Let's go playing - [PV Lucas Miller]

Le repas de midi venait de se terminer et Juliet avait le droit à un moment de pause. Elle détestait ces temps ou elle ne savait pas trop quoi faire. L’inaction l’ennuyait fermement ; elle avait besoin de bouger, de faire quelque chose. Depuis qu’ils étaient arrivés sur Pandora, il y avait quelques jours, la jeune femme n’avait quasiment pas mit les pieds dehors et elle avait bien du mal à supporter cette situation. Alors comme à chaque fois qu’elle sentait un moment de blues arrivé, elle cherchait à s’occuper – en général c’était d’une façon plutôt stupide. Vu que quitter la base lui était interdit, elle arpenta les couloirs de la Tortue jusqu’à la salle commune à la recherche de son occupation favorite des derniers jours.

La salle était quasiment vide. Un gradé occupé le coin lecture, affalé sur un des pouffes, il avait une position un peu bizarre. Lorsque Juliet passa à côté de lui, il renifla. L’espace le plus prisé était le bar bien sûr. L’alcool était prohibé, mais ça n’empêchait pas d’y retrouver toujours les mêmes piliers. Comme elle, les autres membres de l’équipage s’occupaient de la façon dont ils pouvaient. Certains riaient très fort aux blagues grivoises de l’un d’entre eux et jetaient des coups d’œil malsain à une jolie brune installée à quelques mètres d’eux qui feignait de les ignorer. Décidemment sur Terre ou sur une autre planète, les mecs se comportaient comme … des mecs. Elle fut contente de voir que celui qu’elle cherchait n’était pas parmi eux.

Juliet se dirigea vers le fond de la salle, dans le quartier des jeux-vidéos. Elle aimait bien cet espace, et affectionnait particulièrement les jeux de guerre – elle ne pouvait pas se bagarrer dehors pour le moment alors le faisait en simulation ce qui en général la détendait. Aujourd’hui pourtant, elle n’était pas là pour jouer avec des manettes, ce qu’elle voulait c’était Lucas Miller. Et pour son plus grand bonheur, il était là, assis sur un sofa, une manette dans les mains. Il ne l’avait pas vu arriver et était très craquant concentré ainsi sur son jeu. Il était seul dans l’espace des jeux-vidéos, elle le regarda quelques secondes avant de s’avancer vers lui.

Juliet avait connu Lucas dans un bar pendant une de leurs permissions. Dans un premier temps, seul son physique l’avait intéressé, après tout, elle ne voulait que passer une soirée amusante avec lui à ce moment là. La petite blonde n’avait donc pas hésité à lui offrir des verres et à flirter avec lui. Une situation assez drôle quand on y pense, en général ce sont les mecs qui font le premier pas ; cependant, Juliet sait ce qu’elle veut et fait tout pour l’obtenir, elle n’ait pas du genre à attendre que ça lui tombe dans la main. Elle avait passé une soirée très divertissante, délirante et passionnée. Les deux jeunes membres de l’expédition s’étaient vus à plusieurs reprises ensuite ; elle adorait jouer avec le feu et Lucas était un très bon partenaire.

La blonde se plaça derrière le canapé. Un autre membre de l’équipe était installé à côté de Lucas, ils jouaient ensemble. Juliet sourit, elle aimait dépasser les limites, mettre un peu de piment ; le fait qu’un autre soit présent ne l’empêcherait pas d’aguicher Lucas sous son nez tout en restant discrète, elle ne tenait pas à ce que leur « relation » soit révélée au grand jour. Doucement elle plaça une main au creux du cou et de l’épaule de son amant, lui révélant ainsi sa présence. Les deux garçons étaient trop absorbés par leur jeu et Juliet savait jouer de sa discrétion, une qualité professionnelle indispensable pour son rôle au sein de Pandora.

Elle finit par se dévoiler au compagnon de Lucas tandis que sa main glisser sur la mâchoire de son partenaire de jeu en murmurant :

- Alors les garçons qui gagnent ?

