Au commencement il y avait la rencontre de 2 gamètes, formant une cellule œuf qui par mitose allait se diviser jusqu’à former en 9 mois, ce que l’évolution avait mis des milliers d’années à accomplir. L’acte de création de la vie était devenu tellement banale qu’on en avait oublié qu’il restait un miracle, et surtout au 23ème siècle où le taux de mortalités était l’un des plus haut de l’histoire de l’humanité. Ainsi l’an de grâce 2222 ne fut pas seulement une année de plaisanterie de par sa symétrie parfaite, mais aussi la venue au monde d’une petite fille d’un cadre islandais, Patrick, et d’une femme au foyer, Morganna. Tous 3 formes le portrait idyllique. Enfin, idyllique pour le 23ème siècle, car bien qu’on se trouve toujours sur Terre. La petite Johanna faisait bien le bonheur de ses parents. Comment résister à des yeux aussi bleus que les siens en même temps. Jóhanna passe sa petite enfance dans une maison assez modeste de la banlieue de Reykjavik. Elle est enfant unique et jouit des attentions de ses 2 parents et rapidement elle devient un véritable moulin à parole. Toujours curieuse, toujours posant des tas de questions, offrant à ce monde une part d’innocence et de douceur. Mais une telle pureté n’est pas préservée très longtemps.

Le contact avec le monde extérieur n’a pas du bon. Devenue des plus élitistes, la société du 23ème siècle commence dès le berceau son conditionnement. Ainsi tout ce qui ne rentre pas dans le registre des caractères dits « normaux » est exclu. Les enfants sont souvent méchants sans s’en rendre compte, surtout envers une élève un peu ronde. Jóhanna était une fillette pleine de joie de vivre, qui aimait les bonnes choses et qui avait tendance à un peu exagérer. Quelle douche froide quand les premiers surnoms arrivèrent au primaire, allant de la vachette albinos à la baleine blanche. Tant de moquerie ont fait perdre son sourire à la jeune fille, surtout que cela ne semblait que cesser quand elle fermait les yeux pour s’endormir. En effet , de fils en aiguilles ce qui avaient été des taquineries de son père , devinrent des remarques désobligeantes aux yeux de la jeune enfant. Mais elle se disait que tout le monde ne restait pas éternellement au même endroit, que le collège serait peut-être mieux que le primaire, que tout ce qui comptait était enfin de compte juste supporter. Plus elle grandissait, plus elle se détestait, se détester d’être un monstre.

L’enfance de jóhanna fut inexorablement le début d’une longue et douce agonie. Certes, elle était une élève prometteuse, mais à l’adolescence tout a un goût beaucoup trop prononcé. Les changements vers une femme n’arrivaient pas aussi rapidement que chez les camarades de classes de Jóhanna, elle se retrouvait coincée entre 2 univers et n’arrivait pas à en sortir. Socialement parlant, bien sûr, c’était le néant, ce qui causa un repli total sur elle-même. Pour ses 14 ans, sa mère lui avait offert un beau miroir sur pied. Depuis ce jour, Jóhanna regardait ce qu’elle appelait le monstre, chaque matin dans le miroir. Et une peau d’orange par ci, une rondeur par là, des boutons, l’appareil dentaire. Son regard s’était arrêté sur ce qu’il y avait de « mal » chez elle, oubliant complètement qu’elle était une jolie fille. On ne sait jamais ce qui se passe dans la tête d’une adolescente. Certaines recourent à l’automutilation pour exprimer leur malaise, d’autres préfèrent l’art ou même passer pour des filles de joie, tout cela pour masquer les blessures qu’affichent leur état émotionnel. Jóhanna avait certes des amis au collège, mais devant moqueries et regards, elle eut vite de choisir sa voie. Qui plus est, entre temps la jolie famille était partie en lambeau. Le divorce avait été des plus éprouvants pour la jeune fille qui partageait son temps entre une mère qui était débordée par le travail et un père ne pouvant plus travailler à cause d’un accident et qui avait eu l’excellente idée de se noyer dans la boisson. La première fois qu’elle se fit vomir, ce fut le matin de noël. Elle n’avait pas vraiment choisi cette date pour une raison, elle avait juste voulu essayer…savoir que rien n’était dans son estomac était quelque chose d’assez réconfortant. En se regardant dans le miroir de la salle de bain, elle sourit, elle avait le contrôle…elle seul décider si son corps devait manger ou pas, elle seule punissait son corps de lui causer tant de problème. En quelques mois, elle fondit comme neige au soleil. A côté de la quasi non alimentation, il y avait aussi la pratique de la course à pied pratiquée à l’extrême.

