment que choisit le téléphone pour sonner. Un autre membre de l'expédition était blessé non loin de la Tortue et son état était apparemment suffisamment grave pour requérir la venue d'un médecin et d'une infirmière sur place. Naminé fit part de cette nouvelle à Saona et cette dernière dut prendre une décision. Si elles étaient appelées, c'est que la situation était sérieuse et que le blessé était difficilement transportable. Sans perdre une minute, Saona réunit le matériel nécessaire, les valises de secours étant déjà prêtes, mais la jeune femme préférant prendre toutes les précautions.

Ont-il précisé s'il s'agissait d'un Avatar ou d'un humain ? demanda-t-elle à l'infirmière qui lui indiqua qu'il s'agissait d'un protecteur. Naminé appela un autre protecteur qui pourrait les escorter et dès qu'il fut arrivé, ils partirent tous trois vers l'extérieur de la Tortue, munis de leurs masques. C'était la première sortie de Saona, du moins en dehors de la zone protégée de la Tortue. Cela l'effrayait et la réjouissait en même temps. Quand elle raconterait cela à Leanne !

Pour l'instant néanmoins, la situation requérait toute son attention car la forêt de Pandora n'avait rien de très accueillant. Une faune et une flore plutôt sauvages avaient tendance à rendre les choses difficiles. Très vite, après un court voyage en bateau, ils arrivèrent sur les abords de la terre et marchèrent durant une dizaine de minutes pour rejoindre l'endroit où se trouvait le blessé.
Mais avant même qu'ils n'aient pu atteindre l'endroit exact, un bruit dans les buissons gigantesques se fit entendre. Le protecteur qui les accompagnait leur fit signe de stopper et les deux jeunes femmes s'exécutèrent. Le cœur battant, Saona ne put s'empêcher de regarder partout autour d'elle, inquiète. Soudain, une bête immense point le bout de son nez. Ce n'était certes pas la plus dangereuse, mais elle l'était suffisamment pour qu'il soit nécessaire d'être plus que prudent. La bête ne mit que quelques instants à bondir sur le premier « aliment » qu'elle trouva, le protecteur en question qui était allé plus avant afin de les protéger. Naminé et Saona sursautèrent en même temps, tandis que le protecteur eut, avant d'entamer un combat féroce, la force de crier : « COUREZ ! ».

Naminé savait que l'antipathie qu'elle ressentait envers sa patronne était injustifiée; enfin, juste assez justifiée pour en trouver la raison ridicule. Autant dire qu'il n'y avait pas réelle raison. Se détester uniquement parce qu'elle trouvait le même homme charmant... c'était presque ridicule. Ou ridicule tout court plutôt. Elle ne savait pas ce que Saona ressentait pour Lorenzo, mais il était clair pour Naminé que ça n'irait pas au-delà d'une simple attirance – sans doute non réciproque en plus de ça. Les hostilités étaient simplement dues à deux ou trois regards en coin et Naminé n'avait jamais essayé d'approcher Lorenzo, ce qu'elle ne ferait sans doute jamais, et elle espérait bien que cela se passerait comme ça. Il fallait mettre un terme à ce genre d'enfantillage, d'autant que l'une et l'autre n'étaient plus des adolescentes aux hormones incontrôlables; même si Saona était tout de même plus mature que Naminé.

Il était donc temps de retrouver pour Naminé de retrouver son self-control et de se recentrer sur de vrais préoccupations. La jeune femme glissa ses mains dans les poches de sa blouse. Naminé reconnaissait volontiers qu'elle ne passait pas assez de temps à étudier la neurologie, mais elle savait à quoi s'attendre quand elle avait choisi de se spécialiser alors qu'elle avait déjà un métier à plein temps. Elle n'avait juste pas encore trouver le temps de s'impliquer d'avantage... Ou bien n'avait-elle pas eu l'énergie. L'arrivée sur Pandora avait mis son moral à mal, bien plus qu'elle n'aurai pu s'y attendre. Elle ne comprenait d'ailleurs pas pourquoi elle ressassait des soucis auxquels elle ne pensait plus avant son départ de la Terre. Le regard dans le vague quelques secondes, elle soupira. Ça passerait... elle avait bien surmonté et apprit à vivre avec ses blessures par le passé, et elle le ferait une fois de plus, puisque cela semble nécessaire à nouveau aujourd'hui. Elles espéra que Saona ne prendrait pas son soupir pour elle car il ne lui était pas destiné.