Un jour de repos, enfin ! Certes, on ne pouvait pas dire que Lucas était le genre de personne à se tuer à la tâche. Mais peu importe, les gens n'étaient pas censés le savoir, ça, pas vrai ? Tout ce qui comptait, c'était le nombre de jours de travail qu'il venait d'enchainer, et il avait donc bien droit, aux yeux de tous – excepté peut-être de son supérieur, Ethan Freeman – à une journée de repos bien mérité ! Il s'était levé tard, très tard, aux alentours de midi, en fait... il n'y a pas si longtemps finalement, et il était allé à la cantine, là où tout le monde prenait son déjeuner, tandis que lui s'était contenté d'une petite portion de ce qui pouvait faire le mieux office de petit-déjeuner. Après ça ? Il était allé directement dans la salle commune, et s'était affalé dans le canapé. Il avait saisi une manette de jeu, et s'était lancé dans un jeu de guerre passionnant qui demandait beaucoup de concentration. Ce jeu était addictif, la plupart des fans de jeux vidéo s'accordaient sur ce point : l'envie d'aller toujours plus loin était très puissante et une fois commencé, il était très difficile de s'arrêter !

Ainsi, Lucas avait entamé une partie en solo, avant que l'un des mecs qui se trouvaient au bar ne le rejoigne. Ils ne se connaissaient pas forcément – Lucas ayant très peu d'amis... non en fait, pas du tout – mais le gars lui avait proposé un jeu en équipe. En effet, il était possible de composer une équipe et de jouer en multijoueurs. Dans l'intérêt du jeu, Lucas accepta. C'était tout de même plus palpitant que l'un des membres de son équipe soit un joueur réel. Les deux jeunes gens se mirent donc à jouer ensemble, et ce n'est qu'au bout d'une heure de jeu, déjà, que Juliet fit irruption dans la pièce. Lucas et son coéquipier ne l'avaient pas entendue, trop concentrés sur leur jeu, et ne l'avaient pas vue non plus.
Lorsqu'elle glissa sa main au creux du cou et de l'épaule de Lucas, ce dernier sursauta donc, et sut tout de suite de qui il s'agissait. Elle était la seule à agir de cette façon, et la seule à y être autorisée, également. S'il ne s'empêchait pas d'avoir d'autres aventures à côté, elle était la seule régulière dans l'histoire. Les autres filles, généralement, il les évitait après-coup. Mais Juliet, c'était différent.

Ils s'étaient en effet rencontrés dans un bar au cours d'une de leurs sorties et elle avait tout de suite tenté de le séduire. Il avait un peu bu, et puis il n'était qu'un homme, un homme en formation depuis déjà un moment et qui n'avait plus eu personne depuis une période de temps peu avouable. Bref, il ne l'avait pas repoussée, bien au contraire – bien qu'il n'ait jamais été vers elle de manière directe. Ça avait été rapide, avant qu'ils ne finissent dans le même lit. Et Lucas devait l'avouer : elle était douée. Cependant, par dessus tout, c'était surtout son caractère qui lui avait permis de faire partie des « relations » de Lucas. Avec elle, il était certain qu'aucun sentiment n'interviendrait jamais. Elle ne le jugeait pas, ne voulait pas spécialement le connaitre – alors que les autres filles ne cessaient de vouloir tout savoir de sa vie, ce qu'il détestait par dessus tout – et était aussi détachée que lui. Elle était certes un peu possessive, ce qu'il n'avait réalisé que plus tard, mais à part cela, elle était ce qu'il lui fallait. Il ne voulait donc pas la laisser partir, puisqu'elle voulait la même chose que lui.
C'est ainsi qu'ils avaient commencés à se voir plus régulièrement, toujours de manière « secrète », ne souhaitant pas spécialement dévoiler leur relation, bien que certaines personnes furent finalement au courant malgré tout. Lana, entre autres. D'ailleurs, Juliet n'appréciait pas spécialement toute cette histoire entre Lucas et la jolie brune. Elle n'aimait pas prêter ses jouets. Elle aurait dû savoir qu'il ne s'était jamais rien passé entre ces deux-là, mais malgré tout, elle n'appréciait pas l'écologiste. Une chose que Lucas n'aimait pas beaucoup, d'ailleurs. Il n'appartenait à personne, ni à Juliet, ni à personne d'autre. Si elle commençait à aller trop loin, il devrait un jour remettre les pendules à l'heure.