Piégée par son propre esprit et ne trouvant personne qui puisse l’arrêter dans cet auto-destruction causée par une dépression bien installée, Jóhanna, après 2 ans dans cette routine en était au point de ne plus pouvoir sentir la nourriture sans vomir. Elle ne dormait que très peu, ne courrait presque plus, car ses articulations ne pouvaient supporter les chocs d’une course et ressemblait plus à un squelette perdant des cheveux qu’à une jeune fille de 16 ans. Comme toute chute à un atterrissage, celui de Jóhanna se profila par un évanouissement suivi de convulsions après la prise de pilules pour maigrir. Comme une claque, la mère de Morganna sembla enfin voir ce qu’elle n’avait pas vu et ce que Patrick avait sans doute aggravé à chaque fois que leur fille était chez lui. Voir sa fille être nourrie par intraveineuse car elle avait un IMC de 15.7 en était trop pour elle. Elle confia sa fille à un institut spécialisé dans les troubles qu’entraine une dépression grave. Jóhanna a ainsi réappris à apprécier la nourriture, à s’apprécier, se valoriser, à faire la paix avec soi-même et à instaurer un fondement plus ou moins stable. Malheureusement, même si après 1 an de thérapie, elle avait retrouvé un équilibre mental et physique acceptable, son obsession du physique était bien présente. Motivée cependant par des projets d’avenir, elle réussit à rattraper son retard (on l’a souvent suspecté d’avoir triché d’une façon ou d’une autre). Son année en terminale fut la seule qu’elle garda en mémoire. C’est là qu’elle se trouva un petit-ami, intégra les pompom girls et devint la fille populaire que tout le monde veut devenir, quitte à passer pour être superficielle. Son culte du physique la poussa à faire des études en vue de devenir diététicienne. L’idée étant d’aider d’autres à ne pas tomber dans le cercle vicieux dont elle avait été la victime. Mais à part les fêtes d’étudiants où elle réalisa que sa voix avait les tons d’une voix de rossignol, elle ne tira rien de constructif de ce projet. Toutes ces théories étaient ridicules à ses yeux, car cela n’avait pas marché pour elle. De plus, elle avait des ambitions bien plus grandes que de simplement donner des directives. Elle avait une fibre créative, elle sentait qu’elle devait créer quelque chose d’important. On avait repoussé les limites de la vieillesse, on avait créé des moyens de garder un corps sain , mais elle voulait trouver la clé de la minceur en toute sécurité et pour ça , il lui fallait des connaissances en pharmacologie. Voulant se donner tous les moyens pour y arriver, elle décida de se rendre aux Etats-Unis. Par chance, Jóhanna tomba sur un professeur qui était en même temps engagé dans une entreprise pharmacologique assez connue basée aux Etats-Unis. En écrivant sa thèse, ce professeur réussit à la faire connaitre des patrons et elle entra dans la vie active avant même de terminer ses études. Enfin en poste de faire des recherche, Jóhanna fut comblée…enfin jusqu’à ce qu’elle reprenne les bancs de l’école pour se spécialiser dans un certain domaine.

C’est durant son congé en Islande que Jóhanna pris connaissance de l’appel aux candidatures pour se rendre sur Pandora. Petites les histoires concernant cette planète avaient bercés son enfance, et depuis qu’elle travaillait sur les vertus des plantes de Pandora, elle avait toujours déploré ne pas avoir de spécimen vivant et de devoir faire que des expériences hypothétiques. C’est donc sans hésiter qu’en septembre 2245 elle décida qu’elle ferait tout pour aller sur Pandora, quitte à vendre son âme au diable. Qui plus est, elle ressentait comme un soulagement et un espoir de pouvoir partir de cette planète. Sa mère était morte entre temps et elle n’avait plus aucune nouvelle de son père. En somme rien ni personne ne la retenait sur une planète condamnée, même pas ses amis. Mettant un terme prématurément à son congé, la jeune femme s’employa à se composer un dossier. Elle rédigea son CV en prenant soin de mettre autant de lettres de recommandation, de diplômes et de bonnes paroles que possible. Elle passa aussi toute une journée à rédiger sa lettre de motivation, usant de mots académiques. Certes elle n’était pas vraiment physiquement très en forme, mais quand on veut quelque chose, il est facile de trouver un médecin qui vous fait un certificat d’aptitude. La seule chose dont elle avait réellement peur, c’était l’évaluation psychologique, depuis son épisode d’anorexie, elle ne pouvait pas prétendre aimer les psy.