Sa responsable lui fit remarquer que c'était le moment d'apprendre ce qui eut pour effet de ramener la jeune femme sur terre. Elle sortit brusquement les mains de ses poches, l'air un peu perdu:
« Euh... oui, j'arrive. »
Naminé regarda attentivement Saona s'activait et lui portait son aide lorsqu'elle lui demandait et lui donnait simplement le matériel dont la neurologue avait besoin. Les blessures n'étaient pas assez sérieuse pour que quatre mains soient nécessaires. Une fois les soins terminés, Saona alla examiner Lorenzo et Naminé fit le tri parmi le matériel qu'elles venaient d'utiliser. Les sourcils froncés, elle était toujours préoccupée par les mêmes petites choses qui la tracassait tous les jours ici. C'est à ce moment-ci que le téléphone se mit à sonner; la jeune femme se tourna vers l'appareil et effleura du bout du doigt l'écran. La communication se fit.

Le coup de fils qu'elle venait de recevoir était succinct. Vraiment très succinct. Aucune information concrète et qui leur auraient été nécessaire: était-ce un homme, une femme? Quel était son âge, l'état de ses blessures, par quoi elles avaient été causées. Il ne fallait pas demander aux protecteurs de penser à ce genre de détails... Autant laisser les infirmières et les médecins se débrouiller! Naminé s'était tournée vers Saona, lui demandant quoi faire. Le peu d'informations qu'on lui avait donné l'avait contrariée. Elle n'étais pas incompétente, elle avait malheureusement pris l'habitude d'en demander autant aux autres depuis le début de l'entraînement de Guyane. Les membres de l'expédition devaient être efficace, quoi qu'il arrive, sinon les choses étaient condamnées à marcher à l'envers.
Saona lui demanda des informations sur le blessé. C'était un protecteur, ce qui rendait déjà les choses beaucoup facile que ça l'aurait été avec un Avatar. Comment déplacer un corps grand de trois mètres?
« Malheureusement, je n'ai pas appris grand chose d'autre, hormis sa position. J'appelle quelqu'un pour nous escorter. »

Tant dis que les deux jeunes femmes attendaient le protecteur qui les accompagneraient, Naminé ôta rapidement sa blouse et mit une paire de bottes, plus adaptée que des chaussures fines à la marche en forêt. Elle eut juste le temps d'enfiler une veste, de mettre sur son dos un sac contenant du matériel médical et de signifier son absence à l'infirmerie avant que le protecteur arrive. Tous trois filèrent vers l'extérieur de la Tortue munis de leur masque. C'était la première fois que Naminé traversait le lac sur lequel reposait la Tortue. La vue était magnifique et elle aurait aimé sortir pour une raison plus agréable. Une fois arrivée sur la rive, ils débarquèrent et marchèrent à travers la forêt. Ils n'étaient plus loin de leur destination lorsqu'un bruit retentit non loin d'eux, parmi les innombrables arbres. Saona et Naminé sursautèrent quand l'animal fit son apparition et sauta presque immédiatement sur leur protecteur qui leur cria de courir.

Naminé entama un demi-tour et regarda Saona dans les yeux, pour savoir si elle était en état de fuir. Elle ne doutait pas du courage de sa responsable, mais prudence est mère de sureté et la jeune blonde préférait s'assurer que Saona fuirait avec elle. Les deux jeunes femmes s'élancèrent parmi les arbres. Leur course était plus que sportive et Naminé était contente d'avoir tenue à garder sa forme et acquérir de l'endurance durant toutes ces années. Leur fuite ressemblait presque à une course de fond et du saut en hauteur. Avec un peu d'escalade en prime. La neurologue se tenait à sa hauteur sans problème et Naminé accéléra encore un peu plus l'allure. Au bout de plusieurs minutes, Naminé se hissa d'un saut et d'un coup de poignet sur les hautes racines d'un arbre. Elles s'étaient assez éloignées, il était sans doute inutile de se perdre encore un peu plus. La jeune femme s'assit sans ménagement contre le tronc, à bout de souffle. Elle réussit néanmoins à dire à peu près la seule chose qui résumait leur situation:
« Quelle merde! »

Le coup de fil que les jeunes femmes venaient de recevoir annonçait un autre blessé, mais dans la forêt cette fois. Apparemment, ses blessures étaient trop importantes pour qu'il soit emmené jusqu'à l'infirmerie. Cela n'enchantait personne, mais Saona et Naminé n'avaient pas de temps à perdre, il fallait se rendre sur les lieux pour apporter les soins nécessaires au blessé avant de le ramener à la base. Au moins, il s'agissait d'un protecteur, comme Naminé le signala à Saona lorsque celle-ci lui demanda si elle avait des informations. Malheureusement, c'était tout ce qu'elles possédaient, et elles devraient faire avec.