Lorsqu'il sursauta, donc, au contact de la main de la jeune femme, il fit un faux mouvement, et son personnage dans le jeu fut blessé. Son compagnon de jeu grommela, lui demandant ce qu'il venait de foutre et Lucas bredouilla qu'il avait cru voir un ennemi. L'autre ricana, se moquant de la frayeur de Lucas, et ce dernier ne répondit même pas. Il n'aimait pas que Juliet joue avec le feu de cette façon. Pas plus qu'elle, il ne souhaitait que cette histoire entre eux ne soit connue. Non qu'il ait honte, ou peur, mais il ne voulait juste pas créer d'histoire avec les autres partenaires de la jeune femme. Il savait qu'elle ne se privait pas forcément, et il n'avait aucune envie d'être mêlé à une histoire de jalousie quelconque ! Il se fichait pas mal de la vie extérieure de Juliet et n'avait pas la nécessité d'en faire partie. Donc, leurs ébats n'avaient pas besoin d'être étalés au grand jour. Pourtant, elle ne cessait de faire tout pour que cela soit dévoilé.

D'ailleurs, sa main glissa sur la mâchoire du jeune homme, et elle finit par se montrer à l'autre mec. Elle demanda qui gagnait, et ils lui lancèrent tous deux un regard noir. L'un parce que son cinéma l'agaçait, l'autre parce qu'il la prenait pour une idiote, étant donné qu'ils faisaient équipe. Lucas repoussa sans ménagement la main de Juliet, et se leva, jetant la manette tandis que son personnage se mourait au sol. Il regarda la jeune femme un instant, puis fixa l'autre.

Bon, j'y vais, des trucs à faire ! A plus !

Sans un mot de plus, il quitta la pièce et emmena sans ménagement la jolie blonde sur son passage, discrètement. Il l'avait saisie par le bras et ne la lâcha que lorsqu'ils eurent atteint les couloirs, vides. Il la poussa contre le mur et ne lui laissa que peu d'espace, aimant jouer lui aussi, mais généralement selon ses propres règles.

C'était quoi ça ? Si tu veux tout dire, sois claire à ce sujet ! Qu'est-ce que tu veux ? demanda-t-il en jouant le mec en colère et innocent. Toutefois, son corps était collé au sien, et son visage tout proche de celui de la jeune blonde. Les sourcils froncés, il ne pouvait dire être indifférent à ce corps contre le sien. Mais il ne ferait pas le premier pas. Il ne le faisait que rarement. Ce n'était pas dans sa nature, et elle aimait tellement être la meneuse... en apparence du moins.

- C'était quoi ça ? Si tu veux tout dire, sois claire à ce sujet ! Qu'est-ce que tu veux ?

- Je m’ennuyais, j’avais envie d’un peu de compagnie.

- Tu m’en veux Lucas ?

Ce serait si grave si on dévoilait au monde ce qu’on faisait ?

Après tout ce temps passé ensemble, j’ai des sentiments pour toi Lucas. Je n’avais encore jamais osé me déclarer jusque là, mais je tiens tellement à toi …

Tout à fait le genre de mièvrerie que ta copine pourrait dire non ?

La jeune femme se massait le poignet, celui que Lucas avait maintenu de manière peu amicale quelques instants plus tôt. Il lui avait certainement fait un peu mal, mais honnêtement, il s'en fichait pas mal. Il aimait bien Juliet, il aimait bien passer du temps avec elle, de manière égoïste bien sûr, mais rien ne l'agaçait plus que lorsqu'elle jouait avec le feu et n'était pas claire sur ses intentions. Si elle voulait tout dire, soit, mais qu'elle l'en informe au préalable, alors ! Il ne voulait pas que Lana l'apprenne de cette façon. Il savait parfaitement que son amie était plus ou moins au courant de ce qui se tramait entre eux, mais rien n'avait jamais été dit officiellement, et si cela devait être fait, il voulait le faire lui-même. Il savait aussi que Juliet n'aimait pas Lana, pour la simple raison qu'elle était trop proche du jouet de la jolie blonde, à savoir Lucas. Et il avait conscience que Juliet adorerait être à l'origine d'une grande déception de Lana si elle apprenait que Lucas et elle se fréquentaient de manière secrète. Bref, rien dans ce qui venait de se passer ne plaisait au jeune homme qui ne tenait pas à blesser la seule personne qui l'eut jamais compris.

La jolie blonde leva les yeux, insolente. Elle se colla un peu plus au mur pour mettre de la distance entre eux et ne le toucha pas d'un pouce. Elle jouait, comme souvent, et si d'ordinaire cela plaisait au jeune homme, lorsqu'il s'agissait de Lana, il n'avait pas envie de jouer ou de plaisanter, ni même de prendre des risques concernant son amitié avec elle.
La jeune blonde lui répondit qu'elle s'ennuyait et avait envie de compagnie et les sourcils de Lucas se froncèrent un peu plus encore. Tandis qu'il lui répondait, elle se décolla un peu du mur, et leurs corps se frôlèrent à plusieurs reprises, émoustillant malgré lui le jeune homme, qui n'était qu'un homme et qui savait, de toute façon, comment cette discussion se terminerait.

