It's nice to see you again [feat. Leanne Campbell]

Naminé ouvrit les yeux sur la semi-obscurité de sa chambre. Jetant un regard à son réveil, elle constata que la matinée était déjà bien entamée. Elle ne travaillait pas aujourd'hui et ce n'était pas plus mal, la soirée avait été moralement difficile, la jeune femme n'aurait jamais imaginé que son arrivée sur Pandora la fasse retomber dans la morosité qu'elle avait connu lorsqu'elle était devenue orpheline. Naminé se redressa péniblement sur son lit, s'accouda sur ses genoux et posa lourdement sa tête dans le creux de ses mains. Un léger bruit retentit lorsqu'elle posa les pieds par terre. Elle dut se frotter les yeux de ses paumes avec application avant de pouvoir enfin voir à plus de vingt centimètres. Ah, oui. Des dizaines de feuilles volantes s'étalaient sur le sol de sa chambre. On ne pouvait dire que Naminé n'était pas artistiquement productive les soirs de grande peine. Elle poussa du pied les croquis qui étaient à sa portée, ce qui lui permit de se créer un chemin suffisant jusqu'à la salle de bain.

Ce n'est que plusieurs minutes plus tard qu'elle trouva le courage de se lever et alla dans la salle de bain. Son reflet dans le miroir la consterna. Règle numéro un pour éviter de se réveiller avec les yeux gonflés: ne jamais pleurer avant de s'endormir. Dans un sens, cela la rassurait, il y avait des choses qui ne changeaient pas, qu'importe la planète sur laquelle on était. C'était ce genre de matin où elle ne regrettait absolument pas de se réveiller seule, avec une tête pareille, elle aurait fait fuir même le plus transit des amoureux. Il lui fallut presque une bonne heure avant de pouvoir retrouver apparence humaine et arriver à cacher sa vilaine mine. Heureusement pour elle, elle ne serait tenue de croiser personne en ce jour de repos. Une fois douchée, Naminé s'habilla d'un jean et d'un top foncé, et mit quelques bracelets piochés au hasard. Elle avait emmené de la Terre le peu de coquetterie qui lui restait. La jeune femme sentit son esprit s'en aller vers des pensées qu'elle voulait à tout prix éviter – les cinq ans écoulés, son frère, la Terre,... – hors de question de finir dans le même état qu'hier soir, si elle s'y mettait aussi la journée, les jours sur Pandora risquaient d'être incroyablement longs.

Alors qu'elle avait entreprit de ranger sa chambre, le regard de Naminé s'était porté au-delà de la fenêtre. Qu'est ce qu'elle aurait donné pour sentir le vent sur son visage... déjà que c'était peu recommandé sur Terre, avec l'air irrespirable pour les humains de Pandora, c'était complètement impossible ici. Les choses aussi simples de la vie pouvaient-elles vous manquer à ce point? Il lui fallut encore plusieurs minutes pour récupérer les feuilles qui jonchés le sol, mais elle n'en profita pas pour faire un tri, elle mit l'ensemble dans son carnet à dessins qui finit lui-même au fond d'un sac à bandoulière, accompagné de quelques crayons; puis s'en attendre, elle fila hors de sa chambre.

Lorsque Naminé franchit le seuil du réfectoire, l'endroit était calme – si une pièce contenant toujours plusieurs cinquantaines de personnes pouvaient être calme – l'heure du déjeuner n'avait pas encore sonné. La jeune femme se servit, s'installa dans un coin et picora les quelques aliments qu'elle avait pris. Naminé sortit de son sac un écran tactile et entreprit de parcourir la base de donnée de la Tortue dans l'espoir de se changer quelque peu les idées. Certes, étudier la médecine n'était pas une distraction à proprement parler, mais Naminé reconnaissait volontiers que c'était une issue de secours appréciable pour l'instant. La grande blonde finit par prendre une résolution; elle ne comptait pas passer sa journée à ronger son frein et à ressasser les mêmes idées noires. Jour de repos ou non, elle irait travailler à l'infirmerie puisque c'était le seul endroit où elle arrivait à ne pas penser.
Les minutes s'écoulèrent et malgré tout, elle ne vit pas le temps passer. Le réfectoire se remplissait et se vider au rythme des sorties et des arrivées, mais Naminé ne reconnaissait pas tant de têtes que cela. Soit sa mémoire s'était en partie effacé durant son « hibernation », soit elle avait oublié de se faire des amis en Guyane. Sans doute la solution un. Son regard s'était négligemment posé sur l'une des entrés du réfectoire et elle vit un groupe de personne entrer. Une chevelure blonde attira son regard... c'était Leanne, une pilote d'avatar. Naminé fit un geste dans sa direction, mais ne sut pas si cette dernière l'avait vu.