Naminé prit la liberté d'appeler un protecteur, ce à quoi Saona avait également pensé. Lorenzo était surement doué en temps normal, mais aujourd'hui il était hors service. De toute façon, il était hors de question qu'il accompagne les deux jeunes femmes alors qu'elles se détestaient précisément parce qu'elles avaient toutes deux une touche sur lui. Cela aurait vite tourné à l'enfer et au règlement de compte, et cet idiot était capable de trouver ça marrant et d'en rajouter !
Saona observa son apprentie enfiler des bottes tandis qu'elle rassemblait du matériel médical. Saona prit la même initiative, et une fois qu'elles furent habillées et prêtes, le protecteur arriva. Ils se rendirent dans les sas destinés à s'armer de masques avant de sortir, en enfilèrent tous trois un, et sortirent enfin. Ils empruntèrent une barque pour s'éloigner de la tortue, logée sur un lac, et rejoignirent enfin la terre ferme. Saona était aussi émerveillée que sa collègue. C'était la première fois qu'elle s'aventurait en dehors de la zone protégée aux alentours de la tortue, et tandis qu'ils marchaient ensemble, le protecteur en avant, elle levait la tête de tous les côtés pour observer ce qui l'entourait. Des plantes de toutes sortes et de toutes tailles, n'ayant rien de comparable avec ce qu'elle avait admiré dans la serre, avec Leanne, surgissaient de partout.

Des bruits d'animaux, d'oiseaux, se faisaient entendre. Leurs pas étaient d'un bruit sourd sur la nature qui les accueillait. Le moindre danger pouvait survenir de toute part et il était difficile pour le protecteur de regarder de tous les côtés. Saona réalisa qu'elles auraient mieux fait d'en appeler plusieurs, mais il était trop tard. Elles n'étaient pas réellement formées à se défendre et si quelque chose arrivait, elles devraient se débrouiller avec un seul homme pour les protéger. Ou se débrouiller elles-mêmes.
Toutefois, pendant leur longue marche, tout était calme. Les animaux faisaient leur vie sans trop se soucier de leur passage. Ils étaient presque arrivés à l'endroit prévu, où le protecteur blessé devait se trouver, quand un bruit sourd se fit entendre en face d'eux. Tous trois se stoppèrent, tétanisés. Le protecteur leur avait fait un geste pour les stopper. L'animal, immense, surgit des buissons devant eux. Il ne fallut que quelques secondes avant qu'il ne bondisse sur le protecteur, en avant-plan. Ce dernier cria, et même si ce qu'il avait dit était incompréhensible, les deux jeunes femmes n'attendirent pas plus longtemps.

Naminé se tourna brusquement vers Saona pour s'assurer qu'elles allaient faire la même chose. Elles s'élancèrent ensemble à l'opposé de la scène de combat entre le protecteur et l'animal. Elles coururent de toutes leurs forces, le plus vite possible, sans jamais s'arrêter, sans jamais se retourner. La verdure défilait à leurs côtés, elles devaient réagir vite pour éviter les obstacles au sol, ou grimper sur des objets trop grands. Elles étaient à bout de souffle, mais elles n'y prêtaient pas attention. Il fallait courir. Le plus loin possible.
Ce n'est que plusieurs minutes plus tard qu'elles finirent par s'arrêter, jugeant qu'elles étaient suffisamment loin du danger pour s'octroyer une pause. A vrai dire, la pause allait être longue : elles n'avaient désormais plus aucune idée de l'endroit où elles étaient, et pour cause... le gps dont Saona s'était munie était tombé pendant sa course. Elle ne s'en aperçut pas tout de suite, cependant.
Naminé, essoufflée tout comme sa supérieur, s'appuya à un tronc, et jura, résumant bien la situation. Saona s'appuya à son tour, puis se remit à marcher, tournant en rond, pour reprendre son souffle. Lorsqu'elle fut un peu plus en état de parler, elle s'arrêta.

J'ai pris un gps avant de partir, il suffit de retourner à la tortue, je pense que c'est le plus pratique, si on les cherche, on ne les retrouvera jamais ! dit-elle en fouillant dans ses poches. Elle s'aperçut alors qu'elle ne l'avait plus. Merde ! Je l'ai perdu ! jura-t-elle en retournant sur ses pas pour voir s'il ne venait pas de tomber. Mais rien à l'horizon.
Qui plus est, elle culpabilisait d'avoir laissé le protecteur seul, à la merci de l'animal.

Super ! On est coincées ici... ! Si on bouge, ils ne nous trouveront jamais ! Et si on ne bouge pas, ce sont ces fichues bestioles qui nous trouveront ! Il ne manque plus que Lorenzo et ce serait la cerise sur le gâteau ! lança-t-elle sur un ton qui ne cachait rien de son agacement d'être coincée ici avec la personne qu'elle appréciait le moins.

Tu n'es pas blessée, au moins ? demanda-t-elle avec automatisme.

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