« Never trust them again » feat. Sorya'ii

« Never trust them again » feat. Sorya'ii Krisht10

© Didoum & Sakura

Never trust them again
feat. Sorya'ii & Kri'shtar

Il était encore très tôt sur la lune Pandora, la nuit était tombée et la rosée s'était ensuite installée, au petit matin, laissant derrière elle des rayons reflétant leur clarté dans les gouttes qui s'accrochaient à la nature. Les couleurs de la forêt pandorienne, d'ordinaire déjà remarquables, étaient ce jour-là des plus magnifiques. Le bleu de la nature se mêlait à l'orange du soleil qui se levait. Les ombres donnaient vie aux couleurs et les changeaient au gré du vent qui soufflait en une brise légère mais rafraîchissante. De grands corps bleus semblaient voler au travers des arbres et des rires se faisaient entendre. En dehors de ces derniers, le silence régnait. Toutefois, il fut brisé par des éclats de voix, qui cependant ne dénotaient pas avec l'ambiance environnante.

- Non, pas par là Kri'shtar ! cria l'un des Na'vis
- Comme si tu savais mieux que moi où nous devons aller ! répondit ce dernier.

Le premier fit une grimace et abdiqua devant son chef. Les autres suivirent Kri'shtar et la petite troupe d'environ cinq Na'vis poursuivit sa route. Ce n'est que lorsque que Kri'shtar fit un signe que tous se turent. Ils se firent plus lents et plus discrets – bien qu'ils se soient parfaitement fondus dans la nature jusque là – et avancèrent doucement. Ils cherchaient manifestement quelque chose. Pourtant, rien à l'horizon ne se profilait. La nature était calme et paisible.
Soudain, Kri'shtar fit un autre signe et tous furent aux aguets. Des voix, étrangères à celles qu'on avait pu entendre jusque là, retentirent. Moins discrètes, plus rudes, elles semblaient être porteuses d'un tout autre objectif. La discrétion et la communion avec la nature qui les entourait n'en faisait pas partie. Une des voix, grosse et rude, semblait commander les autres. Elle était plus forte, et masculine.
Les Na'vis étaient sur leurs gardes. Ils avançaient lentement et sans se faire repérer.

Doucement, le chef des chasseurs descendit un peu plus bas dans les arbres, suivi de près par son plus fidèle acolyte. Les hommes qu'ils voyaient se préparaient à une attaque quelconque, armés jusqu'aux dents. Kri'shtar était sûr qu'ils allaient encore tout détruire sur leur passage et cela le mit en colère.
Prudemment, les deux Na'vis descendirent un peu plus. Mais un évènement inattendu se produisit. Un animal errait autour d'eux et finit par s'approcher, faisant du bruit que les mercenaires entendirent parfaitement. De plus, l'animal tentait d'attaquer l'un des Na'vis, qui dût se défendre coûte que coûte, et le bruit en fut accentué. La discrétion n'était plus de mise.
Kri'shtar eut à peine le temps de se retourner vers son ami pour lui dire de remonter qu'une balle fusa. Elle s'arrêta dans la chair bleue de l'ami de Kri'shtar et le blessa au niveau de l'abdomen. Il dégringola et le chef des guerriers se rua pour le rattraper et le mettre en sécurité. Tout se passa très vite, face aux mouvements, les mercenaires continuèrent à tirer et les Na'vis durent rebrousser chemin rapidement.
Quelques minutes plus tard, ils se trouvaient loin de l'incident. L'ami de Kri'shtar était couché au sol, les autres autour de lui. Ils devaient s'organiser afin de le ramener à l'arbre maison les plus rapidement possible, il devait être soigné de toute urgence.
En tant que chef, Kri'shtar lança ses ordres sans ménagement. En quelques minutes, ils étaient parvenus à construire une sorte de civière de secours qui leur permettrait de transporter le blessé le plus vite et de la manière la plus saine possible. Il ne devait pas bouger de trop sous peine de perdre trop de sang.