Leanne venait de passer une matinée beaucoup trop calme à son goût. Elle était restée dans sa chambre la plupart du temps, mettant ses notes personnelles à jour en vue d'écrire un livre sur Pandora. Un projet que seule sa meilleure amie Saona connaissait. Anthropologue de renom depuis son premier et seul ouvrage décrivant les aborigènes d'Australie, la jeune femme espérait publier à nouveau en revenant de cette expédition. Elle avait envie que les scientifiques n'ayant pas eu la chance de fouler les terres Pandoriennes partagent tout de même cette magnifique expérience. A un moindre niveau, certes - lire des mots couchés sur du papier glacé était totalement différent que d'avoir la forêt de Pandora juste devant ses yeux. Toutefois, le livre de Grace Augustine avait su la faire rêver. Elle ne voulait rien d'autre qu'aider les jeunes à découvrir la plus belle lune existante. Car si les Na'Vis acceptaient d'accueillir les humains afin de les sauver d'une mort fort probable - causée par la comète de Halley - ces derniers devraient savoir se tenir et s'adapter à leur culture. Il était hors de question qu'ils imposent leurs règles et leur coutumes ici. Et quel meilleur moyen y avait-il pour apprendre tout cela, que de parcourir les notes d'une anthropologue ? Lee ne savait pas tout non plus, comment le pourrait-elle puisqu'elle n'avait encore jamais conversé avec un vrai Omaticaya par exemple ? Mais elle espérait bien en avoir l'occasion ; elle voulait apprendre elle aussi, pour ensuite transmettre son savoir aux curieux qui étaient restés sur Terre. Le Dr Augustine avait su éveiller en elle son amour de la Nature et de Pandora. Elle espérait être cette personne pour nombre d'enfants, d'adolescents et même d'adultes. Ce serait le plus beau cadeau que la vie pourrait lui offrir...

Ainsi s'appliquait-elle à tout écrire, tout recenser. Leanne avait, par exemple, passé du temps en forêt la veille pour étudier les Obesus Rotundus, ces arbres ballons qui pouvaient être dangereux si l'on ne faisait pas attention. Elle avait redécouvert leur composition, observé leur comportement selon différents stimulis, et tout marqué sur son petit calepin qui ne la quittait jamais. Et ce matin, la blondinette s'était donc assise derrière son bureau, s'attelant à l'écriture au propre de l'article concernant cet arbre en particulier. Parfois, elle se disait que si elle continuait sur sa lancée, son bouquin serait plus que ce qu'elle avait prévu : il deviendrait une véritable encyclopédie de Pandora. Mais Lee était une passionnée, et loin de la décourager, cette idée lui donnait, au contraire, encore plus de motivation. Elle voulait tout connaître de ce monde, de sa faune, de sa flore et de ses habitants. Elle voulait le connaître comme si elle y était née. Un but ambitieux, mais elle savait qu'elle y arriverait. Parce que ses intentions étaient nobles et que rien ne comptait plus pour elle, professionnellement parlant. Ce fut sur cette pensée optimiste que Leanne ferma son ordinateur portable et jeta un oeil à sa montre. Il était plus de treize heures et elle n'avait toujours pas mangé. Cette après-midi, elle espérait pouvoir sortir et prendre quelques clichés - les photos seraient indipensables dans son livre et elle n'en avait pas fait assez depuis son arrivée. Pour le moment, elle avait simplement pris la Tortue, le lac et la forêt que l'on voyait depuis les pontons. Fort heureusement, elle avait trouvé quelqu'un pour l'accompagner, un expert en protection avec qui elle pourrait se rendre à l'extérieur sans désobéir aux ordres. Et surtout, sortir tout court, car les allées et venues étaient hautement surveillées. Rien de plus normal, bien sûr.

Lorsque Lee eut fini de se préparer, elle se dirigea vers le réfectoire. Elle avait une demi-heure pour manger, se rendre au laboratoire afin de faire la connexion avec son Avatar qui attendait bien sagement dans le village de la base, et rejoindre son « coéquipier » du jour devant la sortie C. Autant ne pas traîner, en somme ; surtout qu'elle croiserait forcément Saona près des caissons et discuterait un peu avec elle avant de changer de corps. En arrivant dans la grande salle réservée aux repas, Leanne croisa plusieurs personnes qu'elle connaissait bien et les salua poliment avant d'échanger quelques mots. L'un d'eux proposa de manger ensemble, et Lee allait accepter lorsqu'elle vit Naminé lui faire un signe depuis l'une des tables. Elle déclina donc l'invitation et se dirigea vers l'infirmière.