Novembre 2247 fut définitivement la période de noël pour Jóhanna. A la NASA elle avait douté un instant pouvoir réussir, mais en recevant un an plus tard la confirmation qu’elle partirait, ses voisins appelèrent la police tellement elle avait hurlé. L’islandaise a bien du mal à se limiter aux 10 kilos préconisés par le programme, après tout, elle était une femme qui avait besoin de beaucoup, beaucoup de produits de soin pour garder son apparence parfaite. Mais une fois à la base spatiale Guyanaise, elle se rendit bien vite compte qu’il n’y avait pas vraiment de temps pour s’étaler sur la question. C’était même pire que tout ce qu’elle avait pu vivre jusqu’ici. Certes elle était douée dans ce qu’elle faisait, mais elle était scientifique, apprendre le Na’vi était dur à son âge, apprendre l’environnement de Pandora était nécessaire pour ses recherches, et faire un peu de sport lui faisait du bien, surtout quand elle pouvait taper sur la gente masculine qui, il fallait le dire avait des spécimens tout à fait alléchants. Elle était jeune, elle sentait le sable chaud et il y avait Lorenzo. Un très bon coup d’un soir qui l’avait fait beaucoup rire lors de la soirée karaoké organisée pour se changer les idées. Ce bel homme lui donne l’idée de monter un groupe de musique , qui portera le nom de Pandora Box. Ce n’est pas le seul « dérapage » qu’elle a eu durant la phase de préparation. Le jour du départ, elle ne regarda pas derrière elle et entra dans son caisson d’hibernation en se demandant si la mort avait la même texture, le même goût, la même sensation que le coma dans lequel elle restera 5 ans.

La première pensée que Jóhanna avait eu en se réveillant, était de se demander si Blanche Neige avait ressenti aussi cette impression de froid, ce fourmillement et cette sensation d’avoir un temps de décalage par rapport à la situation actuelle. La deuxième chose qui vint à l’esprit de la jeune femme était de constater que la planète qu’elle voyait devant elle par le hublot était d’une beauté exceptionnelle, comme les photos prise de la Terre quand elle était encore la belle planète bleue. La jeune femme fut naturellement intenable durant la période d’adaptation, demandant presque comme une petite fille « on arrive quand « à qui voulait l’entendre. Il fallait dire qu’elle avait développé un côté claustrophobe à force d’être confiné dans un espace réduit, même si elle n’avait pas eu connaissance du voyage. Une logique très paulsenienne à laquelle il fallait s’y faire. Quand enfin elle put découvrir Pandora de plus près, cela fut le 2ème plus beau jour de sa vie. On aurait presque cru que c’était une fille tout droit sorti d’un manga japonais avec ses grands yeux bleus émerveillés qui scrutaient toute cette végétation qu’elle avait vu en théorie….enfin l’émerveillement dura jusqu’à ce qu’elle se casse la figure sur une racine, tombe dans la boue et se cause une frayeur en endommageant le tube d’oxygène. Cela explique peut-être pourquoi elle n'a pas encore participé à des missions, et se concentre plus sur la Pandora Box en trouvant une salle de répétition et en harcelant les membres fraichement recrutés pour s'entrainer car musique oblige, il ne faut pas décevoir les fans. En outre Jóhanna commence à laisser ses oreilles trainer partout...la curiosité est devenue l'une de ses pires manies depuis qu'elle est arrivée. Elle veut tout voir, tout découvrir au point que certains se demandent si elle est vraiment sortie indemne de son sommeil prolongé.