Tu sais bien que je suis toujours là pour m'amuser, mais pas devant tout le monde... on a été clairs là dessus depuis le début et si tout à coup tu as envie de crier au monde entier que tu as un petit jouet personnel, je m'en fiche, mais j'aimerais en être le premier informé ! répondit-il sèchement, alors que la jeune femme frôlait son bras puis sa joue et jouait avec ses cheveux.

La voix douce et espiègle, elle lui demanda s'il lui en voulait. Levant un sourcil, il la regarda, peu convaincu par le jeu de la jeune femme. Il finissait par la connaitre, à force, et savait bien qu'elle était incapable de sentiments tels que la culpabilité ou le repentir.
Les yeux dans les siens, elle plaça une main derrière la nuque du jeune homme et demanda innocemment si ce serait grave de dévoiler leur relation aux autres. Le sourire de la blonde s'élargissait et Lucas n'était pas dupe un instant. La main remonta doucement, et elle poursuivit, d'une petite voix aiguë qui n'avait rien de naturel et était presque moqueuse. Tout à coup, elle lui dit qu'elle avait des sentiments pour lui, qu'elle n'avait pas osé le dévoiler mais qu'elle tenait vraiment à lui... elle baissa le regard un instant, puis éclata de rire.

Lucas était prêt à lui sauter dessus, peu importe les idioties qu'elle pouvait dire, mais elle ajouta quelque chose avant qu'il n'en ait le temps. La phrase en trop. Se moquant ouvertement de Lana, elle plaisanta – une plaisanterie version Juliet, cependant, que peu de monde appréciait réellement – en disant que c'était le genre de mièvreries qu'elle pourrait lui sortir. Le sang de Lucas ne fit qu'un tour. Il arracha la main de la jeune femme de sa nuque et s'éloigna, en rage. Il fit les cents pas et la regarda, les yeux noirs.

Bon sang Juliet, à quoi tu joues ? Ça t'apporte quoi de te moquer des gens ? Lana ne t'a rien fait, fiche-lui la paix ! Encore une remarque de ce genre, et tu peux dire adieu à ton passe-temps favori avec moi ! Oui oui je sais, tu as plein d'autres jouets... n'empêche que tu reviens toujours vers moi... Alors ne t'avise plus de t'attaquer à ce que tu ne connais pas, c'est clair ?

Il se surprit à se trouver à présent à deux pas d'elle, l'œil menaçant et la main tenant fermement son bras, à nouveau. La rage s'était emparée de lui, parce que Lana était la seule personne qui l'eut jamais approché d'aussi près, et il ne supportait pas qu'on la salisse en son absence. Elle ne méritait pas cela, et la pseudo jalousie de Juliet le rendait dingue, surtout quand elle devenait méchante envers les autres. Autant elle pouvait être méchante avec n'importe qui, autant Lana était intouchable. Elle le savait et continuait de jouer avec le feu, ce qu'il ne supportait pas.

Pourtant, il devait reconnaitre qu'il était autant en colère qu'excité par la situation et il s'éloigna à nouveau pour ne pas craquer et fondre sur ses lèvres. Rha, il la détestait !!! Elle avait ce fichu pouvoir de séduction ! Stupide blonde qui jouait avec le feu en sachant exactement ce qu'elle faisait ! Pourquoi s'était-il embarqué dans cette situation ? Il devait tenir bon, elle ne méritait pas ses faveurs, pas quand elle s'en prenait à sa meilleure amie !

La prochaine fois que tu veux faire jou-jou, il va falloir t'y prendre autrement ! Tant que tu t'en prendras à elle, il faudra te passer de moi ! dit-il avec toute la conviction dont il était capable. Il tourna les talons et se mit en marche dans le couloir vide, mais il n'était pas forcément rapide et elle pouvait facilement le rattraper.