« Nam ! Je suis contente de te voir, » dit-elle joyeusement lorsqu'elle arriva à sa hauteur. Elle s'assit sur le banc juste en face de son amie et prit de ses nouvelles. « Tout va bien ? » Elle ne lui laissa, en fait, même pas le temps de répondre. Leanne venait d'avoir une idée : elle écarquilla des yeux pétillants et demanda : « Oooh ! Dis-moi que tu ne travailles pas aujourd'hui ! J'avais prévu de me rendre dans la forêt pour faire des photos de la flore, ça te dirait de m'accompagner ? Dis ouiiii ! »

Elle avait l'air d'une adolescente qui suppliait sa meilleure amie de venir à une soirée branchée. En fait, Lee avait juste envie de passer du temps avec Naminé, l'une des rares personnes ici qu'elle connaissait d'avant l'expédition. Elles s'étaient rencontrées à un vernissage auquel avait voulu se rendre Leanne. L'anthropologue avait alors découvert le magnifique travail de Naminé et lui avait acheté une peinture, discutant avec elle pendant plus d'une heure par la suite. Elles avaient tenté de garder contact et se s'étaient revues par la suite, mais la vie avait tout de même fini par les séparer - surtout que Lee avait entrepris un nouveau voyage à l'étranger. Elles s'étaient retrouvées en Guyane, ravies de constater que toutes deux faisaient partie de l'expédition vers Pandora. Les deux ans qui ont suivi, elles ont construit une solide amitié basé sur leur passion pour l'art sous certaines de ses formes - dessin, peinture, photographie. Aujourd'hui, Naminé est celle à qui Lee souhaite montrer ses clichés en premier, afin de les soumettre à son oeil de professionnelle. L'infirmière avait d'ailleurs déjà vu celles de la Tortue, du lac et d'une partie de la forêt. Aujourd'hui, elle pourrait l'aider à en faire d'autres pour son bouquin... et elles profiteraient surtout de cet instant pour discuter ! Mais encore fallait-il que la jeune femme soit libre...

Naminé détestait être comme cela, à ruminer dans un coin renfermée sur elle-même. Ça faisait pourtant quelques années que son frère avait disparu et elle avait presque fini par s'y habituer et pourtant, arrivée sur Pandora, elle revivait la perte de Nathan comme au premier jour. Elle n'avait pourtant pas pu rêver qu'elle le retrouvait pendant son voyage vers cette nouvelle planète, puisque rêver était impossible quand on était cryogénisé. Cela n'empêchait pas Naminé de vivre comme si elle avait retrouvé l'espoir de revoir un jour son jumeau et l'avoir perdu à nouveau. Elle n'y comprenait pas grand chose, mais elle savait néanmoins que cela devait cessé. Naminé finit par se lasser de sa lecture bien que l'histoire de Pandora était fascinante et qu'elle adorait en apprendre un peu plus sur elle chaque jour. La jeune femme envisageait sérieusement d'aller travailler bien qu'elle soit en repos puisqu'il semblait que c'était la seule solution pour elle d'avoir l'esprit en paix, mais alors que son regard dérivait d'un bout à l'autre du réfectoire, Naminé aperçut Leanne, une anthropologue et artiste qu'elle avait un jour rencontré en Californie. Elles s'étaient retrouvées quelques temps plus tard dans le programme et s'étaient liées pendant le stage en Guyanne.

Elle fit un signe de main à son amie. Elle fit celle-ci échanger quelques mots avec les personnes présentes autour d'elle avant de s'approcher de la table de Naminé. Elle était heureuse de voir Leanne, elles n'avaient pas encore eu l'occasion de se croiser depuis l'arrivée de l'expédition, chacune ayant beaucoup de choses à faire de leur côté. Lee semblait partager son enthousiasme et la plus jeune des deux blondes n'eut même pas le temps d'ouvrir la bouche pour répondre aux question de l'autre. Naminé s'accouda sur la table, le menton dans le creux de sa main et regarda Leanne s'emballer avec un sourire amusé. On ne pourrait jamais dire que Lee qu'elle était déprimante, elle avait même réussi à faire oublié à Naminé ces tracas en quelques secondes.