Ils le posèrent dessus et deux des chasseurs le portèrent, tandis que le troisième pressait la plaie pour arrêter l'hémorragie. Quant à Kri'shtar, il jouait l'éclaireur et le protecteur. Il ouvrait la voie, l'œil partout, son arc tendu, prêt à tirer sur le premier mouvement hostile qui entrerait dans son champ de vision ou le moindre bruit qui attirerait son attention. Ils marchèrent ainsi pendant près de vingt minutes quand enfin, ils atteignirent l'arbre maison. Soulagé, Kri'shtar les emmena jusqu'à leurs soigneurs afin de prendre soin du blessé.
Il attendit que son ami soit pris en charge, et s'assura qu'il s'en sortirait. Mais il était en colère. Vraiment en colère. Ces hommes avaient encore frappés comme des sauvages, sans aucun respect pour la nature qui les entourait ni même sans aucune raison valable. Pourquoi avaient-ils tirés alors même qu'ils ne savaient sur quoi ils faisaient feu ? Kri'shtar balaya l'air de sa main. Il était inutile d'essayer de les comprendre. Ils étaient idiots, stupides, égoïstes et irréfléchis. Comment pourrait-il y avoir le moindre bon sens chez eux avec un état d'esprit pareil ?

Le chef des chasseurs était réputé pour son sang-froid et son imperturbabilité. Il ne se mettait pas souvent en colère, il lui en fallait généralement beaucoup pour atteindre les limites de sa patience et de sa nervosité. Mais lorsqu'il s'agissait des humains, lorsque l'on touchait à l'un des siens sans raison, et de manière lâche, la colère prenait le dessus à une vitesse phénoménale.
Il se contrôlait à peine, marchant de long en large en attendant des nouvelles de son ami. Il ne laisserait pas passer cela. Tolérance ? Il n'en avait plus aucune à leur encontre, eux-mêmes n'en avaient jamais eu à leur égard. Patience, observation ? Tout cela n'était que balivernes, sa sœur avait réussi à le berner, mais cette fois c'en était trop. Il fallait qu'il la voit, qu'il lui explique ce qui s'était passé et qu'il la ramène à la raison. Elle était la seule à pouvoir influencer le chef des Omaticayas, et Kri'shtar souhaitait qu'ils agissent contre ces humains. Seul le chef du clan pouvait en décider ainsi et il prenait le plus souvent conseil auprès de son épouse, la sœur de Kri'shtar, la Tsahik.
Quand l'un des soigneurs arriva pour annoncer que son ami s'en sortirait bien, Kri'shtar quitta les lieux rapidement pour rejoindre sa sœur. Il savait où il la trouverait. Elle était toujours en train de prier Eywa. L'Arbre des Âmes devait encore une fois héberger sa sœur, à coup sûr. Il courut au travers de la forêt, parcourut les arbres, et finit par atteindre cet endroit sacré après plusieurs minutes de course rapide. Il avait besoin d'évacuer sa colère.

Arrivant au pied de l'arbre, il vit sa sœur en train de prier Eywa. Il s'approcha doucement et quand il fut à sa hauteur, il posa sa grande main aux quatre doigts sur l'épaule de celle qui avait partagé son enfance. Quand elle se retourna, il lui fit un signe entendut et ne prit la parole que lorsqu'ils se furent quelque peu éloignés de l'Arbre Sacré. Il ne pouvait déployer sa colère là.
Ils s'arrêtèrent un peu plus loin, Sorya'ii s'asseyant sur une pierre tandis que Kri'shtar faisait les cents pas.

Ils ont frappé ! Un Na'vi a été touché cette fois Sorya'ii ! Ça ne peut plus durer comme ça ! Je ne leur fais pas confiance, et celle que tu leur accordes est faussée ! Ils nous ont tirés dessus comme si nous n'étions que du bétail, ils n'ont même pas pris la peine de regarder sur quoi ils tiraient ! Nous n'allons pas nous laisser attaquer une fois de plus ! Je ne resterai pas les humains stupides venir à nous et nous détruire une nouvelle fois ! Tu dois convaincre ton époux de nous défendre... maintenant ! cria-t-il, sur un ton qui avait plus de l'ordre que de la discussion.