« N'empêche que tu reviens toujours vers moi »

« Lucas, Lucas attends. »

« Je sais que tu tiens à elle »

« C’était … c’était juste pour me venger du coup de la salle de jeux vidéos. Je … je ne voulais pas te peiner. »

« Lucas, s’il te plait. »

« S’il te plait ne me laisse pas. »

La jeune femme resta là pendant la tirade de Lucas. Elle ne bougea pas, l'observant, semblant surprise par sa réaction violente. Sans doute ne s'y était-elle pas attendue. Elle n'avait encore, jusque là, jamais dépassé cette ligne qu'elle venait aujourd'hui de franchir. Ses petits jeux avaient toujours plus ou moins amusé le jeune homme, mais lorsqu'il s'agissait de Lana, il ne jouait plus. Pourtant, il s'était toujours refusé d'admettre qu'il était amoureux de la brune. Il ne s'agissait pas de cela, dans son cas. Mais Lana était la seule personne qui ait jamais tâché de le comprendre, qui ne l'ait jamais jugé et qui l'ait toujours pris tel qu'il était : blessé, abîmé. Même s'il l'avait voulu, il n'aurait pu se passer d'elle, désormais. Car il aimait sa compagnie, sa présence, il était tellement solitaire. Elle était la seule autorisée à rester auprès de lui des heures sans dire un mot, la seule qui pouvait se permettre de venir quand il n'avait envie de voir personne. Juliet n'avait pas le droit de la toucher elle. C'était hors d'atteinte. C'était la limite à ne pas franchir. Car s'il perdait Lana, il se perdait lui-même.

Sa relation avec Juliet, quant à elle, était différente. Il n'était pas amoureux d'elle, ne se souciait pas vraiment d'elle dans le sens où il n'avait pas l'impression de faire partie de sa vie. Elle était un passe-temps tout comme il en était un pour elle. Il ne s'était jamais imaginé que son départ puisse la blesser ou lui faire peur. Il ne pouvait prédire la réaction qui allait suivre car elle n'était tellement pas Juliet. Ils se fréquentaient, mais en dehors de leurs entrevues secrètes, qui se terminaient la plupart du temps dans un lit, ce qui était loin d'être constructif, il n'y avait rien. Ils ne parlaient pas vraiment, ou pas d'eux, en tout cas. Il ne savait pas grand chose de sa vie comme elle ne savait rien de la sienne. Elle ignorait qu'il était surdoué. Elle ignorait qu'il était blessé. De même qu'il n'avait jamais connu son père. Ou que sa mère l'avait toujours espéré plus idiot qu'il n'était. Elle ne se doutait pas qu'il complexait de cette intelligence qu'on lui avait toujours demandé de cacher. Ou qu'il craignait tellement le jugement des autres sur ses capacités qu'il les bousillait dès qu'il le pouvait. Non, elle ne savait rien de tout cela. Ils ne parlaient pas de cela.
Pouvait-on dès lors appeler leurs entrevues une « relation » ? Comment pouvait-il se soucier d'elle alors qu'il n'en savait rien ? Il ne savait pas ce qu'elle aimait – mis à part son goût pour les galipettes -, ne savait pas ce qu'elle désirait, ignorait ce qu'elle espérait. Rien. Tout cela restait dans l'ignorance, ils ne se voyaient que pour leur plaisir physique, une relation sans aucun sentiment, sans aucun engagement, pas même amical.

Du moins, Lucas l'avait toujours vue comme ça. Comment en aurait-il pu être autrement ? Juliet elle-même avait toujours établi ces limites. C'est elle qui avait émis les règles, il ne faisait que les suivre. Elle ne voulait pas de tout ce qui intervient dans une relation amoureuse. Pas plus que lui, c'était pour cela que ça l'arrangeait bien. Pour cela qu'il la revoyait.
Mais aujourd'hui, les choses prenaient une autre tournure. Croyait-il qu'elle n'était capable d'aucun sentiment ? Il avait, effectivement, du mal à y croire. Elle se montrait toujours si distante par rapport à sa propre personne, si froide. Elle cachait tout, ne laissait rien entrevoir. Lucas n'était pas le plus doué en relation, comment aurait-il pu deviner que derrière cette carapace se cachait une jeune femme douée de sentiments ? C'était trop lui demander, alors qu'il se battait déjà avec les siens, tâchant de les comprendre.