Leanne lui proposa une sortir hors de la Tortue et Naminé rit devant l'excitation non dissimulée de son amie.
« Je crois que tu es mon ange gardien, Lee! Dire que j'envisageais d'aller travailler au lieu de me reposer aujourd'hui... Ce serait vraiment génial, bien sûr que je t'accompagne! A part le boulot, je n'ai encore eu le temps de rien depuis que nous sommes arrivées sur Pandora... je n'ai même pas eu le temps pour une petite sortie autour de la Tortue, c'est pour dire! »
Les deux blodnes discutèrent tant dis que Lee entamait son déjeuner:
« Alors Lee... » commença Nam' avec un sourire amusé « Pandora est à la hauteur de tes espérances? »
Leanne n'aurait pas eu besoin de lui répondre car elle savait à quel point Lee avait espéré ce voyage, mais l'enthousiasme de son amie faisait plaisir à voir. Naminé trouvait que les pilotes d'avatar étaient les membres les plus gâtés de l'expédition. Pandora était une véritable passion pour eux, autant que le peuple qui vivait ici et pouvoir se fondre parmi eux devaient être un cadeau du ciel – même si l'on ne devait pas les prouesses technologiques à Dieu – et une opportunité sans pareille. Elle ne leur enviait rien, Naminé s'était choisie une autre voix il y a longtemps et sa passion à elle était l'art, mais elle trouvait tout simplement beau de voir des hommes et des femmes partager les mêmes idéaux autour d'une même fascination. Les pilotes n'étaient pas ceux qu'elle soignait le plus, mais sur les visages de ceux qu'elle avait croisé à l'infirmerie se lisait une seule chose: la fièvre de Pandora. Et peu importe les blessures, ils avaient l'air heureux et malgré que ce ne soit que du bonheur par procuration pour Naminé, c'était toujours un peu de paix de gagné.

Les deux femmes finirent par quitter le réfectoire et prendre la direction du Quartier Sud, le territoire des pilotes d'avatar. Naminé aurait dû avoir honte de pas encore y être allée puisqu'elle était l'apprentie de Saona et était censée venir travailler avec elle ici-même. Mais étrangement, les blessés et le deuil occupaient bien ses journées, alors Naminé vivait plutôt bien avec cette culpabilité. Elles entrèrent dans le laboratoire où s'effectuait les connexions avec les êtres bleus. Naminé jeta un coup d'œil rapide autour d'elle; elle n'avait vraiment pas envie d'affronter Saona, sa responsable, et aperçut dans le même temps une série de masques. Elle s'avança et en prit un avant de s'en retourner vers Leanne:
« Où nous retrouvons-nous à l'extérieur? »

Leanne se saisit de sa fourchette avant de lever les yeux au ciel, faussement exaspérée. Naminé était en repos mais pensait aller bosser ? Non non, totalement inenvisageable ! Heureusement que la pilote était venue avec son idée de sortie ou son amie aurait encore joué les bourreaux de travail. Il fallait savoir prendre du temps pour soi, surtout dans de telles conditions. La vie sur Pandora était certes belle car les membres de l'expédition attendaient cela avec impatience... mais ils n'étaient pas là pour observer le paysage à longueur de journée. Chacun avait ses propres fonctions, parfois éreintantes. Nam, par exemple, devait se montrer au top de sa forme à chaque seconde. En tant qu'infirmière, un énorme poids pesait sur ses épaules : elle soignait les patients. Elle ne devait pas se tromper de médicament ou encore de dosage, et avait tout intérêt à se montrer attentive au moindre de leurs besoins. Il lui fallait donc du sommeil, mais surtout, des activités ! Cette petite balade dans la forêt de Pandora lui changerait les idées et lui permettrait d'avoir l'esprit ailleurs que tourné vers son boulot ou les occupants de l'infirmerie sous sa responsabilité. Lorsque Lee apprit que, d'autant plus, ce serait sa première sortie à l'extérieur de la base, elle ne put qu'être ravie d'avoir rencontré Naminé au self. L'expédition n'était pas arrivée depuis longtemps, malgré tout la blondinette ne comprenait pas comment Nam avait pu tenir sans mettre un pied dehors. A peine installée dans sa chambre, Lee sautillait déjà d'impatience en s'imaginant fouler le sol de cette planète.

« On va passer une excellente après-midi, tu vas voir ! » s'enthousiasma-t-elle en dévorant son plat.

D'un air qui sous-entendait que la réponse était évidente, Naminé demanda à Lee si Pandora était à la hauteur de ses espérances. La pilote d'Avatar aurait - normalement - sauté sur l'occasion pour entamer un monologue hallucinant sur la beauté et la richesse de cet endroit si cher à ses yeux. Mais elle connaissait Nam et inversement : l'artiste savait parfaitement que rien ne la décevait, absolument rien. Tout était juste parfait, elle avait réalisé un rêve de gosse en venant ici et ne le regretterait jamais, peu importe la suite des événements. Evidemment, il y avait un bémol à ce Paradis : la présence de mercenaires qui menaçaient la sécurité des Na'Vis, de la faune et de la flore de Pandora. Mais l'expédition et ses membres étaient prêts à se battre pour les défendre. Leanne espérait que cette idée éloignerait les mercenaires, qu'ils décident de rentrer en constatant qu'ils avaient les autochtones et leurs propres comparses humains contre eux. Même si son amie et elle ne s'étaient pas revues depuis leur arrivée sur Pandora, Lee savait qu'elle avait le même avis sur la question. Il était donc inutile d'évoquer ce sujet pour le moment, ça lui couperait sans aucun doute l'appétit et leurs « retrouvailles » débuterait sur quelque chose de plutôt négatif. Les mercenaires avaient tendance à énerver Lee, à la mettre en rogne. Elle n'avait pas envie de se monter la tête maintenant, alors que la journée promettait d'être géniale. Ainsi se contenta-t-elle de raconter la dernière nouvelle à Naminé.