La bioluminescence de la nuit achevait son extinction lorsque Sorya'ii ouvrit les yeux. Ce ne fut pourtant pas la lumière qui réveilla la jeune femme, mais les rires de deux enfants qui chahutaient non loin de sa couche. Relevant légèrement la tête pour les distinguer, la Tsahik reconnut sa propre fille Nouïra et un ami à elle. Lorsque ses sens furent remis en ordre, Sorya'ii sauta sur la branche qui se trouvait quelques mètres plus haut d'un geste vif et afficha une mine désoeuvrée. Comment avait-elle pu dormir aussi longtemps ? Tous les matins, elle se levait avec son compagnon, et se préparait alors qu'il allait doucement secouer Nouïra. Et là... Alak'tul brillait par son absence, alors que Nouïra semblait bien trop en forme pour n'être debout que depuis dix minutes. La Tsahik grimpa un peu plus haut et observa le magnifique ciel bleu. Selon la position des astres, elle ne devait pas être trop en retard. Toutefois, elle ne put s'empêcher de s'en sentir vexée. C'était la première fois que ce genre de choses lui arrivait depuis des années.

Tout en traversant le Kelutral afin de rejoindre le sol, Sorya'ii imagina la raison de cette fatigue intense. Elle n'eut pas à chercher très loin avant de trouver les coupables : les humains. Ces marcheurs de rêve qui avaient fait de nouveau irruption dans leur existence pourtant tranquille, un peu plus tôt. Si Sorya'ii était encore la moins virulente envers eux, il n'en restait pas moins que la situation l'inquiétait. Les « mercenaires » comme les appelaient le groupe de RavenGalloway - comme l'avaient appris les Omaticayas chargés de les surveiller - lui posait plus de souci que n'importe quoi d'autre jusque-là. La maladie de sa fille mis à part, bien évidemment. En effet, Sorya'ii craignait qu'une Guerre soit inévitable. Si ces Hommes étaient sur Pandora dans le but de récupérer la pierre qu'ils convoitaient depuis leur première visite, alors les Na'Vis étaient perdus. Ils ne survivraient pas à une seconde attaque. La Tsahik le savait. Et c'était exactement ce qui l'empêchait de dormir correctement.

Sory'aii avait besoin de l'aide d'Eywa. Après avoir cherché son compagnon pour le saluer et échanger quelques mots avec lui, elle passa quelques minutes en compagnie de Nouïra et l'emmena vers sa meilleure amie. Cette dernière était d'ores et déjà en train de chauffer sa voix tout en cuisinant le prochain repas des Omaticayas. La Tsahik lui demanda si elle pouvait garder sa fille quelques heures, et elle accepta bien évidemment. Trop heureuse d'avoir l'occasion de « faire à manger », la jeune Na'Vi ne broncha pas et mit aussitôt la main à la pâte sous le regard bienveillant de sa nounou. Normalement, le premier choix de Sorya'ii pour garder un oeil sur son enfant était son frère ; mais étant le chef des chasseurs, Kri'shtar n'était pas disponible à chaque fois. Comme la jeune femme ne l'avait pas trouvé ce matin, elle avait finalement opté pour la meilleure chanteuse du clan. Qui, soit dit en passant, s'entendait aussi très bien avec Nouïra. Sorya'ii ne faisait pas aveuglément confiance à beaucoup de proches, mais sa meilleure amie en faisait partie. De fait, quand la Tsahik quittait le Kelutral, elle ne s'en faisait pas le moins du monde pour sa fille, qu'elle savait en sécurité.

