Just between you and me, in the eyes [Opal]

« Bonjour Opal. »

« Puis-je vous parler quelques instants ? Je ne veux pas vous interrompre dans votre entrainement, mais ce ne sera pas long. »

Paranoïaque, elle devenait paranoïaque. Elle avait toujours eu tendance à l'être en fait, elle en avait conscience, mais là elle allait finir par devenir folle. Il fallait qu'elle se calme, qu'elle se reprenne en main et qu'elle arrête de voir le mal partout.

Peut-être que les humains n'étaient pas fait pour encaisser le choc du partage de conscience, finalement, même dans leur déguisement d'autochtones. Depuis qu'elle avait fait le Lien, Opal avait l'impression d'être ailleurs, « dans la lune » même si cette expression désuète était un poil ironique compte-tenu de leur situation. Elle allait avoir besoin de pas mal d'introspection pour encaisser l'expérience et l'accepter, le problème étant que ça l'avait mise au centre de l'attention et que c'était on ne peut plus crispant pour elle. L'impression d'avoir l'étiquette « l'Avatar qui a fait Tsahaylu » inscrite sur le front la déprimait – en plus, elle avait conscience que les gens ne la voyaient pas forcément comme cela et que de toute façon leur curiosité était justifiée... Voilà pourquoi elle devenait paranoïaque. Tellement méfiante sur les intentions de tout un chacun qu'elle en perdait le sens des réalités. Il fallait faire quelque chose là.

Debout dans l'étroite salle de bains attenant à sa chambre, Opal jeta un regard décidé à son reflet. Maintenant, elle allait être plus forte, elle allait cesser de se prendre la tête pour un oui ou pour un non, elle en faisait le serment. Bien. Après tout, pas besoin d'être au nouvel an pour prendre de bonnes résolutions, surtout quand elles sont aussi primordiales que celle-là.

A peine venait-elle de conclure cette pensée que son PDA émit un discret « bip », l'avertissant d'une tâche imminente. Opal quitta la salle de bains et déploya l'écran tactile holographique, parcourant rapidement son agenda et constata qu'elle avait entraînement chez les Avatars dans quelques minutes. Il allait falloir qu'elle s'arme de courage pour aller se confronter à ses camarades, mais la tâche n'avait rien d'insurmontable ; piloter restait une activité fort plaisante et elle n'irait certainement pas en traînant les pieds. Elle ferma l'hologramme, rajusta sa tenue, enfila une paire de chaussures et gagna la salle des caissons.

Comme d'habitude, son passage fut rapide et discret. Elle salua les quelques personnes qui la remarquèrent, se plia au bref examen de contrôle, échangea des politesses avec scientifiques et pilotes près à rentrer en phase de transfert, avant de prendre elle-même place dans le caisson et de fermer les yeux le temps de changer de corps.

Elle se réveilla dans la salle d'examen des Avatars ; la dernière fois qu'elle avait investi son corps hybride, elle avait dû faire ces examens avec Melvyn, souvenir crispant s'il en est. Elle se redressa sur sa couchette, remuant ses extrémités en étudiant les nouvelles sensations qui étaient entrain d'arriver à son esprit. Apparemment, on l'avait nourri par intraveineuse ; elle se sentait très en forme physiquement, idéal pour une séance d'entraînement. Deux scientifiques étaient entrain de s'occuper de corps encore endormis ; elle les salua, leur demanda l'autorisation de sortir et partit rejoindre le groupe d'Avatars entrain de s'entraîner.

Elle rejoignit quelques hybrides sur le terrain de basket, échangeant quelques passes avec eux après s'être rapidement échauffée. A part Juan, apparemment absent aujourd'hui, peu d'Avatars avaient un entraînement spécifique aux armes à feu ; elle irait donc seule s'entraîner à tirer avec les fusils construits à sa taille. Rien d'urgent de toute façon, pour l'instant elle profitait du soleil sans risquer de brûler, de la température agréable et du plaisir d'évoluer avec ce corps aux sens si développés.

Les autres Avatars se montrèrent cordiales, comme d'habitude, avec une pointe de curiosité mais sans plus. Opal n'était guère intégrée au groupe et ces derniers temps elle avait encore plus du mal à aller vers eux ; elle se contenta comme à son habitude du strict minimum de la conversation avant de commencer à jouer. Elle avait un peu l'impression de plomber l'ambiance (bien que le duo Altaïr/Kaito s'en sortaient bien pour créer des étincelles) et aurait aimé être capable d'adopter l'attitude bon enfant de la plupart des Avatars qui plaisantaient entre eux. Des efforts songea-t-elle, pense à ta résolution. Altaïr l'aida dans cette voie en se montrant très amical avec elle ce qui réussit à la détendre, et elle se montra peu à peu plus à l'aise.

Après quelques temps passés sur le terrain, elle céda sa place à Garance et alla faire une pause à l'ombre, projetant ensuite d'aller avec ceux qui s'entraînaient au corps à corps. Elle s'était assise sur les marches de l'une des maisons, attendant de reprendre un peu son souffle et ses forces avant de se remettre à l'entraînement. Alors qu'elle essuyait la sueur qui coulait sur son front, quelqu'un l'interpella, ce qui manqua de la faire sursauter ; malgré ses sens bien développés, elle pensait à autre chose et ne l'avait pas entendu arriver. Elle tourna la tête dans sa direction et reconnut, non sans surprise, Raven Galloway, le chef de l'expédition. L'homme la salua amicalement et lui demanda quelques minutes de son temps, déclarant avoir à lui parler. Opal se raidit un peu, consciente de savoir à l'avance ce qu'il allait bien vouloir lui dire. Après tout c'était normal, puisqu'il fallait en passer par là... Elle ne pouvait pas nier que Raven avait fait un effort en venant la retrouver dans « son milieu naturel » au lieu de la convoquer dans son bureau entre quatre yeux, elle essaya donc de le récompenser en se montrant aussi à l'aise que possible.

- Bonjour monsieur... Raven, corrigea-t-elle rapidement en se demandant si c'était quand même très protocolaire d'appeler ainsi son leader.

Elle avait failli se lever en le voyant arriver, mais par égard pour sa taille, avait fini par se décider à ne pas bouger.

- Je ne fais rien de spécial, rassurez-vous. Je suis prête à vous écouter, il n'y a aucun problème.

Mieux valait en finir tout de suite.

« Je sais que vous n'avez pas reçu de nouvelles de la Terre. »

« Et je suis conscient également de l'attention que vous a apporté votre 'aventure' dans la jungle, face au Thanator et aux Pa'li. »

« Je voulais vous rappeler que si vous ressentez le besoin d'en parler - à qui que ce soit - vous ne devez pas hésiter. Nous ne sommes pas seuls, même s'il peut nous arriver d'être rattrapé par le sentiment de solitude. »

« Il est bon de partager nos fardeaux et sentiments avec les personnes les plus aptes à nous comprendre. »

Tsahaylu

- Contenu sponsorisé -