« Tu sais déjà que oui, » sourit-elle. « J'ai juste eu une petite mésaventure deux jours après notre installation. On a du t'en parler, ça a fait le tour de la base - ou du moins celui de l'infirmerie. En visitant les serres, j'ai confondu deux plantes extrêmement similaires. L'une a du poison dans ses racines, et l'autre sur ses feuilles. J'ai touché la plante, pensant à la première, mais en fait c'était la seconde. Je me suis retrouvée sous ma couette un quart d'heure plus tard à imaginer qu'un Pa'li était couché au pied de mon lit. »

Elle éclata de rire, se souvenant très bien de son hallucination passagère. Saona l'avait prévenue et mis à part cette histoire de cheval pandorien, tout s'était plutôt bien passé durant son processus de guérison. Si au début Lee avait mal vécu cette mésaventure, se maudissant pour son erreur, aujourd'hui elle ne s'en formalisait plus. Après tout, les plantes en question se ressemblaient vraiment beaucoup, seuls quelques détails permettaient de les distinguer. Dans sa précipitation, Leanne n'avait pas pensé à les rechercher pour voir devant quoi elle se tenait, dans cette serre. Ce n'était donc pas un manque de compétences mais plutôt de prudence, ce qui la vexait beaucoup moins.

Tout en discutant de tout et de rien, Naminé et la pilote terminèrent leur repas. Elles se retrouvèrent rapidement dans les couloirs menant au quartier des Avatars : Lee devait entrer dans un caisson et se connecter à son grand corps bleu afin de sortir de la base. Lorsque toutes deux furent dans la grande salle en question, l'anthropologue vit Nam lancer des regards un peu partout comme pour s'assurer de ne pas croiser une certaine personne. Lee ne dit rien, mais savait exactement ce qui se passait : l'infimière ne voulait pas voir Saona, sa supérieure. Elles ne s'entendaient pas, surtout parce qu'elles couraient après le même garçon, à savoir Lorenzo Sapienti. Si Lee souffrait quelque peu de voir que sa soeur de coeur et son amie ne s'appréciaient pas du tout, elle gardait cela pour elle, espérant sincèrement que leurs relations s'arrangeraient au fil du temps. Elle avait essayé de s'en mêler mais So' était têtue et ne voulait rien entendre, croyant que Naminé allumait Lorenzo exprès. Aux yeux de Lee, ça ne valait pas mieux qu'une dispute d'adolescentes, toutefois le silence était d'or dans ce genre de situation. Elle se contentait de faire comme la Suisse, d'être neutre, et un jour l'orage finirait par passer.

« Vers la sortie C. J'ai donné rendez-vous à Hadrian là-bas et on traversera en barque. Quand tu seras dehors, ce sera sur ta droite, » précisa-t-elle, sachant que Naminé n'avait pas encore eu l'occasion de quitter la Tortue. Elle n'avait pas besoin d'en savoir plus, tout était balisé quoi qu'il en soit et elle s'y retrouverait facilement. « A tout de suite ! »

Leanne esquissa un sourire à son amie et lui fit un petit signe de la main avant de rejoindre l'un des neurologues chargés de la connexion avec les Avatars. Elle aurait aimé voir Saona et avait espéré que ce soit le cas d'ailleurs, mais elle avait du être appelée quelque part ailleurs - peut-être à l'infirmerie - et ne se trouvait pas dans la pièce. N'ayant pas le temps d'attendre son retour, Lee remit son cerveau humain entre les mains d'un confrère et entra dans son caisson. Elle se réveilla quelques secondes plus tard dans la grande maison de bois située dehors. Elle s'assit sur sa paillasse et laissa deux médecins vérifier son état de santé général tout en leur faisant la conversation. Il ne lui fallut que deux minutes avant d'obtenir l'accord des blouses blanches qui la laissèrent seule. Lee changea de vêtements, optant pour un short beige et un t-shirt écru qu'elle avait recousu elle-même pour qu'il épouse ses formes d'Avatar. Puis, elle se munit de son sac à dos où reposait son appareil photo, observa les corps étrangement endormis de ses comparses - quelques lits étaient néanmoins vides - et sortit. Quelques collègues s'entraînaient au basketball et elle leur fit signe, se dirigeant d'un bon pas vers la sortie C. Hadrian et Naminé, tous deux portant le masque réglementaire, l'attendaient.