Tandis qu'il s'approchait et lui serrait le bras, la jeune femme sembla soudain prise de sentiments divers. Tout à coup, elle se cogna la tête au mur, les larmes voulaient germer au coin de ses yeux et elle avait du mal à les retenir. Mais tout à sa rage, Lucas ignora ces signaux. Il s'éloigna. Elle s'essuya la joue et le poursuivit. Elle l'appela. Elle lui demanda d'attendre. Ce qu'il fit, la rage toujours dans les yeux, mais bien trop humain malgré tout pour laisser la jeune femme dans le désarroi duquel elle semblait être la victime. Elle le surprit, par cet air si torturé. Que lui arrivait-il, tout à coup ? Lucas ne comprenait pas exactement ce qui se passait, là tout de suite. Il n'avait pourtant fait que remettre les choses au clair. La Juliet qu'il connaissait aurait plaisanté, balancé des excuses qui n'en étaient pas, et serait revenue à lui, encore plus charmeuse. Et le pire dans tout cela, c'est qu'elle aurait facilement gagné.
Pourtant, aujourd'hui, il avait quelqu'un d'autre en face de lui. Quelqu'un doué de sentiments, qui manifestement avait mal... et besoin de lui. Il dut reconnaitre le sentiment intense et positif que cela provoqua en lui. Jamais personne, jusque là, n'avait eu besoin de lui. Et c'était un sentiment plus qu'agréable.

Elle s'approcha, murmura des paroles qu'il eut peine à comprendre. Elle s'en voulait, il se demandait pourquoi. Cela lui ressemblait si peu. Elle reprit la parole, s'approchant toujours un peu, disant qu'elle savait combien il tenait à Lana, sans toutefois prononcer son nom. Mais ils savaient tous deux de qui il s'agissait. Elle était la seule personne pour laquelle il pouvait émettre un quelconque sentiment. Mais Juliet venait aujourd'hui de rejoindre cette courte liste.
Elle avoua avoir voulu se venger, mais niait avoir voulu le blesser. Ça ressemblait à des excuses, et même si ça n'en était pas vraiment, il pouvait s'en contenter. Les grands discours, ce n'était pas non plus son fort. Elle le supplia. Elle tendit une main. Et le supplia encore. De ne pas la laisser.

Ce qui se passa en Lucas à cet instant fut une première. Pour la première fois de son existence, en effet, il éprouvait de l'empathie. Il se reconnaissait en sa blessure. Lui non plus n'avait jamais eu personne pour se soucier de lui. Le seul souci de sa mère n'avait été que de prendre garde à ce que son fils n'aille pas trop loin dans la vie. Il y avait bien eu son professeur, mais c'était resté une relation de professeur à élève préféré. Que pouvait-il espérer de plus ?
Lucas comprenait tout à coup ce que voulait dire exactement Juliet, et sa colère retomba comme elle était montée. Elle s'était excusée, à sa façon, et avait appris sa leçon, il l'espérait. A présent, elle demandait un peu d'attention et pour la première fois depuis qu'il la connaissait, il ne s'agissait pas de sexe ou de séduction. Pour la première fois, il s'agissait d'attention envers sa personne.

Lucas tendit sa main à son tour, et saisit celle de Juliet. Il l'attira à lui et la prit dans ses bras. Aujourd'hui, elle était sans doute devenue sa deuxième amie. Après l'avoir enlacée un moment et sans un mot, il l'emmena au travers des couloirs, jusqu'à sa chambre. Il se posa sur le lit, l'attira avec lui et ils se couchèrent tous deux, Juliet dans les bras du jeune homme. Il ne savait quoi dire. Ni même que faire. Tout était nouveau et étrange. Mais il avait le sentiment que demain, tout redeviendrait comme avant. Alors, il profita de l'instant présent. Caressant doucement les cheveux blonds, il déposa un baiser sur le front de la jeune femme.

On n'a jamais eu ce genre de relation avant. Et probablement n'en aurons-nous plus ensuite. Je ne suis pas doué là-dedans. Mais si tu veux, on peut simplement parler... dit-il doucement, se sentant idiot mais sachant quoi répliquer si la Juliet qu'il connaissait rappliquait avec méchanceté.

« Je ne sais pas. Je … Ce n’est pas toi … C’est juste que lorsque tu m’as prises par le bras. J’ai repensé … ça m’a replongé dans un moment de mon passé. Une histoire que je fais tout pour oublier.

« Tu es bien plus doué que tu ne le penses Lucas. Plus que beaucoup de personne que j’ai pu rencontrer jusque là. »

« Je comprends pourquoi Lana s’accroche autant à toi maintenant. Tu n’es pas que doué au lit, tu sais aussi te montrer à l’écoute. »

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