Ses pieds nus foulèrent l'herbe une poignée de minutes, alors qu'elle se dirigeait vers son Pa'li. Lorsqu'il la vit arriver, il releva la tête et vint dans sa direction. Une poignée de secondes suffit à Sorya'ii pour faire tsahaylu et grimper sur le dos de sa monture. Alors que celle-ci se lançait au galop, la Tsahik se laissa envahir par les émotions de son animal et évacua tout ce qui la préoccupait le temps du voyage. Toutefois elle n'avait pas oublié sa destination ni la raison de sa venue, et ordonna à Tsawke de revenir au pas alors qu'ils approchaient de l'Arbre des Ames. D'une beauté à couper le souffle, il imposait le silence et le respect. Sorya'ii descendit de son Pa'li et lui ordonna doucement, accompagnant ses mots d'une caresse, d'aller gambader un peu plus loin. Elle le lui répétait à chaque fois, même si depuis le temps, il n'avait sans doute plus besoin de l'entendre. Cela faisait partie des petites habitudes semblant insignifiantes auxquelles Sorya'ii tenait beaucoup.

La Tsahik se dirigea vers le pied de l'Arbre et s'y agenouilla. Puis, elle fit le lien et ferma les yeux lorsqu'une foule d'émotions s'empara de son esprit. En silence, elle se mit à prier Eywa. D'ordinaire, Sorya'ii ne priait que pour le bien-être de son peuple et surtout, le rétablissement de sa fille. Atteinte d'une maladie venant de son arrière-arrière grand-père maternel, Nouïra ne voyait presque plus rien. Elle distinguait quelques formes mais rien de plus. Et si l'enfant faisait preuve de courage face à sa condition, Sorya'ii ne pouvait pas en dire autant. Elle souffrait de voir que sa fille était différente à cause d'elle, que sa vue déficiente l'empêcherait de s'épanouir pleinement. Eywa devait y remédier, à tout prix, et la Tsahik était prête à prier sans cesse jusqu'à ce qu'Elle exauce son souhait.

Oui, d'ordinaire, Sorya'ii ne demandait rien de plus. Mais aujourd'hui, elle avait une autre requête : elle sentait la Guerre approcher et avait besoin du réconfort d'Eywa. De son soutien inconditionnel. Auparavant, l'on disait qu'Eywa veillait à l'équilibre naturel des choses, sous-entendant qu'elle ne prenait pas forcément parti pour les Na'Vis si un combat s'engageait. Pourtant, au temps de JakeSully et de la première Guerre, elle avait fait un choix et sans elle, ils auraient perdu la bataille. La Tsahik ne souhaitait pas que tout recommence, mais si cela devait être le cas, elle voulait s'assurer qu'Eywa participerait à nouveau. Car sans son aide, ils n'auraient malheureusement aucune chance.

Lorsque la jeune femme sentit une main sur son épaule, elle ne sursauta pas, et esquissa un sourire en reconnaissant son frère. Lui, par contre, ne semblait pas être d'excellente humeur et l'inquiétude s'empara à nouveau d'elle. Faisant un signe de tête, Sorya'ii prit le soin de terminer sa prière avant de s'éloigner de l'Arbre des Ames. Rejoignant Kri'shtar qui se trouvait à une distance raisonnable, elle s'assit sur une pierre et attendit qu'il parle. C'était lui qui était venu la trouver, c'était donc à lui de s'exprimer en premier.

Il lui expliqua alors, avec force gestes et une voix extrêmement forte, que l'un des leurs avait été touché par un humain. Il reprocha ensuite à Sorya'ii de leur faire confiance et assura qu'il ne se laisserait pas faire. Enfin, il ajouta que la jeune femme devait immédiatement parler à son compagnon pour le faire changer d'avis : ils devaient se préparer à la Guerre et tout de suite. Etant la Tsahik, Sorya'ii n'avait pas l'habitude de recevoir des ordres, même si l'Olo'eyktan était aussi son chef. Ainsi, elle referma son expression et son ton se fit doux et sec à la fois lorsqu'elle parla enfin.

« Ca suffit, frère. Raconte-moi plutôt ce qui s'est passé. Qui a été touché et comment va-t-il ? » Elle le savait impulsif et ne suggérerait pas une offensive à Alak'tul si cette dernière n'avait pas lieu d'être. Avant de prendre une décision, elle devait savoir ce que Kri'shtar avait vraiment vu. Plissant les yeux, elle pensa soudain à quelque chose et ajouta une question. « Où vous trouviez-vous quand c'est arrivé ? » Puis, elle se tut enfin et laissa son petit frère déverser sa frustration.