Ils prirent une barque et Lee se cala au milieu pour ramer. Elle était la plus forte des trois et il était donc normal que ce soit elle qui fournisse de tels efforts : ainsi ils allaient beaucoup plus vite et cela la fatiguait à peine. Sur la berge, ils laissèrent la barque, l'attachèrent et entreprirent de s'enfoncer dans la forêt de Pandora. Lee laissait Hardian mener la marche, il devançait les deux jeunes femmes d'au moins dix mètres. L'anthropologue baissa la tête pour pouvoir regarder Naminé et esquissa un sourire ravi.

« Alors, quel effet ça te fait, cette première promenade ? »

Naminé était très emballée par une promenade sur Pandora, elle n'avait pas encore eu le plaisir de sortir et de profiter de la nature, et pourtant il y avait nombre de choses à voir sur une planète telle que celle-ci. Leanne répondit à sa question avec amusement. Effectivement, ni l'une ni l'autre n'était dupe. Leanne adorait être ici, c'était certain. Elle lui raconta la mésaventure qui lui avait valu de finir à l'infirmerie, quelques jours à peine l'arrivée de l'expédition sur Pandora. Naminé s'esclaffa:
« Non, je n'étais pas au courant! » dit-elle entre deux rires « tu as dû être la première patiente de l'infirmerie, c'est pas possible... Il n'y a que toi pour faire ce genre de chose on dirait! Tu as dû aller à l'infirmerie une des rares fois où je n'y étais pas... Dire que j'ai loupé ça! » rajouta-t-elle avec un sourire amusé. Elle ne se moquait pas vraiment de Lee, elle adorait juste la taquiner. Elle disait qu'elle aurait aimé être là, mais ce n'était pas tout à fait vrai; elle se serait trop inquiétée pour Lee pour en rire, elle en était certaine. C'était donc aussi bien qu'elle l'apprenne maintenant, une fois l'histoire terminée.

Les deux jeunes femmes finirent leur repas tant en parlant de choses et d'autres. Le réfectoire s'était grandement vidé, tout le monde reprenait leur activité. Les deux blondes quittèrent l'endroit et prirent la direction du Quartier Sud, celui consacré aux Avatars. Naminé demandant à son amie où elles devraient se retrouver.
« D'accord, merci. A tout à l'heure! » dit Naminé avec enthousiasme.
Sa première sortie hors de la Tortue! Pourquoi avait-elle mis tant de temps avant de le faire? Elle se disait que c'était par manque de temps, mais elle n'avait pas vraiment eu l'envie de profiter des quelques jours de pause qu'elle avait eu depuis son arrivée. Et puis c'était tellement plus agréable de sortir accompagnée d'une amie que seule! Finalement, c'était aussi bien qu'elle ne soit pas sortie plutôt; une après-midi en compagnie de Leanne serait beaucoup appréciable qu'une sortie quelconque.

Naminé prit la direction de la sortie C et trouva en chemin un masque. Elle n'aimait pas spécialement en porter, mais elle n'avait pas le choix. Quand elle voyait les avatars évoluer à leur libre à travers les fenêtres de la Tortue, elle mourait d'envier de faire pareil. Tant que la jeune femme serait sur Pandora, elle ne saurait plus quel effet cela faisait de sentir le souffle du vent sur son visage. C'était n'était pas possible; non, pas avec un masque. Elle noua ses cheveux en une queue haute et passa le masque sur sa tête alors qu'elle arrivait près de la sortie C. Naminé traversa le sas et put enfin sortir à l'air libre. Cela la rendait presque euphorique d'être dehors. Leanne devait être connectée à son avatar et ne tarderait pas à arriver. Naminé avait hâte de voir son amie sous sa forme bleue. Elle aperçut un protecteur non loin de là et s'approcha de lui. La jeune femme se présenta et l'informa qu'il devrait surveiller une fille de plus.

Bientôt, elle vit la réplique bleue de Lee venir à leur rencontre:
« Ca m'étonne toujours de voir à quel point les avatars ressemblent à leur propriétaire! » dit-elle à l'adresse de Lee.
Naminé savait que les avatars étaient un mélange de l'ADN humain et celui des Na'vis, mais il n'était pas interdit de s'enthousiasmer pour des choses qui étaient pourtant logique, n'est-ce-pas? Ils prirent tous trois la direction d'une barque qui les mènerait sur les bords du lac. Le ficèle sac en bandoulière de Naminé battait sur sa cuisse. Elle était toujours prête à dessiner et on ne sait jamais quand l'inspiration vient! La jeune femme prit place dans la barque et observa Leanne s'installer pour ramer. La barque fut à destination en quelques minutes à peine. L'impressionnante musculature de l'avatar avait rendu le trajet rapide. La jeune femme avait eu envie de laisser sa main effleurer la surface de l'eau, mais ne sachant pas ce qui pouvait bien se trouver dans les profondeurs du lac et s'en abstint. Cela, et l'image qui s'imposa dans sa tête à ce moment là, comme dans les films qui romancent une belle époque: une femme avec une ombrelle qui se fait courtiser par un homme qui ne connait pas grand chose de l'art de la rame. Autant dire que cette image était trop romantique ou trop cucul pour elle. Cela la fit néanmoins sourire d'imaginer Leanne dans le rôle d'un courtisant à froufrous. Elle se retint de tout commentaires – comment expliquer qu'elle ait pensé une bêtise pareille? - surtout qu'elle n'aimait pas raconter ce genre de stupidité outrageusement romantique en présence d'un dur à cuire comme l'était sans doute leur protecteur.

Une fois arrivés, ils descendirent tous et s'enfoncèrent dans la forêt. Nam et Lee laissèrent leur compagnon prendre un peu d'avance, histoire d'être seules.
« Alors, quel effet ça te fait, cette première promenade ? » lui demanda Leanne.
Naminé se tordit le cou pour voir le visage de l'avatar et dut, en désespoir de cause, s'éloigner de quelques pas d'elle pour ne pas attraper un torticolis.
« Je préfèrerai ne pas avoir à respirer avec un masque mais... ça fait un bien fou! Heureusement que je t'ai croisé aujourd'hui, tu me sauves de la déprime! » dit-elle en riant.
Bien que se dernière phrase ne soit pas loin d'être vraie.
« C'est vraiment magnifique, il y a tellement de choses à voir ici, c'est tellement différent de la Terre. Les seuls beaux paysages de notre planète sont sur des photos qui datent de plusieurs dizaines d'années... Mais là! Toutes ces couleurs, cette diversité... ça manque tellement là d'où on vient! Et toi, dis-moi » rajouta Naminé en se tournant de nouveau vers Leanne « où as-tu eu l'occasion d'aller depuis notre arrivée? Raconte-moi un peu ce que tu as fait, ça a l'air tellement passionnant comme boulot! »

En observant son amie depuis ses trois mètres de haut, Leanne se rendit compte de la chance qu'elle avait de pouvoir piloter un Avatar. Naminé semblait enthousiaste en ce qui concernait Pandora et aurait certainement apprécié être compatible pour en avoir un, également. L'artiste lui avoua d'ailleurs qu'elle aurait préféré ne pas devoir porter de masque ; seulement si les humains sortaient à l'air libre sans ce dernier, ils mourraient en l'espace de quelques minutes. Il était sans aucun doute gênant mais il permettait au moins à des personnes comme Naminé de sortir de la base sans aucun problème... et surtout, de profiter de la superbe forêt qui s'étendait à perte de vue.

Tout en marchant auprès de Lee, la jeune femme avoua qu'elle avait bien fait de la croiser, ajoutant avec humour qu'elle l'avait sauvée de la déprime. La blondinette lâcha un rire franc, et songea plutôt que sans elle, Naminé aurait passé son jour de repos à... ne pas se reposer. L'infirmière serait retournée dans son sanctuaire - là où on pouvait toujours la trouver, et y aurait soigné les patients à tour de rôle. C'était l'une des plus grandes qualités de Nam, et Leanne l'admirait pour cela : elle avait une générosité hors du commun. Pour faire un tel métier, il en fallait... Tout autant que de la patience. Et bien que l'anthropologue aime également aider son prochain, être patiente, elle ne connaissait pas !

Lorsque Naminé décrivit ce qu'elle ressentait en foulant Pandora, Leanne esquissa un sourire nostalgique. Oui, et elle l'était. Elle regrettait le temps où la Terre n'avait pas encore décliné. Etrange, non ? Surtout quand on sait que la jeune femme était née bien après ! Seulement tout comme Nam, elle avait eu l'occasion de voir des photos et des vidéos de cette période reculée. Les bâtiments étaient déjà nombreux, mais l'on comptait aussi tellement d'endroits où la nature primait ! Des parcs, des sites protégés, ou même de simples champs. Avant, personne ne se nourrissait avec des pilules. On prenait le temps de manger, et surtout d'entretenir un jardin où l'on faisait pousser sa propre nourriture. Avant, on pouvait s'asseoir sur l'herbe et observer le ciel. Maintenant ? La pollution était si forte que tout était gris, et dès lors qu'on levait les yeux, on apercevait les rails des tramways. Plus personne ne savait ce qu'était la nature. Plus personne.

A nouveau, Leanne se perdit dans ses pensées négatives en rapport avec la Terre, sa Terre, sur le point de mourir à cause des Hommes. Quand de telles choses lui traversaient l'esprit, elle se sentait honteuse et presque... sale d'appartenir au genre humain. Déprimée. Fort heureusement pour elle, Naminé la sortit de son pessimisme en lui demandant ce qu'elle et son groupe de pilotes avaient fait depuis leur arrivée. Saisissant cette opportunité, Leanne raconta sa première expédition. Même si là encore, elle devait lutter afin de ne pas sombrer dans la tristesse : cette mission s'était soldée par la visite à l'ancien Kelutral. Une vision de chaos qui la marquerait à vie. Surtout quand on savait qui était responsable d'une telle destruction.

« Avec un petit groupe de pilotes - dont Eileen Byrnes, notre chef - nous avons tenté d'approcher un troupeau de Pa'lis. Seulement... Avant qu'on ne puisse s'approcher, un Thanator est arrivé et en a tué un. Je t'épargne les détails mais... de fil en aiguille nous nous sommes retrouvées dans les arbres, à essayer de lui échapper. Et nous avons rencontré une chasseuse Omaticaya. Elle a sauvé la vie de l'une d'entre nous qui avait trébuché et allait tomber. Ensuite, elle nous a mené sur le site de l'ancien Arbre-Maison de son peuple. Après ça, elle a disparu et nous sommes rentrées à la base. » Leanne se tut un instant, et secoua la tête avant de reprendre, sur un ton plus bas. « C'était terrible, Nam. Si tu avais vu... Tout était brûlé, détruit, anéanti. Des hommes, des femmes et des enfants Omaticayas sont morts à cet endroit précis, abattus par... nous ! Tu me connais, tu sais que je n'ai pas un tempérament belliqueux, mais je peux te promettre une chose : si l'on devait en venir à se battre auprès des Na'vis, contre les mercenaires, je ne resterai pas les bras croisés. Je... »

Elle fut coupée par un son qui provint de sa droite. Des bruits de feuilles comme si quelqu'un traversait la forêt et se frayait un chemin en poussant ce qui le gênait. Mais il n'y avait personne ici, mis à part Hadrian et les deux filles. Ce dernier d'ailleurs, avait lui aussi entendu le buit et avait d'ores et déjà relevé son fusil dans la direction correspondante. Leanne se redressa et ses oreilles se mirent à scanner les alentours. Elle fit un signe au protecteur, lui indiquant qu'elle allait avancer pour voir de quoi il s'agissait. Il s'apprêtait à râler mais elle posa un doigt sur ses lèvres bleues, lui intimant le silence afin de ne pas faire fuir l'être vivant qui se tapissait non loin. Son regard du finir de le convaincre car il la laissa faire, continuant toutefois de la couvrir avec son arme à feu. Lee fit donc quelques pas, aussi silencieusement que possible, et détourna doucement des branches qui la dérangeaient... Pour découvrir qu'à quelques mètres seulement, paissaient une mère Hexapode et son enfant ! Ses lèvres s'étirèrent en un sourire ravi, et elle recula lentement avant de murmurer :

« Ce n'est rien, juste des Hexapodes ! » Voyant les sourcils froncés d'Hadrian, qui tentait sûrement de faire appel à ses souvenirs pour déterminer précisément quelle était cette étrange bête, elle ajouta. « Ce sont comme des cerfs, chez nous. Ils sont herbivores et ne nous attaquerons pas. Ils sont peu réactifs et de fait, sont les proies les plus faciles qu'un chasseur Na'Vi pourrait trouver. D'ailleurs, un Hexapode est le premier animal que les Omaticayas ont le droit de tuer durant leur rite de passage, de l'enfance à l'âge adulte. »

Comprenant qu'elle était - encore une fois - en train de laisser parler sa passion, et que ses interlocuteurs pourraient vite s'ennuyer, Leanne stoppa net ses explications et fut ravie que sa couleur de peau ne lui permette pas de rougir. Elle se tourna vers Naminé et lui fit signe de s'approcher. Lorsque l'infimière fut près du buisson qui cachait les Hexapodes, Lee poussa à nouveau la végétation et la laissa découvrir ce spectacle attendrissant. Les animaux, eux, les avaient également entendus et les regardaient droit dans les yeux. Seulement, ils ne pensèrent même pas à s'enfuir, semblant tout aussi intrigués que les humains de se retrouver en si étrange compagnie.

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